« Du cœur de l’Empire, la solidarité avec la Palestine peut exercer une pression significative sur les gouvernements occidentaux » (Safa Chebbi)

Les mobilisations massives à travers le monde en soutien au peuple palestinien et la défense acharnée de l’Etat génocidaire d’Israel par le camp occidental nous ont convaincus de la nécessité d’internationaliser notre regard, et de solliciter des réflexions stratégiques et politiques de mouvements menés ailleurs qu’en France. L’ambition de la présente série d’entretiens est de contribuer au croisement de nos expériences, au service d’un mouvement international en soutien à la Palestine et contre le sionisme, le racisme et le colonialisme.

Nous avons réalisé le second entretien de cette série avec Safa Chebbi, militante décoloniale et candidate au Master en sociologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ses domaines de recherches s’articulent autour des violences urbaines, la stigmatisation et la subalternisation. Elle est membre du comité de coordination du groupe Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens de l’Université du Québec à Montréal (SDHPP-UQAM), un groupe étudiant à l’UQAM en solidarité avec la Palestine. Elle est également fondatrice de l’Observatoire des Inégalités Raciales au Québec, une première instance de réflexion, d’action, de production de savoirs sur les questions raciales au Québec. 

English version below

1/ Comment se présentait le mouvement de soutien à la libération de la Palestine dans votre pays avant le déclenchement de cette nouvelle Nakba ? Quelle était son histoire et quelles étaient ses composantes, ses forces et ses faiblesses ?

Le mouvement de solidarité avec la Palestine au Québec se distingue par certaines particularités par rapport à d’autres régions du Nord global. Cette spécificité découle en grande partie du parcours historique de son peuple ainsi que de l’importance du mouvement indépendantiste québécois, qui autrefois s’identifiait fortement à la lutte du peuple palestinien et trouvait des échos dans sa propre quête d’indépendance. Cependant, cette solidarité a connu un recul progressif durant les dernières décennies, depuis que l’aile droite du mouvement nationaliste québécois a pris de l’ampleur, transformant le projet indépendantiste en une simple revendication pour une nation capitaliste distincte du bassin à dominance anglophone qui l’entoure.

Au fil des dernières années, le mouvement de solidarité avec la Palestine au Québec semble s’installer dans une sorte de routine, avec l’organisation d’actions principalement centrées sur la commémoration annuelle d’événements importants de l’histoire palestinienne tels que la Nakba, la Journée de la Terre, la Semaine de l’Apartheid… ou en réaction à des événements spécifiques qui se déroulent directement en Palestine comme les multiples attaques à Gaza ou aussi la plus récente de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est… Certaines autres campagnes politiques ont également émergé en réponse à l’implication du Canada aux côtés de l’état colonial d’Israël, freinant ainsi les efforts du peuple palestinien vers l’autodétermination. Malgré cette opposition, il est important de noter les avancées graduelles réalisées par le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) au fil du temps.

À Montréal, plusieurs groupes continuent à s’engager dans la lutte malgré les défis rencontrés. Parmi les groupes qui s’organisent activement et de manière continue, on peut citer les plus importants par exemple PAJU (Palestiniens et Juifs Unis). Fondé au début des années 2000 lors de la seconde intifada, PAJU n’a jamais cessé d’organiser des campagnes politiques alignées sur les actions précédemment mentionnées. Il est surtout reconnu pour ses actions régulières chaque vendredi midi devant le consulat d’Israël, une tradition hebdomadaire qui a poussé le consulat à déménager du square Dorchester en 2008 vers un lieu inaccessible à Westmount Square. De plus, ce groupe contribue dans la diffusion de l’actualité et des avancées de la situation en Palestine, contribuant ainsi à sensibiliser un certain public et à maintenir l’attention sur la question palestinienne. L’histoire de ce groupe remonte en réalité à une amitié entre un Palestinien et un Juif de Montréal, Rezeq Faraj et Bruce Katz, qui étaient également actifs dans d’autres luttes de solidarité syndicale et internationale. Malgré l’ampleur du travail réalisé par le PAJU, ce groupe est resté associé à une certaine génération de gauche progressiste et difficilement accessible pour d’autres générations.

