Lettre d’Ismaïl Lghazaoui, détenu à la prison locale d’Aïn Sebaâ au Maroc

Nous publions l’admirable lettre écrite par Ismaïl Lghazaoui depuis sa cellule casablancaise où il purge une peine d’un an, depuis le 10 décembre dernier, pour s’être fait la voix du peuple marocain opposé viscéralement à la collaboration de l’Etat marocain avec l’état colonial d’Israël. Cette lettre rejoint tant d’autres écrites de prison par des militants, palestiniens ou non, de la libération de la Palestine, faisant de ce lieu de privation de liberté, celui de la poursuite du combat de la justice et de la dignité. A la face de la trahison et de la compromission, elle témoigne de la fidélité à la Palestine par la nouvelle génération qui s’est levée à la suite de l’appel de la Résistance et dans l’urgence d’une nouvelle et gravissime Nakba. Cette publication a lieu le jour de son procès en appel et en appui à la mobilisation pour sa libération.

Les jours et les mois se suivent sans jamais ébranler ma détermination ni étancher mon attachement à la justice. Ma foi ne cesse de m’accompagner, tandis que mon espoir repose sur ceux que j’ai laissés à l’extérieur des barreaux et qui restent fidèles à la voie de la résistance sous toutes ses formes.

En dépit de la distance qui les sépare de la terre de la lutte (Ribât), notre patrie est et restera à jamais une terre des Sentinelles de la Résistance (Murâbitûn).

Mes tourments sont apaisés par le souvenir de ceux qui m’ont soutenu tout au long du chemin parcouru depuis ma convocation jusqu’à l’annonce du verdict, sans parler de leur présence à chaque audience. Chaque fois que j’appelle mes proches, ceux-ci m’évoquent ces esprits libres qui m’ont soutenu sans même me connaître, si ce n’est que notre dénominateur commun est cette noble cause commune, celle de faire résonner la voix du peuple marocain, un peuple refusant l’injustice et défendant avec ardeur la cause du peuple palestinien de Gaza et de sa Résistance héroïque.

Hélas, que dire de la position officielle du Maroc et des décisions de son gouvernement qui, au moment où certains États renoncent à leur soutien à l’Occupation sioniste, et d’autres rompent leurs relations avec elle, ne fait que trahir davantage la cause palestinienne et consolider la complicité avec l’entité sioniste criminelle.

Depuis Tufan Al-Aqsa, à quoi avons-nous assisté au Maroc ? Un génocide éhontément qualifié de simple « opération militaire ». Des militants arrêtés pour le seul tort d’avoir exprimé publiquement leur rejet de cette course effrénée vers la normalisation. Notre pays a acheté des satellites à des entreprises israéliennes entachées du sang des innocents ; il a accueilli des firmes au Salon de l’aéronautique ; a autorisé des navires transportant de l’armement à accoster dans nos ports pour approvisionner l’armée d’occupation afin qu’elle poursuive le génocide contre des civils désarmés. Pire encore, des délégations marocaines ont fait leur la narration de l’ennemi en vue de redorer son image. Nous en sommes arrivés au point où un Palestinien a été déporté du Maroc vers l’ennemi, le livrant à un sort inéluctable. Ajoutons que 13 militants se voient condamnés à six mois de prison avec sursis, après plus d’un an de poursuites, pour avoir protesté pacifiquement devant une enseigne soutenant l’occupation. La question se pose : que nous est-il réservé pour la suite ?

Si l’on m’a enfermé en prison en vue de faire taire ou dissuader d’autres voix qui oseraient refuser la soumission et réclamer une position digne de notre pays, qui le rétablirait dans son statut de terre de liberté et de noblesse, alors notre victoire ne peut que résider dans notre insoumission.

Ismaïl Lghazaoui, le 30 décembre 2024, depuis la prison locale d’Aïn Sebaâ à Casablanca

Traduit de la langue arabe par Ibrahim et Ahmed

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