D'ailleurs, l'islamophobie d'Ici

« Le racisme euro-américain est maintenu par un sécularisme dans lequel l’homme occidental tente de remplacer Dieu » (entretien avec Atiya Husain)

Pour ce nouvel entretien de notre série D’ailleurs, l’Islamophobie d’Ici, nous nous entretenons avec Atiya Husain, professeur de sociologie à l’Université de Richmond, travaillant actuellement à un ouvrage sur le FBI, le terrorisme, la race et le radicalisme Noir. Auteur d’un article très intéressant sur les limites du concept d’islamophobie, nous l’avons questionnée sur sa perception des politiques françaises envers les musulmans, et sur les liens trop souvent méconnus entre la condition noire, l’Islam, et l’antiterrorisme.

English version below

1. Que pensez-vous de la politique de l’Etat français envers les musulmans et l’islam en général ? Pourriez-vous le comparer à la politique envers les musulmans dans votre pays?

Pour la France comme pour les États-Unis, l’islam et les musulmans sont un « Autre » central, contre lequel peut se faire l’unité de leur fraternité libérale. Dans les deux pays, la question musulmane se pose dans le langage de l’appartenance, de l’incorporation, de l’assimilation et des termes similaires. L’appartenance est exigée de différentes manières et avec différents niveaux d’intensité. La surveillance et le maintien de l’ordre sont extensifs et meurtriers. L’islamophobie française a récemment dépassé un niveau qui était déjà alarmant. Des politiques ouvertement antimusulmanes sont adoptées en France, accompagnées de l’interdiction de dénoncer et de documenter le racisme d’État. Cela indique une tentative de la part de l’État de naturaliser cette violence, de signifier que cette violence est méritée. C’est une dimension de l’ordre actuel. Sous le régime Trump, les musulmans américains ont craint ce type d’escalade à partir de la mise en place du Muslim Ban, en début de mandat.

Même si les administrations présidentielles changent, les États-Unis et la France partagent un certain socle de politiques antimusulmanes. Il est non seulement possible de comparer les politiques étatiques envers les musulmans et l’islam aux États-Unis et en France, mais il est important de le faire, car ces États puissants s’inspirent les uns des autres dans leurs politiques antimusulmanes.

2. Comment définissez-vous la Noirceur (Blackness) et comment considérez-vous sa relation avec l’Islam ? Quelles sont les relations entre les communautés musulmanes noires et non-noires dans votre pays ?

Les limites, la définition et l’histoire de la Noirceur sont fortement débattues. Mais dans la plupart des définitions, l’Islam a une relation historique de longue date avec la Noirceur. Bien sûr, les Noirs sont parmi les premiers à devenir musulmans dans les premières années de l’islam, et l’Islam devient une religion africaine bien avant l’expansion coloniale occidentale. Mais la compréhension occidentale moderne de la Noirceur aujourd’hui n’est pas la même que la façon dont elle était comprise avant le colonialisme européen, même si elles sont similaires à certains égards. La pensée occidentale moderne comprend le fait d’être Noir comme un statut biologique fixe – c’est un statut qui organise chaque mouvement, lié à un type particulier d’esclavage. Les Européens ont autrefois asservi de nombreux types de peuples (Slaves, Scandinaves, Turcs, etc.). Mais au XVIe siècle, ils réservaient l’esclavage uniquement à certains Africains qu’ils transformaient en une marchandise qu’ils appelaient « Nègres ». Une partie importante de ce processus consistait à effacer la longue histoire de l’Islam de la vie des nombreux Africains réduits en esclavage dans les Amériques. C’était une grande chose à effacer : beaucoup des rencontres de l’Europe avec des musulmans étaient simultanément des rencontres avec des Africains. Mais écrire une histoire dans laquelle les Noirs/Africains et les Musulmans/l’Islam sont séparés les uns des autres a permis à l’Europe de raconter sa propre ascension comme elle l’entendait : que les Noirs/Africains étaient destinés à l’esclavage et n’avaient pas d’histoire, tandis que les Musulmans/L’Islam étaient une menace rivale, et avec une histoire, mais toujours jugée inférieure à celle de l’Occident. Le penseur radical noir Cedric Robinson soutient que ces distorsions et ces effacements sont liés à la création par l’Europe de son propre mythe sur elle-même, tout comme l’orientalisme a permis à l’Occident de se créer lui-même.