Voix Juives Indépendantes (VJI) est un autre groupe important créé en 2007, représentant le plus grand regroupement de juifs antisionistes au Canada, avec une branche active à Montréal. Comme ils se définissent sur leur propre site, il s’agit d’une organisation ancrée dans la tradition juive, active au sein du combat contre l’antisémitisme, et qu’elle se distingue clairement par ses critiques au sionisme et aux politiques israéliennes. Ce groupe effectue un travail essentiel de sensibilisation auprès des communautés juives et au-delà. Il se distingue également par sa présence continue chaque fois que la voix juive est instrumentalisée au profit de l’état colonial d’Israël, offrant ainsi une autre voix juive en solidarité avec la Palestine. Il est à noter que VJI a été la première organisation nationale juive à appuyer la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) lancée et dirigée par des Palestiniens.

Un autre groupe important, se distinguant par son émergence au sein du mouvement étudiant, est SDHPP (Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens). Il joue un rôle influent dans la solidarité avec la Palestine au sein des universités ou cégeps. Présent dans quatre universités majeures de Montréal (UQAM, Université de Montréal, Concordia et McGill), il mobilise la force étudiante pour exercer une pression sur leurs propres institutions universitaires concernant leur relation et implication avec Israël. À noter que l’activité de certaines branches peut varier en fonction du niveau de politisation des étudiants de chaque université et de leurs traditions de militantisme et de participation politique. Par exemple, la branche de l’Université de Montréal est restée inactive pendant plusieurs années, mais a été relancée juste quelques semaines avant le 7 octobre grâce aux efforts d’un petit groupe d’étudiants politisé.

Encore plus récemment, le Mouvement des Jeunes Palestiniens (PYM) a émergé comme un acteur incontournable sur la scène montréalaise d’aujourd’hui. Bien qu’il soit le plus récent, créé en 2021, il se démarque par sa capacité à mobiliser les rues et à exprimer ses revendications sans aucune ambiguïté. Lancée en coordination avec d’autres branches en Amérique du Nord, sa création souligne son caractère transnational et indépendant. Principalement composé de jeunes Palestiniens et arabes, le PYM représente la nouvelle génération dans cette lutte avec une prédominance anglophone qui reflète son lien étroit avec les autres branches du mouvement ailleurs en Amérique du Nord. En tant que voix émergente au sein du mouvement de solidarité avec la Palestine à Montréal, le PYM a apporté une nouvelle dynamique et une énergie renouvelée, renforçant ainsi la mobilisation pour cette lutte.

Ces groupes ne sont certainement pas les seuls à Montréal, et évidemment ils ne représentent pas l’ensemble des initiatives à Montréal. Il est toujours difficile de dresser un portrait complet de toutes les organisations ou coalitions qui ont milité pour la Palestine. Néanmoins, les groupes mentionnés se sont particulièrement distingués dans l’histoire récente de cette lutte dans la ville.

2/ Comment s’est organisée la lutte dès le début du génocide dans la Bande de Gaza ? Avec quels buts, quelles forces, quelles contradictions et quelle adversité ? La lutte a-telle déjà connu des évolutions, et si oui lesquelles ?

Depuis le début du génocide, le Mouvement des Jeunes Palestiniens (PYM) s’est rapidement imposé sur le terrain grâce à sa capacité exceptionnelle de mobilisation et à l’expérience qu’il a accumulée au cours des deux dernières années. Le PYM s’est également distingué par sa réactivité en termes d’organisation logistique, surpassant ainsi d’autres organisations plus anciennes. Dès le 8 octobre, il a organisé une manifestation au centre-ville de la métropole pour exprimer son soutien au peuple palestinien. Cette action a toutefois été vivement critiquée dans les médias, allant jusqu’à attirer l’attention du Premier Ministre Legaut, qui s’est déclaré « choqué » de voir des gens célébrer le 7 octobre, qualifiant ces événements de moments tout aussi tragiques.

Face à l’évolution rapide de la situation, tous les autres groupes se sont ralliés à la foule mobilisée chaque fin de semaine, et le PYM a rapidement acquis la légitimité pour diriger cette marche hebdomadaire, qui se poursuit sans relâche depuis le 7 octobre, exigeant non seulement la fin du génocide, mais affirmant qu’elle ne prendra fin que lorsque cette tragédie sera complètement terminée. Les autres groupes ont également été invités à participer à plusieurs marches pour prendre la parole et contribuer à cette mobilisation.

