Lutter contre le racisme, c’est soutenir la libération des peuples du Sud

Intervention de notre frère Mehdi Meftah pour le PIR à la grande manifestation contre le racisme du 11 Mai 2025 organisée à la suite de l’assassinat islamophobe et négrophobe de notre frère Aboubakar Cissé, Allah y Rahmou. Retrouvez notre premier bilan de cette grande marche ici.

L’étincelle qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’assassinat de notre frère Aboubakar Cissé, assassiné le jour du Joumoua, la bonne et bénie journée du Vendredi pour tous les musulmans. C’est aujourd’hui à la communauté malienne, et à l’ensemble de la communauté musulmane endeuillée que nous adressons nos pensées. Allah y rahmou.

Le meurtre de notre frère rappelle à tous aujourd’hui que l’islamophobie n’est pas qu’une affaire d’Arabes, et que la négrophobie n’est pas que l’affaire des Noirs. L’assassin a clairement revendiqué sa détestation de l’Islam et des Afro-descendants. Pourtant, dans les premiers temps, cette motivation islamophobe et négrophobe n’a pas été mise en avant, ni par les pouvoirs publics, ni par les médias. Il n’y a évidemment rien d’étonnant à cela. 

Pour nos morts, l’État français pratique une politique de déni systématique : déni de son histoire coloniale, déni de l’impact de ses lois racistes sur la vie de millions de personnes, déni de sa complicité explicite dans le génocide commis par l’État colonial d’Israël, déni de sa responsabilité dans la mort par milliers de nos frères et sœurs noyés aux frontières de l’Occident, et déni de Justice pour nous tous, Noirs, Arabes, Musulmans, Rroms, migrants, qui sommes les premières cibles de ses forces de police et de ses politiques de lutte contre l’immigration et le « terrorisme ».

Ils ont dissous et continuent de dissoudre les organisations de solidarité et de lutte contre l’islamophobie, et ils produisent des statistiques grossièrement tronquées pour invisibiliser le climat d’agression permanente que subissent les musulmans, l’hystérie et la violence contre les femmes musulmanes, et les attaques et les attentats contre les mosquées qui se multiplient. Leurs lois contre le port du Hijab et du Niqab par les femmes musulmanes et leur lutte contre le « séparatisme » ont inspiré les pires régimes du monde, et ils prétendent encore être le camp de la modération, et ils osent envoyer des condoléances hypocrites et tardives à nos familles endeuillées. Ils défendent un génocide, et osent prétendre défendre la mémoire des martyrs du génocide juif.

Nous les dénonçons souvent comme complices, mais ils sont acteurs et auteurs. Ce sont les lois racistes et leurs promoteurs politiques et médiatiques qui arment les bras des tueurs. C’est leur frénésie à dissoudre les organisations de lutte contre le racisme et le colonialisme qui donne l’assurance aux suprémacistes que l’État français a décidément le même ennemi qu’eux. Oui, c’est au sein de leurs tribunaux que les nôtres sont maltraités, et que des militants sont jugés dans le cadre de procédures où le sens des mots et des valeurs est inversé. Pour les nôtres, le « fascisme » n’est pas à venir, il est déjà là.

L’islamophobie n’est pas séparable de la matrice coloniale française, de la défense d’une France blanche, européenne, progressiste et chrétienne, face à un péril islamique et africain transnational. Les meurtres racistes visent tous le maintien du même ordre, cet ordre qui permet le génocide au Congo et en Palestine, et qui domine l’espace public français avec des statues de racistes, de génocidaires et de colonialistes, cet ordre qui veut fermer les frontières pour protéger sa blancheur, cet ordre qui tue en toute impunité et criminalise celui qui veut lui résister.

Les pouvoirs publics, main dans la main avec la fachosphère, perpétuent un système d’oppression qui banalise la violence contre les musulmans, les noirs et les migrants. Il y a quelques jours, notre frère Franco Lollia, de la Brigade Anti Negrophobie a été condamné par la Cour d’Appel de Paris pour avoir dénoncé la négrophobie de l’Etat colonial français, qui affiche encore fièrement les symboles de l’esclavagisme sur ses bâtiments publics. Encore un déni, un déni hypocrite, négrophobe. Une insulte quotidienne à tous les Afro-descendants de ce pays. Tout notre soutien aujourd’hui à la BAN et à toutes les organisations qui luttent pour abattre la négrophobie d’Etat ! Vive nos frères et sœurs panafricains ! Soutien à nos frères Kanaks emprisonnés par l’Etat colonial français ! Kanaky vivra, Kanaky vaincra.    