Sans une attention particulière à cette histoire, il est facile d’imaginer la Noirceur et l’Islam comme occupant des sphères par nature séparées qui se recoupent parfois. Mais nous devons nous demander qui ce récit historique reflète, et les intérêts de qui cela sert. Cette histoire nous amène à votre deuxième question sur les relations entre musulmans noirs et non-noirs aux États-Unis.

Les relations entre musulmans noirs et non-noirs sont parfois mal interprétées à travers cette histoire déformée comme une impasse raciale, ou une fracture indépassable entre deux groupes incroyablement différents. Le fossé est bien sûr profond. Le racisme des musulmans non-noirs, en particulier celui des Arabes et des Sud-Asiatiques, a ses expressions particulières au sein des communautés musulmanes : monopolisation de l’autorité religieuse, prohibition sociale des mariages interraciaux et colorisme. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres. Mais nous ne pouvons pas comprendre les relations entre les musulmans noirs et non-noirs en ne regardant que les dynamiques au sein de la communauté. Le racisme intra-musulman est influencé par l’héritage de la colonisation ainsi que par les systèmes ethniques et de caste locaux des musulmans non-noirs. Et à mon avis, il est également façonné par quelque chose de beaucoup plus récent – la guerre froide.

Je voudrais souligner deux choses à propos de la classe et la politique, sur la façon dont la guerre froide a façonné les relations entre les musulmans noirs et non-noirs aux États-Unis. Premièrement, la plupart des musulmans non-noirs sont arrivés après 1965 quand les portes de l’immigration se sont ouvertes vers l’Asie. Mais les portes s’ouvraient surtout aux professionnels éduqués, dont l’immigration était encouragée par une pénurie de médecins aux États-Unis et par la peur de la progression communiste en Asie. La pacification était un bras de la politique américaine durant la guerre froide. Les sensibilités politiques de ces immigrants ont été façonnées par ces conditions et par la possibilité de vivre une vie de classe moyenne relativement confortable. Il est essentiel de noter que la communauté musulmane aux États-Unis a aujourd’hui des taux de pauvreté qui correspondent et parfois dépassent les taux de pauvreté d’autres groupes. Mais la classe moyenne / professionnelle majoritairement non-noire de musulmans exerce une influence démesurée. Deuxièmement, une partie de la stratégie de guerre froide pour faire avancer les intérêts américains consistait à tenter de retirer l’internationalisme du travail politique noir aux États-Unis. L’internationalisme était un aspect important de la radicalité du mouvement de libération noire, dès le départ. De nombreux membres du mouvement de libération des Noirs à cette époque étaient musulmans et se considéraient comme des peuples du tiers-monde, comme des peuples colonisés, comme leurs camarades asiatiques et africains. Les frontières de leur imagination anticoloniale et de la Oummah ne correspondaient pas aux frontières de la nation américaine, ce qui en faisait une menace à réprimer du temps de la guerre froide. Leur solidarité avec les mouvements anticoloniaux en Afrique et en Asie, avec la Palestine et l’Algérie, était considérée comme un problème de sécurité nationale. Redéfinir l’identité noire comme une identité américaine a donc été une part importante de la rhétorique et de la politique de la guerre froide. Ces deux dimensions font partie de la façon dont le capitalisme américain s’est retranché face aux mouvements radicaux qui le contestaient, et c’est une grande part de ce qui structure les relations entre noirs et non-noirs dans les communautés musulmanes.