Bien que la participation ait varié au fil des semaines, avec une forte mobilisation notamment lors des premiers mois et un pic remarquable de plus de 100 000 participants en novembre, ce chiffre reste exceptionnel pour une ville comme Montréal, où il est souvent difficile de mobiliser autour d’enjeux internationaux. Il faut remonter à 2003 pour trouver une mobilisation d’une telle ampleur, lorsque la population s’était unie pour s’opposer à la guerre en Irak et exhorter le Canada à ne pas y participer.

Ce contexte a également encouragé d’autres groupes à s’organiser et à entreprendre d’autres actions. Chaque groupe a ainsi marqué sa présence à travers des initiatives complémentaires, capitalisant sur leurs forces respectives et leurs spécificités. Par exemple, les SDHPPs ont joué un rôle fondamental dans la mobilisation au sein des universités, organisant même plusieurs réunions pour coordonner les actions entre les campus. De même, Voix Juives Indépendantes s’est distingué par des actions et des événements mettant en avant une perspective juive antisioniste, apportant ainsi une contribution essentielle à la cause.

La question du 7 octobre et la place de la résistance dans cette lutte ont été des points de discorde abordés avec réserve dans presque tous les groupes. Il a fallu du temps pour que l’importance de la résistance soit partiellement assumée, ce qui a entraîné plusieurs tensions internes et des changements au sein des compositions des groupes au fil des semaines.

Le PYM s’est distingué en affichant ouvertement son soutien au droit du peuple palestinien à la résistance, et il a été le premier à politiser la question de la foi dans la lutte palestinienne à Montréal, la mettant ainsi en avant. Lors des manifestations, c’était la première fois que l’on entendait des appels comme « Allah Akbar », des Douas en arabe lors de la prise de parole des militants ou même des pauses durant les marches pour avoir un moment de prières dans les rues. Ce changement, bien que déjà légèrement présent chez le PYM avant le 7 octobre, s’est affirmé et a pris plus de sens chez les manifestants depuis le début du génocide. Le PYM s’est également démarqué en tant que premier groupe, dont le noyau principal est composé exclusivement de personnes arabes, à avoir mobilisé autant de manifestants dans les rues de Montréal sur cette question.

Le 7 octobre a également entraîné l’émergence de nouveaux groupes, notamment des initiatives telles que le collectif des femmes palestiniennes, Québec 4 Palestine ainsi que d’autres initiatives plus locales dans différents quartiers de Montréal comme Hochelaga pour la Palestine et Outremont 4 Palestine, CDN pour la Palestine, Montréal Nord pour la Palestine et bien d’autres. Ce contexte a mis en évidence la nécessité d’une structure simple et flexible pour prendre des décisions rapidement et agir efficacement dans un contexte d’urgence. Il est apparu que même si les grandes coalitions étaient nécessaires et le restent encore, elles étaient presque paralysées pour une longue période afin de prendre des positions officielles sur le 7 octobre en raison de la difficulté à trouver un consensus sur une position commune.

3/ Quelle a été l’attitude des autorités, des partis politiques dominants, des médias de votre pays ? Le colonialisme de peuplement israélien a-t-il des liens économiques et politiques avec votre pays et sous quelle forme ?

Il est frappant de constater que dès le lendemain du 7 octobre, tous les partis politiques à tous les niveaux, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral, se sont empressés de condamner les événements et la Résistance Palestinienne, tout en passant sous silence l’interminable liste de massacres et crimes de l’histoire coloniale d’Israël commis bien avant cette date. Pour la plupart de ces partis, cette réaction fait partie intégrante de leur histoire et de leurs liens étroits avec le sionisme. Cependant, ce qui est particulièrement remarquable, c’est que même les partis se réclamant de la tradition indépendantiste ne se sont pas véritablement distingués des autres.

