Quand la résistance devient une identité

L’article que nous vous proposons ici est une traduction réalisée par Hajer Makhlouf d’un article de Louay Odeh, résistant palestinien arrêté en 2002 et ayant passé 10 ans dans les geôles de l’état sioniste. Son parcours et celui de sa famille peuvent être trouvés ici: http://electronicintifada.net/content/prisoner-stories-loai-and-ubai-mohammad-odeh/5240

« Le profond soutien à la résistance dont fait preuve le peuple palestinien de Gaza est le plus grand et le plus indéniable depuis la première intifada il y a 25 ans » m’a dit l’un de mes amis de Gaza qui est responsable d’un centre devenu refuge pour les dizaines de milliers de familles devenues sans abri depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza.

Il ne faut pas s’étonner du clair soutien populaire à la résistance, et de son appel à poursuivre la lutte jusqu’à ce que leurs demandes soient satisfaites, de même que de la totale volonté du peuple à en payer le prix, quel qu’il soit. Ce n’est pas seulement lié à une quelconque affiliation politique: la résistance est devenue partie intégrante de notre identité géographique. Il est difficile de trouver à Gaza quelqu’un qui soit opposé à la résistance, quelle que soit son affiliation politique. Ce n’est pas non plus le résultat d’un programme politique unitaire ou de l’adoption d’une stratégie qui unisse tout le monde. C’est le résultat d’une conscience générale que notre peuple à Gaza a acquis par expérience.

Chaque personne à  Gaza est devenue plus expérimentée que le plus savant des militaires ou des politiciens sur cette terre. Chaque personne à Gaza reconnaît le fait qu’il n’y a pas d’autres options. Ils savent qu’ils ne peuvent pas croire en un autre projet en dehors de la résistance qui est la seule chose capable de leur offrir une vie humaine digne. Cette conviction est survenue après qu’ils aient perdu confiance dans le soit disant « processus de paix » et en toute personne qui le représente. Ils ont aussi perdu confiance en la solidarité internationale, dans les organisations humanitaires et leurs agendas. Plus que tout, ils ont perdu confiance dans les gouvernements arabes qui n’ont eu de cesse d’exploiter leur cause pour servir leurs propres intérêts.

Notre peuple palestinien à Gaza a payé de son sang et de ses années, dans des conditions de vie insupportables, sous un suffoquant siège, avant d’atteindre ces résultats. Personne n’a essayé d’ouvrir une seule frontière ou de leur offrir l’accès aux ressources vitales comme l’eau, l’électricité et la liberté de mouvement. De nombreux analystes politiques diplômés des plus prestigieuses universités et des experts politiques du monde entier ont tenté de comprendre Gaza et la relation harmonieuse entre son peuple et sa résistance. Ils ont échoué, car Gaza ne répond à aucune équation et qu’aucune règle, politique, sociale ou économique ne peut s’appliquer à Gaza en raison de sa singularité.

A Gaza il est possible de trouver des membres du Fateh opposés à leurs leaders à Ramallah et qui appellent à la résistance. A Gaza vous trouverez des Musulmans et des Chrétiens, des pauvres et des riches, des communistes et des islamistes, tous debout main dans la main aux côtés de la résistance, avec un seul espoir qui les unisse: la victoire de la résistance.

Gaza qui célèbre sa résistance, alors qu’elle saigne, est unique en ce monde.  Même les lois de la nature, comme le lever et le coucher du soleil, ne peuvent s’appliquer à la vie gazaouïe. La vie là-bas s’est organisée en fonction des coupures d’électricité. Par exemple, la matinée peut commencer à dix heures du soir et disparaître alors que le soleil se lève. En outre, et c’est uniquement le cas à Gaza, une voiture peut être vendue après cinq ans d’utilisation au prix le plus haut en raison du prix qu’elle a coûté à son propriétaire.
A Gaza, qui est complexe malgré son apparente simplicité, tout le monde sait que la fin de la crise et ses conséquences vont contribuer à changer leur vie pour au moins deux ans. Ils ont une foi profonde dans le fait que la résistance va imposer les conditions de la trêve qui vont être directement liées à leur vie quotidienne comme l’accès à l’eau, l’électricité ou l’ouverture des frontières. Par conséquent, cela ne laisse aucune autre option pour le peuple de Gaza si ce n’est le soutien à la résistance quel que soit le prix à payer.

La lutte armée n’est plus une stratégie politique, ou un simple moyen de résistance. La résistance est devenue un terme large qui inclut beaucoup de concepts. C’est la vie. C’est la capacité de voyager, d’étudier, de recevoir des soins médicaux adaptés. Par dessus tout, c’est devenu un symbole pour leur dignité et une part intégrante de leur identité. Nous ne les avons jamais entendus appeler à l’ouverture des frontières, puisqu’ils savent déjà que cette ouverture devra être intégrée aux conditions d’un potentiel cessez-le-feu. L’ouverture des frontières sera le plus évident, le plus axiomatique résultat de la ténacité de la résistance sur le champ de bataille. Les frontières ne seront plus contrôlées par une volonté humaine liée à l’humeur des pays voisins et de leurs agendas. Le fait que tout le monde conspire contre ce morceau de territoire a imposé aux gazaouis une nouvelle définition de la résistance, laquelle sera enseignée plus tard en sciences militaires. Gaza a réussi à formuler cette nouvelle définition qui est devenue une part centrale de son identité géographique. Oui, c’est une identité dont l’élément le plus important est la résistance et quiconque croit en l’humanité devrait se sentir honoré de l’adopter.

Palestine Libre. A bas le sionisme. Gloire aux martyrs!

 

Louay Odeh

 

Traduit de l’arabe et de l’anglais par Hajer Makhlouf avec l’aimable autorisation de l’auteur.

 

Source : When Resistance Becomes An Identity

La version arabe : عندما تصبح المقاومة هوية

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