Le racisme intra-musulman se produit dans ce contexte plus large, ce qui signifie que la résistance à celui-ci a également des implications plus larges. Il existe un précédent de cette résistance dans l’esprit de ces mouvements de solidarité anticoloniale, la même solidarité considérée comme menaçante durant la guerre froide et dans laquelle les musulmans noirs et non-noirs étaient impliqués. À mon avis, c’est un modèle précieux sur lequel s’appuyer pour développer une politique de solidarité, dans des conditions différentes aujourd’hui. Une autre politique est possible.

3. Quelle est la relation entre l’islamophobie et la suprématie blanche ?

Depuis au moins le XIXe siècle, le racisme euro-américain est maintenu par un sécularisme dans lequel l’homme occidental tente de remplacer Dieu comme réalité ultime avec sa propre « possession de la terre pour toujours et à jamais, Amen ! » (pour reprendre les termes de W.E.B. DuBois sur la blanchité). Les Européens occidentaux ont construit une idée de la nature, comme connaissable et distincte de Dieu, et ils se sont placés au sommet de sa hiérarchie. Cela a fait d’eux les arbitres naturels de la connaissance, de la gouvernance, de la civilisation et de la vie en général, que tous les autres doivent essayer d’imiter dans une sorte de culte séculier. Le reste d’entre nous sommes humains si nous apparaissons à l’homme occidental comme humains. Notre humanité est déterminée selon les termes de l’homme occidental. Ces termes ont changé dans une certaine mesure au fil des ans, mais ils continuent de maintenir cette hiérarchie «naturelle». Qu’est-ce que l’islamophobie a à voir avec cela ? Une grande partie de l’Islam et des musulmans ne correspondent pas à ces termes. Et beaucoup de ces termes ont été développés en nous conceptualisant comme le contraire de l’homme occidental, comme quelque chose qui est toujours différent de lui.

En passant à notre époque actuelle, les phénomènes que nous désignons comme islamophobes – la guerre mondiale contre le terrorisme, le Muslim Ban de Trump, les lois anti-hijab françaises, la Hindutva, la violence envers les Ouïghours en Chine et les musulmans Rohingyas au Bangladesh – sont tous des problèmes mondiaux que la suprématie blanche a produits, même dans les cas où cette islamophobie n’est pas le fait de populations blanches.

L’une des choses les plus importantes à comprendre à propos de cette relation, pour moi, est que l’impact de l’islamophobie se fait sentir très largement dans un système conçu pour enrichir les bénéficiaires du capitalisme occidental. Par conséquent, les musulmans ne sont pas les seuls à subir les conséquences de l’islamophobie. Par exemple, dans mon contexte des États-Unis, la déréglementation et la privatisation depuis les années 1980 ont rendu l’éducation, le logement, les soins de santé et l’eau potable disponibles uniquement pour ceux qui en ont les moyens. L’éducation, le logement, les soins de santé et l’eau potable ne sont pas considérés comme des biens publics, et encore moins comme des droits humains fondamentaux. Alors que le financement des biens publics a diminué, le budget de la sécurité nationale a explosé (dans tous les sens du terme), en fauchant tant de vies dans le processus; et cette augmentation est inséparable d’une militarisation de la guerre contre le terrorisme au niveau de l’État qui associe toujours plus le terrorisme aux pensées et aux actions des non-blancs. De plus en plus de personnes perdent leur couverture de santé chaque jour, mais les services de police locaux peuvent acheter des chars et des bombes en surplus au nom de la sécurité nationale et de la menace terroriste. De nombreuses personnes font la queue pendant des heures devant les banques alimentaires aux États-Unis pendant la pandémie tandis qu’un très, très petit nombre de capitalistes font des bénéfices. D’où vient l’argent et où va-t-il ? Quand les services pour tous sont réduits alors que les technologies de guerre progressent au nom d’une menace terroriste musulmane, l’islamophobie a des implications pour différents types de personnes à travers le monde. Ainsi, comprise de cette manière, l’islamophobie est un problème planétaire.

4. Pouvez-vous expliquer en détail quelle était la politique américaine envers les musulmans et en particulier les musulmans noirs avant le 11 septembre ? Y a-t-il une continuité entre cette politique et la politique mise en place après le lancement de la guerre contre le terrorisme ?