Cette tradition s’incarne chez les trois principaux partis politiques au Québec : le Parti Québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) au niveau provincial, ainsi que le Bloc québécois (BQ) au niveau fédéral. Il est important de rappeler que ces mêmes partis n’ont pas hésité à manifester leur solidarité envers d’autres mouvements indépendantistes, comme celui des Catalans. En octobre 2023 par exemple, le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, a notamment participé à une conférence sur l’indépendance en Catalogne, où il a affirmé que « les nations qui n’ont pas tous les attributs de la souveraineté ont intérêt à se donner, dans une certaine mesure, une voix commune ». Cependant, malheureusement, cette prétendue souveraineté ne s’étend pas à la Palestine.

Le Parti Québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) se sont simplement différencié des autres partis politiques par leur volonté de condamner, du point de vue légal, les violations du droit international commises de part et d’autre, mais tout en insistant sur une condamnation totale des attaques de la Résistance Palestinienne.

Le Parti québécois par exemple a réagi dès le premier jour en condamnant le 7 octobre, avec une déclaration de son porte-parole Paul St-Pierre Plamondon sur le réseau social X : « Le Parti Québécois condamne sans réserve l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et sa population civile. La voie de la négociation est la seule voie possible pouvant mener à une paix durable dans la région. » Cependant, par la suite, le parti est resté silencieux pendant plus de 10 jours avant d’émettre une condamnation de la violence, plus nuancée mais toujours timide, appelant au respect du droit international. Ce discours ressemblait étrangement à celui des libéraux de Trudeau.

Il est toutefois intéressant de revisiter une page de l’histoire du Parti Québécois qui illustre une position antérieure plus engagée dans la question palestinienne. Le PQ a marqué l’histoire en devenant le premier parti politique d’Amérique du Nord à accueillir, lors de son congrès de 1981, des représentants de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), en présence d’une centaine d’invités internationaux. À cette époque, l’OLP était largement qualifiée d’organisation « terroriste » par les États-Unis et d’autres pays occidentaux.

De même, Québec solidaire, considéré comme le parti le plus à gauche dans le paysage politique partisan québécois, a également adopté une position très timide dans sa réaction. Le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois s’est limité le 7 octobre à une « condamnation totale des attaques du Hamas », se cachant derrière un discours prônant une paix abstraite et le respect du droit international. Une autre réaction importante de ce parti est celle d’une députée palestinienne, Ruba Ghazal, qui est également la première élue palestinienne à l’Assemblée nationale. Bien qu’elle se soit précipitée pour condamner le 7 octobre et la mort des civils des deux côtés, elle a également dénoncé « l’apartheid » israélien. Dans d’autres interventions ultérieures, elle a affirmé qu’il ne fallait pas « choisir un camp ou l’autre, mais plutôt choisir le camp de la paix », et à d’autres moments elle a mentionné qu’elle a choisi le « camp des humains ». Cette attitude reflète celle du reste des députés du parti, alimentant ainsi le discours dominant qui dépolitise complétement la question palestinienne et omet de reconnaître le rapport de force inégal entre le colonisateur et le colonisé, et selon lequel la violence des opprimés est mise sur le même pied que celle des oppresseurs. De plus une telle prise de parole semble être une tentative de déresponsabilisation du parti, en se cachant derrière une « légitimité » d’une première concernée de leur seule représentante palestinienne. Par ailleurs, le parti était tellement hésitant que plusieurs semaines se sont écoulées avant qu’il n’envoie quelques députés participer aux manifestations de solidarité.

Au niveau fédéral, le parti libéral au pouvoir a non seulement soutenu de manière inconditionnelle l’état colonial d’Israël dans toutes ses déclarations depuis le 7 octobre, mais il a également été un complice actif dans le génocide à Gaza. Entre octobre et décembre 2023, le Canada a approuvé des exportations militaires vers Israël d’une valeur de 28,5 millions de dollars. Pour mettre en perspective cette décision, il est important de noter que les exportations militaires canadiennes vers Israël en 2022 s’élevaient à 21,3 millions de dollars, et à 27,8 millions de dollars en 2021. Ces chiffres indiquent une augmentation significative des exportations militaires vers Israël, dépassant même les chiffres des trois dernières décennies.

