Psychose

Retour sur une non-affaire avec de vraies conséquences

La médiatisation de non-affaires telle que celle du mari suspecté de polygamie qualifiée d’officieuse par l’inénarrable F. Amara, soulève de réelles question d’ordre politique, moral, juridique et j’en passe.

Traiter d’affaires comme celles-ci au détriment de sujet cruciaux tels que les retraites, la sécu, l’emploi, les inégalités sociales, la violence faite aux femmes et mobiliser trois ministres sur la question (Hortefeux, Besson, MAM) relève bien entendu de la stratégie politicienne « écran de fumée ». Néanmoins on ne peut que désespérer du fait que les journalistes décidément bien au pas, facilite à ce point la tache à ces politiques bien peu soucieux de la tache qui leur a été confiée par les français, à savoir œuvrer pour la république et non pas passer leur temps grassement rémunéré à faire semblant de traquer les coureurs de jupons barbus.

Au-delà de cela, et c’est bien plus inquiétant, cette affaire traduit d’une part la volonté de stigmatiser et de diviser les musulmans, et d’autre part de préluder à l’application d’une législation d’exception visant les populations musulmanes.

En effet, dans un premier temps, la communauté musulmane est priée de prendre parti, contre bien entendu, le musulman suspecté de polygamie, sous peine de se voir essentialisé au comportement de ce musulman. Communiqué du pseudo conseil représentatif des musulmans CFCM condamnant ledit polygame, textes fleurissant par-ci par là sur l’autorisation ou non de la polygamie dans le Coran, et l’apogée, le comble de l’absurde : la plainte déposée pour diffamation du Coran à l’encontre du musulman suspecté de polygamie suite aux déclarations de ce dernier légitimant ses maitresses par une non interdiction coranique.

Derrière ces sommations aux musulmans de prendre parti et de condamner ce musulman en tant que musulman, le message est clair : les musulmans devraient agir en tant que « police islamique » œuvrant à la mise au ban des personnes qui appliquent l’islam de manière incorrecte. Pas de châtiment corporels pour l’instant, juste l’excommunication et la lapidation médiatique et sociale.

Vous avez dit laïc ?

Au travers de cette affaire c’est la laïcité qui est atteinte, au sens propre du terme et non au sens que les politiques lui confèrent dans leur discours antimusulman. En considérant cet homme comme musulman, et en préjugeant de son éventuelle polygamie compte tenu de sa religion, et en invitant implicitement les musulmans à ce démarquer de cet homme et à condamner son comportement, on bafoue allégrement le principe de laïcité et d’égalité.

Tout d’abord l’égalité : est-ce que tous les hommes ayant des maitresses sont suspecté de polygamie ? Non, seulement ceux qui pourraient être musulman.

Ensuite, atteinte à la laïcité par le fait de considérer qu’un mariage quand bien même validé par une autorité religieuse à valeur égale à un mariage civil.

Ne nous trompons pas, ce n’est pas une reconnaissance de l’Islam ou des religions dans ce cas, c’est bien une stigmatisation des musulmans, car qui (s’) impose le mariage religieux comme préalable au fait d’avoir des relations multiples ?

Loin de moi l’idée de promouvoir, ou d’ailleurs de condamner le fait d’avoir plusieurs femmes, ce n’est pas le propos ici. Ce qui m’importe de souligner c’est le régime d’exception : pourquoi condamner un citoyen musulman pour un acte qui, commit par un non musulman, est acceptable ?

Ce qu’on condamne ici c’est bien le mariage multiple, même pas civil, mais religieux. On condamne cela pourquoi ? pour protéger les femmes ? pour protéger les familles ? et pourquoi dans ce cas ne pas condamner et sanctionner l’adultère ? est-ce moins grave d’avoir une liaison sans l’accord de sa femme qu’au vu et au su de celle-ci ?

Certains parlent de condamnation de la polygamie suite à plusieurs mariages religieux simultanés, mais cela est tout à fait discutable, quand bien même une loi condamne la célébration du mariage religieux sans mariage civil préalable. En effet, reconnaître le mariage religieux en tant que mariage civil, c’est reconnaître l’autorité et le pouvoir du religieux qui célèbre le mariage, et c’est donc reconnaître le fondement même de ladite religion, c’est donc en l’occurrence de reconnaitre l’existence de Dieu. Si il n’appartient pas à la République de nier l’existence de Dieu, ce n’est pas à l’heure actuelle son rôle que de reconnaître civilement une autre autorité que l’autorité républicaine. De plus, encore une fois, si c’est l’union d’un homme avec plusieurs femmes qui est condamnable, pourquoi pénaliser la polygamie seule et pas l’adultère ?

En effet, on peut s’interroger sur la différence fondamentale qui existerait entre vivre ce qu’on appelle en France une double vie, et ne nous voilons pas la face, François Mitterrand est loin d’être une exception, et de vivre comme ce M. Hebbadj.

Et depuis quand la société impose aux musulmans -et à eux seuls- d’être exemplaires? Et pourquoi dans une république garante de la liberté de religion devrait-on se voir obligé d’appliquer correctement sa religion sous peine d’une mise au ban de la société ? Il n’appartient pas aux musulmans et encore moins au non musulmans d’imposer une pratique de l’islam à quelque musulman que ce soit, et surtout si ce qu’il fait n’entre pas en contradiction avec les lois du pays. Et on peut dire ce que l’on veut, le fait de vivre et d’avoir des relations avec plusieurs femmes n’est pas condamné en France, et c’est assez saisissant somme toute que d’entendre les Besson et Sarkozy jouer les gardiens de la morale du mariage, les chantres du respect de la femme, alors qu’ils sont connus pour leur conception de la fidélité conjugale finalement très proche de celle de M Hebbadj. Pour autant, la communauté française n’a pas été sommée de dénoncer leurs pratiques…

L’attitude de cet homme est probablement condamnable, mais le calcul politicien visant à stigmatiser et à diviser les musulmans l’est encore plus. Dans cette affaire c’est ce dernier qui doit être dénoncé et fermement condamné. Toute l’orchestration autours de ce fait divers initié suite à la plainte, légitime, d’une conductrice verbalisée du fait de son niqab relève de la manipulation et vise à l’intimidation des musulmans. Et il appartient aux français, qu’ils soient musulmans ou non musulmans, de refuser ce genre de pratiques indignes d’un pays qui à pour devise Liberté-Egalité-Fraternité et il appartient aux français de refuser cette atteinte à la cohésion nationale.

Fatima Belkacem, membre du PIR

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