Les politiques américaines envers les musulmans semblent être partout, selon le contexte : une répression intense coexiste avec l’arrivée de certains musulmans à des positions de pouvoir dans l’État et ses institutions. De toute évidence, les visions négatives des musulmans coexistent avec des opinions qui semblent élogieuses ou positives. Mais ce que tout cela partage, c’est que cela se formule dans des termes américains, conçus pour que les États-Unis ne perdent pas le dessus. L’État sécuritaire américain tel que nous le connaissons a émergé durant la Seconde Guerre mondiale et dans le cadre de la politique de guerre froide. Comme le souligne Mahmood Mamdani, la guerre contre le terrorisme suit le schéma de la guerre froide, donc oui, il y a continuité. La continuité est dans le désir de préserver le capitalisme occidental. La menace que constitue le franchissement de la frontière intérieure / étrangère – cette géographie impériale – est un thème récurrent d’avant et après le 11 septembre pour les musulmans aux États-Unis et en particulier pour les musulmans noirs.

Par exemple, l’un des premiers programmes de surveillance du FBI autour de la Seconde Guerre mondiale s’appelait RACON (Conditions raciales). Le but de ce programme du FBI était d’étudier l’action politique des Noirs. Le rapport final de RACON (1943) a lié l’entrée des Noirs en Islam au sentiment pro-japonais. Depuis, le thème se poursuit: le FBI a intérêt à limiter l’engagement des Noirs avec tout ce qu’il qualifie d ‘ « étranger », comme l’Islam, à moins qu’il ne puisse servir les intérêts nationaux américains. RACON était un précurseur du programme COINTELPRO (contre-espionnage) du FBI, qui ciblait le mouvement de libération des Noirs, les socialistes, les communistes, les independistas portoricains, la nouvelle gauche et d’autres dans les années 1950-1970. Beaucoup de ces groupes étaient qualifiés de terroristes, en particulier dans les années 1970 et 1980. Et trop sont encore aujourd’hui prisonniers politiques ou en exil.

Les luttes anticoloniales et anticapitalistes sont depuis longtemps la cible des services de sécurité, les musulmans noirs en premier lieu. Leur Islam a eu une puissante influence sur le mouvement de libération des Noirs, même sur ceux qui n’étaient pas musulmans. C’est en partie la raison pour laquelle les États-Unis considèrent l’Islam avec suspicion, ce qui a évidemment structuré la guerre contre le terrorisme.

L’infrastructure et les analyses antiterroristes post-11 septembre continuent de cibler les luttes anticoloniales et anticapitalistes, tout en faisant du musulman à peau brune l’image même du terroriste. Même si les hommes arabo-musulmans sont l’image dominante de la menace musulmane, les musulmans noirs continuent de faire face aux services de sécurité, à la surveillance, aux infiltrations et à l’intimidation : lors d’un raid en 2009, le FBI a abattu l’imam Luqman Abdullah, un dirigeant très aimé à Detroit. En 2015, la police de Boston et un agent du FBI ont abattu Usaamah Rahim, prétendant qu’il était un terroriste. De plus, pas plus tard qu’en 2017, un mémo du FBI qui a fuité situe le mouvement d’aujourd’hui contre les violences policières dans une plus longue généalogie de ce qu’il appelle «l’extrémisme identitaire noir». La note du FBI fait remonter ce « séparatisme » à la première organisation musulmane des États-Unis, fondée en 1913. La liste est longue.

5. Quel message souhaiteriez-vous adresser aux musulmans de France et aux militants et organisations luttant contre le racisme d’État ?