Sachant aussi que depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau en 2015 jusqu’à 2023, les entreprises canadiennes ont exporté pour environ 150 millions de dollars de matériel militaire vers Israël. Ces exportations sont effectuées avec l’approbation de licences d’exportation délivrées par Affaires mondiales Canada, ce qui soulève des préoccupations quant à la responsabilité du gouvernement dans l’alimentation des guerres dans la région.

En ce qui concerne les médias, le récit est souvent biaisé et penche clairement en faveur d’Israël, même dans les médias généralement considérés comme progressistes dans le pays, ce qui a provoqué la colère de nombreux citoyens. En réaction à cette partialité, une action anonyme a été organisée au début de novembre 2023, consistant à peindre en rouge les portes en verre de la nouvelle Maison de Radio-Canada, à la suite d’une manifestation pro-Palestine.

4/ Selon vous, comment serait-il possible de conjuguer les forces des mouvements de soutien à la Palestine présents dans tous les continents ? Quel rôle pour la diaspora palestinienne, et pour les organisations de la résistance ?

Le 7 octobre dernier a marqué un tournant dans la lutte mondiale pour la libération de la Palestine, déclenchant un avant et un après à la dynamique de solidarité avec la cause palestinienne, tant à Montréal que dans d’autres régions du globe. Cette journée a été significative, ouvrant la voie à une période de mobilisation et d’action renforcée, elle met aussi en évidence l’importance de forger des alliances dépassant les frontières nationales.

Il faut souligner que la solidarité émergente du Nord global revêt une importance particulière en cette lutte. Cette solidarité, du cœur de l’Empire, a le potentiel d’exercer une pression significative sur les gouvernements occidentaux pour mettre fin au génocide perpétré à Gaza et au projet colonial en Palestine. Cette pression peut s’exercer à travers des organisations ou même des groupes représentant certaines communautés ou diasporas, comme en témoigne une récente lettre ouverte émise, le 22 février 2024, par une organisation musulmane nationale et plusieurs mosquées influentes à l’égard des membres du Parlement canadien.

À l’approche du Ramadan, ces groupes ont clairement indiqué que les députés ne seraient pas les bienvenus dans les mosquées tant qu’ils n’appelleraient pas à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, ne demanderaient pas le rétablissement du financement de l’agence d’aide de l’ONU, et ne condamneraient pas les « crimes de guerre » commis par Israël. En refusant d’offrir une tribune aux députés qui ne soutiennent pas publiquement ces engagements, ces groupes montrent leur détermination à faire entendre leur voix et à exiger des actions concrètes pour mettre fin à la violence et à l’injustice qui sévissent à Gaza.

Safa Chebbi


« From the heart of the Empire, solidarity with Palestine can exert significant pressure on Western governments » (Safa Chebbi)

The massive mobilizations around the world in support of the Palestinian people, and the relentless defense of the genocidal state of Israel by the Western camp, have convinced us of the need to internationalize our gaze, and to solicit strategic and political reflections from movements outside France. The ambition of the present series of interviews is to contribute to the cross-fertilization of our experiences, in the service of an international movement in support of Palestine and against Zionism, racism and colonialism.

We conducted the second interview in this series with Safa Chebbi, a decolonial activist and Master’s candidate in sociology at the Université du Québec à Montréal (UQAM). Her research focuses on urban violence, stigmatization and subalternization. She is a member of the coordinating committee of Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes et Palestiniens de l’Université du Québec à Montréal (SDHPP-UQAM), a student group at UQAM in solidarity with Palestine. She is also founder of the Observatoire des Inégalités Raciales au Québec, the first forum for reflection, action and knowledge production on racial issues in Quebec.

1/ How was the Palestine solidarity movement like in your country before the outbreak of this new Nakba? What was its history and what were its components, strengths and weaknesses?

The Palestine solidarity movement in Quebec has a number of distinctive features that set it apart from other regions of the global North. This specificity stems largely from the historical background of its people, as well as the importance of the Quebec independence movement, which once identified strongly with the struggle of the Palestinian people and found echoes in its own quest for independence. However, this solidarity has been in gradual decline in recent decades, as the right wing of the Quebec nationalist movement has gained momentum, transforming the independence project into a simple demand for a capitalist nation distinct from the predominantly English-speaking basin that surrounds it.