Aujourd’hui, le Collectif Urgence Palestine est menacé de dissolution, sur la base d’arguments qui puisent directement dans le répertoire islamophobe pour criminaliser la parole des musulmans, des arabes et des Palestiniens. On accuse ceux qui se mobilisent contre un génocide colonial d’être un péril pour la communauté juive. Les descendants des auteurs du génocide juif prétendent aujourd’hui les protéger. La situation est risible, lamentable, tragique aussi.

Honneur à Urgence Palestine, et à tous ceux qui se mobilisent et continuent de se mobiliser contre le génocide ! Honneur aux Juifs antisionistes qui défendent la vérité à la face de ce pouvoir colonial pervers ! Soutien à nos frères, sœurs et amis poursuivis par l’inquisition judiciaire : Elias d’Imzalène, Abdourrahmane Ridouane, Anasse Kazib, François Burgat, l’imam Ismail, l’imam Noureddine Aoussat !

Trop nombreux sont ceux qui, dans le champ politique blanc, continuent à avoir une conception inopérante, morale et paternaliste de la lutte contre le racisme, et gardent une attitude tantôt opportuniste, méprisante ou hostile vis-à-vis des luttes de l’immigration post-coloniale.

Il y a trois jours, c’était le 8 mai. C’était la commémoration du massacre de nos frères et sœurs algériens à Setif, Guelma, et Kherrata par le pouvoir colonial français. C’était également l’anniversaire des 20 ans de la première marche des Indigènes de la République. Cela fait 20 ans. Pendant vingt ans, le camp décolonial, dont nous sommes fiers d’être les passeurs, a fait face à une politique d’endiguement et d’hostilité, que la superbe nouvelle génération militante que nous voyons aujourd’hui constate encore.

Cette nouvelle génération a compris que la lutte contre le racisme et le colonialisme ne peut être autre chose qu’une lutte de libération pour tous ceux qui en sont l’objet. La nouvelle génération sait qu’elle est engagée dans la construction de nouvelles puissances de décolonisation, seules à même d’imposer un rapport de force favorable à nos intérêts. Nous avons besoin de plus de centralité palestinienne dans nos luttes. Nous avons besoin de plus de perspectives musulmanes, nous avons besoin de plus de pouvoir Noir. Musulmans, Palestiniens, Africains, nous savons que nous sommes les seuls à même de conquérir nos droits.

Aucune lutte contre l’islamophobie n’est possible sans l’organisation autonome et souveraine des musulmans de France. On ne peut pas lutter contre l’islamophobie sans abolir les lois islamophobes et les dispositifs sécuritaires antiterroristes, qui font de la vie des musulmanes et des musulmans un véritable enfer bureaucratique, judiciaire et carcéral. Nos salutations aujourd’hui à notre frère Kamel Daoudi, plus ancien assigné à résidence de France, déchu de sa nationalité, aux prises avec un pouvoir judiciaire kafkaïen. Libérez nos frères ! Libérez nos sœurs ! 

Nous nous félicitons de nous voir nombreux aujourd’hui. La solidarité ne peut plus se contenter d’engagements moraux. Nous avons besoin d’une lutte active, d’une plateforme de revendications à porter et défendre, et d’engagements politiques et programmatiques de tous ceux qui se veulent nos alliés. Du succès de nos luttes dépend le succès de toute lutte contre le « fascisme ». Lutter contre le racisme, cela signifie soutenir les luttes de libération des peuples musulmans, afro descendants, rroms, kanaks, palestiniens, contre le camp du colonialisme, du génocide et de la suprématie blanche.

Justice pour Aboubakar !

Justice et Réparation pour tous les peuples spoliés par le colonialisme !

Justice pour les peuples qui résistent au génocide, de la Birmanie à la Palestine !

Vive la lutte des peuples du Sud !

Vive la solidarité oummatique !

PIR

Ce contenu a été publié dans Actualités, Actus PIR, Archives, Communiqués, Podcast. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.