Votre lutte contre le racisme d’État est un acte d’amour pour l’humanité et un acte de reconnaissance du Divin. Si le pouvoir absolu de la blanchité est au cœur du racisme d’État occidental, la lutte contre le racisme d’État est directement liée au Tawhid, à l’unité de Dieu et à l’établissement de l’égalité de tous les humains sous cette unité. Cette égalité fondamentale de l’humanité signifie que nous devons rejeter les formes d’intervention qui la trahissent, et nous devons rechercher et développer une analyse qui nous permette de nous tenir ensemble. Votre lutte contre l’islamophobie en France s’intensifie, et vous n’êtes pas seuls. S’attaquer aux terribles conditions du monde pour la majorité décoloniale implique de découvrir ensemble que nous avons beaucoup d’intérêts communs, même si cela ne se voit pas toujours. Dieu répond aux prières des opprimés et la lutte continue.

Atiya Husain

Entretien traduit de l’anglais par Azzedine Benabdellah, membre du PIR

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« Euro-American racism is upheld by a secularism in which western man attempts to replace God » (interview with Atiya Husain)

For this new interview in our French Islamophobia, seen from elsewhere series, we speak with Atiya Husain, professor of sociology at the University of Richmond, currently working on a book on the FBI, terrorism, race and Black radicalism. Author of a very interesting article on the limits of the concept of Islamophobia, we questioned her on her perception of French policies towards Muslims, and on the too often overlooked links between blackness, Islam and counterterrorism.

1. What do you think about the policy of the French state towards both Muslims and Islam in general? Could you compare it to the policy towards Muslims in your country?

For both France and the US, Islam and Muslims are a central « other” against which their liberal fraternity can be cohesive. In both countries, the Muslim question is in the language of belonging, incorporation, assimilation, and similar terms. Belonging is demanded in different ways and with different levels of intensity. Surveillance and policing are extensive and lethal. French Islamophobia has recently escalated from an already alarming level. Blatantly anti-Muslim policies in France are enacted alongside prohibitions against naming and documenting state racism. This suggests a state effort to naturalize that violence. It says that violence is deserved. It is an acceptable part of the current order. Under the Trump regime, Muslims in the US have feared this sort of escalation since the Muslim ban was put into place early on in Trump’s term. Even when presidential administrations change in the US, we can see that the US and France share a certain acceptable baseline of anti-Muslim policies. It is not only possible to compare state policies toward Muslims/Islam in the US and France, but it is important to do so, because we can observe that these powerful states draw on one another’s anti-Muslim policies.

2. How do you define Blackness and how do you consider its relationship with Islam ? What are the relations between black and non-black Muslim communities in your country?

The boundaries, definition, and history of blackness is heavily debated. But in most definitions, Islam has a longstanding historical relationship with blackness. Of course, black people are among the first to become Muslim in the earliest years of Islam, and Islam becomes an African religion long before western colonial expansion. But the modern western understanding of blackness today is not the same as how blackness was understood prior to European colonialism, even though they are similar in some ways. Modern western thought understands blackness as a fixed, biological status – it’s a status that organizes every move. It was tied to a particular kind of slavery.

Europeans once enslaved many different kinds of peoples (Slavs, Scandinavians, Turks, etc.). But by the 16th century, they reserved slavery only for certain Africans that they turned into a commodity they called “Negroes.” An important part of this process was erasing the long history of Islam from the lives of many of those Africans who were enslaved in the Americas.

This was a big thing to erase – many of Europe’s encounters with Muslims were simultaneously encounters with Africans. But writing a history in which the Black/African and the Muslim/Islam are separated from one another allowed Europe to narrate its own rise as it liked: that the Black/African was destined for slavery and lacked history, while Islam/Muslims were a rival threat, and with a history, but one always deemed inferior to the west. Black radical thinker Cedric Robinson argues that these sorts of distortions and erasures were about Europe creating its own myth about itself, much like Orientalism is ultimately about the west creating itself.

Without careful attention to this history, it may be easy to imagine blackness and Islam as occupying naturally separate spheres that sometimes come together. But we have to ask whose historical telling that reflects, and whose interests it serves. This history brings us to your second question on the relations between black and non-black Muslims in the US.

