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Caricatures du Prophète : pourquoi nous devons nous indigner et défendre notre sacré

Au moment où Sarko-Valls déclare : « Les musulmans de France ont prouvé leur maturité » quand en fait il vient tout simplement de leur appliquer des lois d’exception, nous disons « A quand le retour du couvre-feu pour les Musulmans, comme le 17 octobre 1961 ? Paris mis en état de siège dans les quartiers où devaient se dérouler les manifestations de protestation contre les caricatures du Prophète et le film raciste anti-Islam, des centaines de R.G en amont, des flics partout, toutes les sorties de métro fermées, un CRS tous les dix mètres pour dissuader tout cortège et on ose dire que les musulmans ont « prouvé leur maturité » ?

La démocratie rêvée par Hollande, Valls et le P-S, c’est ça. C’est quand les musulmans comprennent d’eux-mêmes qu’ils doivent courber l’échine. Quand ils comprennent que quoi qu’on leur fasse, ils doivent savoir rester à leur place et se taire. Pourtant le 17 octobre 61, on pensait leur avoir déjà expliqué les limites de leur recherche de dignité. 300 morts. Du moins croyait-on qu’ils avaient compris définitivement, mais non ! Charlie Hebdo peut au nom de la liberté d’expression faire paraître d’odieuses caricatures mais cette liberté d’expression est interdite aux musulmans quand ils veulent exprimer leur indignation. « Supportez cette épreuve de façon stoïque. Supportez l’avilissement de ce que nous avons de plus précieux » nous disent certains. Pourquoi faut-il que ce droit à l’indignation tant célébré par Stéphane Hessel dans un ouvrage culte vendu à des centaines de milliers d’exemplaires soit refusé aux musulmans ? Un droit pourtant enseigné dans les cours d’éducation civique comme étant un acte citoyen ? Toi qui ne comprends pas notre profond écœurement et soutient la liberté d’expression de Charlie Hebdo sache que nous sommes effectivement devant un conflit de valeurs.

Les caricatures vulgaires du Prophète Mohammed ne sont pas simples critiques d’une religion ou même un trait d’humour anodin. Pour les musulmans elles constituent une véritable profanation de par la large publicité qui leur est faite. Pour les citoyens que nous sommes, il s’agit là d’une légitimation de l’expression raciste.

Tout d’abord rien n’est plus faux que l’assertion selon laquelle ces dessins ne seraient choquants que pour les islamistes radicaux. En fait ils heurtent la conscience de centaines de millions de musulmans à travers le monde pour qui tout ceci, loin d’être le triomphe de la liberté, s’apparente à une opération sacrilège guidée par le simple plaisir d’en découdre avec la foi musulmane. Dans la continuité de ce que l’Occident leur fait subir depuis des siècles. Les réactions des musulmans offensés ne sont pas un soudain coup de tonnerre dans un ciel d’été. Elles font suite et accompagnent une agression permanente subie par nos peuples depuis au moins deux siècles. Oui la sensibilité de ces hommes et femmes offensées est à fleur de peau, il ne s’agit pas de paranoïa . Qui ne le serait à leur place. Ce ne sont tout de même pas les musulmans qui ont lancé des dizaines d’agressions militaires contre des pays occidentaux à l’instar de ce que ceux-ci ont fait contre les pays musulmans, depuis la fondation de l’ONU en 1945. La liberté d’expression ? Tu parles… Finissons-en avec ce mythe. Ta société quand il le faut, sait parfaitement protéger ses idoles. Tout un arsenal de lois punit le délit d’outrage au drapeau, à l’hymne national, à la nation, au président de la république même. Tout ça pour préserver le sacré des Français. Et jusqu’à preuve du contraire, tout le monde s’y conforme. N’a-t-on pas menacé de poursuivre en justice certains jeunes français d’origine maghrébine qui avaient osé siffler la Marseillaise ? Quant à J.L Mélanchon, qui verse des larmes en entonnant la Marseillaise lors de ses meetings, que penserait-il si, non pas Charlie Hebdo, mais des indigènes infligeaient à la pauvre Marianne le châtiment que ses amis de Charlie hebdo font subir au Prophète dans les dessins du numéro en question ? Dis-moi franchement, combien de temps leur resterait-il à vivre avant que ne se déclenche contre eux une Saint Barthélémy médiatique? Revenons-en à la prétendue liberté d’expression de Charlie Hebdo. Quel cynisme ! Depuis longtemps celui-ci est en mort clinique. Ce zombie beaucoup plus proche de Chasse, Pêche et Tradition que du magazine insolent créé par feu le professeur Choron et dans les veines duquel ne coule plus que du fiel, se réveille tous les 3 ans pour cracher sa haine des musulmans et renflouer ses caisses à leur frais en distillant son venin. Histoire de faire croire qu’il est impertinent mais oublieux du fait que l’impertinence à l’encontre des pauvres, n’est que morgue hautaine, oublieux du fait que le courage ne s’apprécie qu’à l’encontre des puissants et que frapper sur des gens à terre comme il le fait relève de la lâcheté la plus extrême. Dans une société taraudée par le racisme anti-arabe, anti-noir et anti-musulman, l’islamophobie de Charlie est un secours idéologique inespéré pour le pouvoir comme pour la droite, en perte de vitesse.