Over the past few years, the solidarity movement with Palestine in Quebec seems to have settled into a sort of routine, with the organization of actions mainly centered on the annual commemoration of important events in Palestinian history such as the Nakba, Land Day, Apartheid Week… or in reaction to specific events taking place directly in Palestine, such as the multiple attacks in Gaza or the most recent one in Sheikh Jarrah in East Jerusalem… Some other political campaigns have also emerged in response to Canada’s involvement alongside Israel, hindering the Palestinian people’s efforts towards self-determination. Despite this opposition, it is important to note the gradual advances made by the Boycott, Divestment, Sanctions (BDS) movement over time.

In Montreal, several groups continue to engage in the struggle despite the challenges they face. Among the groups actively organizing on an ongoing basis are some of the most important, such as PAJU (Palestinians and Jews United). Founded in the early 2000s during the second intifada, PAJU has never ceased to organize political campaigns in line with the aforementioned actions. It is best known for its regular actions every Friday lunchtime in front of the Israeli consulate, a weekly tradition that prompted the consulate to move from Dorchester Square in 2008 to an inaccessible location in Westmount Square. What’s more, the group helps spread the word about current events and developments in Palestine, helping to raise public awareness and maintain focus on the Palestinian question. The history of this group actually goes back to a friendship between a Palestinian and a Montreal Jew, Rezeq Faraj and Bruce Katz, who were also active in other trade union and international solidarity struggles. Despite the breadth of PAJU’s work, the group has remained associated with a certain generation of progressive leftists, not easily accessible to other generations.

Voix Juives Indépendantes (VJI) is another important group created in 2007, representing the largest grouping of anti-Zionist Jews in Canada, with an active branch in Montreal. As they define themselves on their own website, they are an organization rooted in Jewish tradition, active in the fight against anti-Semitism, and clearly distinguished by their criticism of Zionism and Israeli policies. The group carries out essential awareness-raising work in Jewish communities and beyond. It also distinguishes itself by its continued presence whenever the Jewish voice is instrumentalized for the benefit of Israel, thus offering another Jewish voice in solidarity with Palestine. VJI was the first national Jewish organization to support the Palestinian-led Boycott, Divestment and Sanctions (BDS) campaign.

Another important group, distinguished by its emergence within the student movement, is SDHPP (Solidarity for Palestinian Human Rights). It plays an influential role in solidarity with Palestine within universities and CEGEPs. Present in four major Montreal universities (UQAM, Université de Montréal, Concordia and McGill), it mobilizes student forces to exert pressure on their own academic institutions regarding their relationship and involvement with Israel. Note that the activity of some branches may vary according to the level of politicization of students at each university and their traditions of activism and political participation. For example, the branch at the Université de Montréal remained inactive for several years, but was relaunched just a few weeks before October 7 thanks to the efforts of a small group of politicized students.

Even more recently, the Palestinian Youth Movement (PYM) has emerged as a key player on today’s Montreal scene. Although it is the most recent, created in 2021, it stands out for its ability to mobilize the streets and express its demands without any ambiguity. Launched in coordination with other branches in North America, its creation underlines its transnational and independent character. Mainly made up of young Palestinians and Arabs, the PYM represents the new generation in this struggle, with a predominance of English speakers, reflecting its close links with other branches of the movement elsewhere in North America. As an emerging voice within the Palestine solidarity movement in Montreal, the PYM has brought a new dynamic and renewed energy, strengthening mobilization for this struggle.

These groups are certainly not the only ones in Montreal, and they obviously don’t represent all the initiatives in Montreal. It’s always difficult to draw up a complete portrait of all the organizations or coalitions that have campaigned for Palestine. Nonetheless, the groups mentioned have particularly distinguished themselves in the recent history of this struggle in the city.

2/ How was the struggle organized from the start of the genocide in Gaza? What were its goals, strengths and contradictions ? Has the struggle already evolved, and if so, how?

Since the start of the genocide, the Palestinian Youth Movement (PYM) has rapidly established itself in the field, thanks to its exceptional capacity for mobilization and the experience it has accumulated over the past two years. The PYM also distinguished itself by its reactivity in terms of logistical organization, surpassing other older organizations. As early as October 8, it organized a demonstration in the city center to express its support for the Palestinian people. However, this action was roundly criticized in the media, even attracting the attention of Prime Minister Legaut, who declared himself « shocked » to see people celebrating October 7, describing these events as equally tragic moments.