The relations between black and non-black Muslims are sometimes incorrectly understood through this distorted history as a racial impasse, or an impossible divide between two impossibly different groups. The divide is definitely deep. The racism of non-black Muslims, specifically Arabs and South Asians, has its particular expressions inside Muslim communities: the monopolizing of claims to religious authority, social prohibitions against interracial marriages, and colorism. These are just some examples of many. But we can’t understand the relations between black and non-black Muslims by only looking at dynamics inside the community. Intra-Muslim racism is informed by a legacy of coloniality along with non-black Muslims’ own homelands’ ethnic and caste systems. And in my view, it’s also shaped by something a lot more recent – the Cold War.

I would like to point out two things about class and politics on how the Cold War has shaped the relations between black and non-black Muslims in the US. First, most non-black Muslims arrived after 1965 when the doors of immigration opened up to Asia. But the doors opened up mostly to educated professionals, whose immigration was incentivized due to a doctor shortage in the US as well as fear of communist ingratiation in Asia. Pacification was one arm of US Cold War policy. These immigrants’ political sensibilities were shaped by these conditions and by the possibility of living a relatively comfortable middle class life. It is critical to note that the Muslim community in the US today has poverty rates that match and sometimes exceed poverty rates in other groups. But the mostly non-black middle/professional class of Muslims wield an outsized influence. Second, and also part of the Cold War strategy for advancing US interests, was the US attempt to remove the internationalism from black political work in the US. Internationalism was a significant aspect of what made the black liberation movement radical to begin with. Many in the black liberation movement at this time were Muslim and understood themselves as Third World peoples, as colonized peoples, like their Asian and African comrades. The borders of their anti-colonial imagination and the ummah did not match the borders of the US nation, making them a Cold War threat to be repressed. Their solidarity with anti-colonial movements in Africa and Asia, with Palestine and Algeria, was seen as a national security problem during the Cold War, and so reframing blackness as an American identity was an important part of Cold War rhetoric and policy. These two moves are part of how US capitalism was retrenched after radical movements challenging it, and it’s a big part of what structures black/non-black relations in Muslim communities.

Intra-Muslim racism happens in this broader context, which means that resistance to it has broader implications, too. There is precedent for resistance to it in the spirit of that earlier anti-colonial movement solidarity, the very same solidarity that was threatening during the Cold War, and in which black and non-black Muslims were involved. In my view, this is a valuable model to draw on to develop a politics of solidarity now under different conditions. Another politics is possible.

3. What is the relationship between Islamophobia and White supremacy ?

Since at least the nineteenth century, Euro-American racism is upheld by a secularism in which western man attempts to replace God as the ultimate reality with his own “ownership of the earth forever and ever, Amen!” (to use W.E.B. DuBois’s words about whiteness). Western Europeans constructed an idea of nature, as knowable and distinct from God, and they put themselves at the top of its hierarchy. This made them the natural arbiters of knowledge, governance, civilization, and life in general, who all others must attempt to emulate in a kind of secular worship. The rest of us are human to the extent that we appear to western man as human. Our humanity is determined based on the terms of western man. These terms have changed to some degree over the years, but they are consistent in that they continue to support that “natural” hierarchy. What does Islamophobia have to do with it? Much of Islam and Muslims do not fit these terms. And much of these terms were developed with us in mind as the opposite of western man, as something that is always different from him.

Skipping ahead to our current time, the things we call Islamophobic – the global war on terror, Trump’s Muslim ban, French anti-hijab laws, Hindutva, the violence toward Uighurs in China and Rohingya Muslims in Bangladesh – these are all problems of the world that white supremacy has built, even in cases where things that we call Islamophobic may not be enacted by white people.