Quant au respect du sacré, il ne relève d’aucun principe constitutionnel, d’aucune loi et n’est pas gravé dans le marbre. Il relève de la banale sensibilité humaine et de la fraternité. Nous n’avons pas les mêmes codes ni le même sacré. Pour toi ce sera peut-être Marianne, la Marseillaise, le chant des partisans, pour Charlie Hebdo, ce sera à coup sûr l’apéro-saucisson. Pour nombre d’entre nous, ce sera entre autres le respect dû à notre Prophète. Chaque groupe humain place son sacré là où il le souhaite et nul n’a le droit moral de galvauder ce choix. Nul n’a le droit moral de le fouler des pieds et d’humilier quiconque. L’Occident n’a plus rien à dire, il a soumis ses dieux au Moloch nommé indice Dow Jones. Profaner le sacré des autres s’avère pour lui une façon de se convaincre qu’à l’image de Prométhée, il est l’égal des Dieux.

N’importe quel musulman, pratiquant ou pas mais aussi tout Arabe, agnostique, athée, voire chrétien se sentira insulté lorsque l’on touchera à la personne du Prophète. Du Maroc à l’Indonésie. Il représente pour nous une force de libération et une aspiration à la justice. Car non seulement celui-ci est fondateur de la religion mais il est également fondateur de la civilisation arabo musulmane. L’Occident matérialiste impose aux peuples subalternes de brûler leurs dieux s’ils veulent mériter la grande modernité consumériste à laquelle il les convie et qui leur permettra de célébrer le roi OGM. Il qualifie de sauvage quiconque ne s’y résout pas.

Mais si nous préférons demeurer ces sauvages que fustige actuellement une publicité sioniste sur les murs du métro de New York ? Qui es-tu pour nous le reprocher ? Notre Prophète est notre frère supérieur, et nul n’a pas besoin d’être très pratiquant pour le considérer comme tel. Pour nous qui vivons dans l’exil, dans ces sociétés froides, où nombre des nôtres tombent chaque année victimes de l’intolérance, où nos chibanis meurent dans la précarité la plus extrême, pourquoi veux-tu que nous acceptions dans l’indifférence la souillure, proclamée à grands renforts de publicité, de l’image de celui qui incarne pour nous la justice et la dignité, le seul vrai réconfort face à la marchandisation des hommes et des âmes de l’Occident ?

Au moment de la répression de l’insurrection malgache en 1947, les militaires français, pour démoraliser les populations révoltées et briser leur résistance conduite par les chefs coutumiers et hommes de religion, embarquaient ces derniers dans des avions et les précipitaient dans le vide au-dessus des villages. Histoire de terroriser les populations et de leur expliquer qui étaient les nouveaux dieux. Je ne peux m’empêcher de trouver une certaine analogie avec la frénésie iconoclaste de Charlie, confinant au délire. Je ne sais pourquoi mais c’est invariablement cet épisode colonial qui me vient à l’esprit avec cette histoire de caricatures. Il s’agit bien d’une humiliation, la volonté d’atteindre au plus profond, l’être musulman. Pour ensuite contempler son nombril en proclamant, regardez comme nous sommes courageux. Une violence symbolique inouïe ressentie comme telle par des populations issues de sociétés qui ont toujours respecté le sacré, quel qu’il soit, et qui ne comprennent pas pourquoi une telle hargne, un tel acharnement, un tel manque de respect : le mépris pour leurs repères identitaires et l’ordre symbolique auxquelles elles adhèrent. En un mot, puisque ceci est fait paraît-il au nom de la liberté. Que tous ceux qui cherchent absolument à libérer les musulmans contre leur gré le sachent : votre liberté de type néocolonial, qui meurtrit nos âmes, nous n’en voulons pas, pas plus hier avec vos chars qu’aujourd’hui avec vos Charlie-hebdo.

Le prophète a fait l’expérience que nous vivons, celle de l’émigration, de l’exil. Il a été mouhajir lui aussi, « émigrant », lorsque persécuté par les marchands de La Mecque, il a dû fuir cette ville pour Médine. Nous sommes nous aussi des fils et filles d’émigrants, des mouhajirin. C’est même son émigration qui marque le début du calendrier musulman. L’Hégire, Hijra ou émigration. Cette émigration des anciennes terres coloniales qui fait de nous de perpétuels étrangers que le pouvoir et ses collabos, de droite comme de gauche, libre-penseurs ou réactionnaires, veulent maintenir sous leur botte.

Une question se pose : aujourd’hui le dispositif politique et médiatique défend la liberté d’expression raciste de Charlie Hebdo et réprime l’indignation des musulmans à grand renfort policier. Après l’histoire du mouton dans la baignoire, les tags nazis sur les murs des mosquées, les têtes de porcs déposées devant des lieux de culte, la profanation des cimetières, les attaques contre les boucheries et restaurants halal, et jusqu’à l’agression, voire au crime raciste, tu ne crois pas que ça commence à faire beaucoup ? Quelle sera la prochaine étape si nous ne réagissons pas ? Crois-tu vraiment que l’on puisse piétiner éternellement la dignité d’un groupe humain ?

Youssef Boussoumah, membre du PIR

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