As the situation rapidly evolved, all the other groups joined the crowds mobilized every weekend, and the PYM quickly gained legitimacy to lead this weekly march, which has continued unabated since October 7, demanding not only an end to the genocide, but asserting that it will only end when this tragedy is completely over. Other groups have also been invited to take part in several marches to speak out and contribute to this mobilization.

Although participation varied from week to week, with strong mobilization in the early months and a remarkable peak of over 100,000 participants in November, this figure remains exceptional for a city like Montreal, where it is often difficult to mobilize around international issues. We have to go back to 2003 to find a mobilization of this magnitude, when the population united in opposition to the war in Iraq and urged Canada not to participate.

This context also encouraged other groups to organize and take further action. Each group thus marked its presence through complementary initiatives, capitalizing on their respective strengths and specificities. For example, the SDHPPs played a fundamental role in mobilizing the universities, even organizing several meetings to coordinate actions between campuses. Likewise, Voix Juives Indépendantes has distinguished itself through actions and events highlighting a Jewish anti-Zionist perspective, making an essential contribution to the cause.

The question of October 7 and the place of resistance in this struggle were points of contention addressed with reserve in almost all groups. It took time for the importance of resistance to be partially assumed, which led to several internal tensions and changes in group compositions over the weeks.

The PYM distinguished itself by openly displaying its support for the Palestinian people’s right to resistance, and was the first to politicize the question of faith in the Palestinian struggle in Montreal, thus bringing it to the fore. During the demonstrations, it was the first time we heard calls like « Allah Akbar », Douas in Arabic when activists spoke, or even pauses during marches to have a moment of prayer in the streets. This change, although already slightly present in the PYM before October 7, has asserted itself and taken on more meaning among demonstrators since the start of the genocide. The PYM also stood out as the first group, whose main core is made up exclusively of Arabs, to have mobilized so many demonstrators in the streets of Montreal on this issue.

October 7 also saw the emergence of new groups, including initiatives such as the Palestinian Women’s Collective, Québec 4 Palestine, as well as more local initiatives in various Montreal neighbourhoods such as Hochelaga pour la Palestine and Outremont 4 Palestine, CDN pour la Palestine, Montréal Nord pour la Palestine and many others. This context highlighted the need for a simple, flexible structure to make decisions quickly and act effectively in an emergency context. It became clear that, although the major coalitions were necessary and remain so, they were almost paralyzed for a long time in taking official positions on October 7 because of the difficulty of reaching consensus on a common position.

3/ What has been the attitude of the authorities, the dominant political parties and the media in your country? Does Israeli settler colonialism have economic and political links with your country, and in what form?

It’s striking to note that, from the day after October 7, political parties at all levels – municipal, provincial and federal – were quick to condemn the events and the Palestinian Resistance, while ignoring the endless list of massacres and crimes committed long before that date in Israel’s colonial history. For most of these parties, this reaction is an integral part of their history and their close ties with Zionism. What is particularly remarkable, however, is that even the parties claiming to be part of the independence tradition have not really distinguished themselves from the others.

This tradition is embodied in the three main political parties in Quebec: the Parti Québécois (PQ) and Québec solidaire (QS) at provincial level, and the Bloc Québécois (BQ) at federal level. It’s important to remember that these same parties have not hesitated to show their solidarity with other independence movements, such as the Catalan one. In October 2023, for example, Bloc leader Yves-François Blanchet took part in a conference on independence in Catalonia, where he asserted that « nations that do not have all the attributes of sovereignty have an interest in giving themselves, to some extent, a common voice ». Unfortunately, however, this so-called sovereignty does not extend to Palestine.

The Parti Québécois (PQ) and Québec solidaire (QS) simply differed from the other political parties in their willingness to condemn, from a legal standpoint, the violations of international law committed by both sides, while insisting on total condemnation of the attacks by the Palestinian Resistance.

