En effet, il semble que le resserrement des liens familiaux et communautaires, la fréquentation massive des mosquées, les rythmes de vie particuliers, propres à cette période soient vécus comme une véritable provocation par l’Etat. Lui qui pourtant organise la ségrégation sociale et spatiale des populations issues de l’immigration entend dans le même temps réaffirmer sur elles sa souveraineté absolue. Dans la pensée orientaliste classique, l’arabe n’a pas de patrie, c’est l’islam qui en fait office. En cela, l’islam établit une concurrence intolérable car il y a conflit de loyauté. La déclaration de ce Trappiste évoquée dans Le Monde du 20 juillet 2013 : « On n’a pas la haine par hasard. On se battrait pour la France, mais il faut arrêter de venir toucher à la religion tout le temps », dans son extrême ambivalence – à la fois profondément intégrationniste mais dévouée au sacré – peut témoigner de cette tension.
Ainsi, l’islamophobie de l’Etat témoigne d’une chose :
Sa volonté de réaffirmer son empire sur 6 millions de musulmans. Il exprime aussi sa crainte que ceux-ci fort de cette autonomie cultuelle accrue en période de ramadan ne finissent par lui échapper complètement en s’autonomisant sur le plan politique. On n’a pas de peine à imaginer la teneur des réunions place Beauvau : Comment assurer le contrôle d’une communauté musulmane qui semble vouloir obéir à des principes transcendant le cadre national-républicain ? Comment contrecarrer son potentiel défaut de loyauté ?
Dans cette tâche, il est secondé par tout un pan de la société française, jaloux de ses privilèges. C’est ainsi qu’il faut comprendre, à la fois les actes et agressions racistes de nazillons et groupes paramilitaires et le défaut de solidarité d’une grande partie de la société civile qui tacitement approuvent et partagent avec les agresseurs – non pas forcément les méthodes musclées – mais l’esprit.
Nous avons entamé cette réflexion par le souvenir de Clichy sous Bois, concluons par un autre souvenir : celui de la pendaison de Saddam Hussein le jour de l’Aïd. Rien ne permet de comparer le lynchage de l’ex-président irakien avec les évènements de Trappes ou de Clichy si ce n’est un Etat d’esprit : celui du pouvoir colonial lorsqu’il veut humilier sa victime et qu’il fait usage du sacrilège comme arme politique.
PIR, le 22 juillet 2013, Paris