One of the most important things to understand about this relationship, to me, is that the impact of Islamophobia is felt far and wide in a system designed to enrich the beneficiaries of western capitalism. Therefore, Muslims are not the only ones who suffer as a result of Islamophobia. For example, in my context of the US, deregulation and privatization since the 1980s have made education, housing, healthcare, and clean water available only for those who can afford it. Education, housing, healthcare, and clean water are not understood as public goods, much less as basic human rights. While funding for public goods has decreased, the budget for national security has exploded (in every sense of the word), taking so many lives in the process; and this increase is inseparable from a war-on-terror militarization of the state that further associates terrorism with the thoughts and actions of non-white people. More and more people lose healthcare coverage every day, but local police departments are able to buy surplus tanks and bombs in the name of national security and the threat of terrorism. Many people wait for hours in line at food pantries in the US during the pandemic while a very, very small number of capitalists turn a profit. Where does the money come from, and where does it go? When services for all are reduced while war technology advances in the name of a Muslim terrorist threat, then Islamophobia has implications for many different kinds of people across the world. So, understood this way, Islamophobia is a planetary problem.

4. Can you explain in detail what was the US policy towards Muslims and in particular Black Muslims before 9/11 ? Is there a continuity between this policy and the policy after the launch of the War on Terror ?

US policies toward Muslims appear to be all over the place, depending on the context: intense repression coexists with the rise of some Muslims to positions of power in the state and its institutions. Obviously derogatory views of Muslims coexist with views that seem complimentary or positive. But what all of this shares is that it occurs on US terms, designed so the US does not lose the upper hand. The US national security state as we know it emerged around WWII, and as part of Cold War politics. As Mahmood Mamdani points out, the war on terror follows the Cold War blueprint, so yes, there is continuity. The continuity is in the desire to preserve western capitalism. The threat of breaching that domestic/foreign boundary – that imperial geography – is an ongoing theme before and after 9/11 for Muslims in the US and especially for black Muslims.

For example, one of the earliest FBI surveillance programs around WWII was called RACON (Racial Conditions). The goal of this FBI program was to survey black political action. RACON’s final report (1943) linked black engagement with Islam to pro-Japanese sentiment. Since then, the theme continues: the FBI has an interest in limiting black engagement with anything that it terms as “foreign,” like Islam, unless it can serve US national interests. RACON was a precursor to the FBI’s more widely known COINTELPRO (Counterintelligence Program), which targeted the black liberation movement, socialists, communists, Puerto Rican independistas, the New Left, and others in the 1950s-1970s. Many of these groups were called terrorists, especially in the 1970s and 1980s. And too many remain political prisoners or in exile today.

Anti-colonial and anti-capitalist politics have long been targets of national security policy, with black Muslims among the vanguard. Their Islam was a powerful influence on the black liberation movement, even on those who were not Muslim. This is part of the reason why the US views Islam with suspicion, which obviously informs the war on terror.

Post-9/11 counterterrorism analysis and infrastructure continues to target anti-colonial and anti-capitalist politics but while representing the brown Muslim as the image of the terrorist. Even though Arab Muslim men are the dominant image of the Muslim threat, black Muslims continue to face national security policing, surveillance, infiltration, and intimidation: In a 2009 raid, the FBI shot and killed Imam Luqman Abdullah, a beloved leader in Detroit. In 2015, Boston police and an FBI agent shot and killed Usaamah Rahim, claiming he was a terrorist. Further, as recently as 2017, a leaked FBI memo situated today’s movement against police violence in a longer genealogy of what it calls “black identity extremism.” The FBI memo traces this “separatism” back to the first Muslim organization in the US, founded in 1913. The list goes on.

5. What message would you like to send to Muslims in France and to activists and organizations fighting against state racism?

Your fight against state racism is an act of love for humankind and an act of recognition of the Divine. If the absolute power of whiteness is at the heart of western state racism, then fighting state racism is directly connected to tawhid, the oneness of God, and the establishment of the equality of all humans under that oneness. That fundamental equality of humanity means that we must reject terms of engagement that betray it, and we must seek out and develop analysis which enables us to stand together. While your struggle against Islamophobia in France is heightened, you are not alone. Addressing the terrible conditions of the world for the decolonial majority means we must discover together that we have many of the same interests, even though it does not always feel that way. God answers the prayers of the oppressed and the struggle continues.

Atiya Husain

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