The Parti Québécois, for example, reacted from the very first day, condemning on October 7, with a statement by its spokesman Paul St-Pierre Plamondon on the social network X: « The Parti Québécois condemns unreservedly the terrorist attack by Hamas against Israel and its civilian population. The path of negotiation is the only possible one that can lead to lasting peace in the region. » However, the party remained silent for over 10 days before issuing a more nuanced but still timid condemnation of the violence, calling for respect for international law. This speech bore an uncanny resemblance to that of the Trudeau Liberals.

However, it is worth revisiting a page in the history of the Parti Québécois that illustrates an earlier, more committed stance on the Palestinian question. The PQ made history by becoming the first political party in North America to welcome representatives of the Palestine Liberation Organization (PLO) to its 1981 convention, in the presence of some 100 international guests. At the time, the PLO was widely branded a « terrorist » organization by the United States and other Western countries.

Similarly, Québec solidaire, considered the most left-wing party in the Quebec partisan political landscape, has also adopted a very timid stance in its reaction. Co-spokesman Gabriel Nadeau-Dubois limited himself on October 7 to a « total condemnation of the Hamas attacks », hiding behind a discourse advocating abstract peace and respect for international law. Another important reaction from this party came from a Palestinian deputy, Ruba Ghazal, who is also the first Palestinian woman elected to the National Assembly. Although she was quick to condemn October 7 and the deaths of civilians on both sides, she also denounced Israeli « apartheid ». In subsequent speeches, she asserted that we should not « choose one side or the other, but rather choose the side of peace », and at other times she mentioned that she had chosen the « side of human beings ». This attitude mirrors that of the rest of the party’s MPs, feeding the dominant discourse that completely depoliticizes the Palestinian question and fails to recognize the unequal balance of power between colonizer and colonized, and according to which the violence of the oppressed is equated with that of the oppressors. What’s more, such a statement seems to be an attempt to disempower the party, by hiding behind the « legitimacy » of a first concern of their only Palestinian representative. Moreover, the party was so hesitant that several weeks passed before it sent a few MPs to take part in the solidarity demonstrations.

At the federal level, the ruling Liberal party has not only unconditionally supported Israel in every statement since October 7, but has also been an active accomplice in the genocide in Gaza. Between October and December 2023, Canada approved military exports to Israel worth $28.5 million. To put this decision into perspective, it’s important to note that Canadian military exports to Israel in 2022 totaled $21.3 million, and $27.8 million in 2021. These figures indicate a significant increase in military exports to Israel, surpassing even the figures of the last three decades.

Knowing also that since Justin Trudeau came to power in 2015 until 2023, Canadian companies have exported around $150 million worth of military equipment to Israel. These exports are made with the approval of export licenses issued by Global Affairs Canada, raising concerns about the government’s responsibility for fueling wars in the region.

When it comes to the media, the narrative is often biased and clearly tilted in Israel’s favor, even in media generally considered progressive in the country, which has angered many citizens. In response to this bias, an anonymous action was organized in early November 2023, consisting of painting the glass doors of the new Maison de Radio-Canada red, following a pro-Palestine demonstration.

4/ In your opinion, how would it be possible to combine the forces of movements supporting Palestine on all continents? What role should the Palestinian diaspora and resistance organizations play?

October 7 marked a turning point in the global struggle for the liberation of Palestine, triggering a before-and-after dynamic of solidarity with the Palestinian cause, both in Montreal and in other parts of the world. This was a significant day, paving the way for a period of heightened mobilization and action, and highlighting the importance of forging alliances that transcend national borders.

The emerging solidarity of the global North is of particular importance in this struggle. This solidarity, from the heart of the Empire, has the potential to exert significant pressure on Western governments to end the genocide perpetrated in Gaza and the colonial project in Palestine. This pressure can be exerted through organizations or even groups representing certain communities or diasporas, as illustrated by a recent open letter issued on February 22, 2024 by a national Muslim organization and several influential mosques to members of the Canadian Parliament.

As Ramadan approaches, these groups have made it clear that MPs will not be welcome in mosques until they call for an immediate ceasefire in Gaza, demand the restoration of funding for the UN aid agency, and condemn Israel’s « war crimes ». By refusing to offer a platform to MPs who do not publicly support these commitments, these groups are demonstrating their determination to make their voices heard and demand concrete action to end the violence and injustice in Gaza.

Safa Chebbi

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