Le pouvoir colonial joue la tension en Kanaky

Solidarité avec les protestations en cours en Nouvelle-Calédonie concernant l’usine Vale, dite usine du Sud. L’AISDPK et Kanaky solidarité organisent un rassemblement statique le mercredi 16 décembre de 18h à 19h, sur les trottoirs à l’angle de la rue Oudinot (n° 27) et du boulevard des Invalides, Paris 75007.

Depuis plusieurs semaines, une mobilisation massive est en cours en Kanaky Nouvelle-Calédonie pour défendre la souveraineté du peuple sur ses ressources minières, pour empêcher le pillage de ces ressources par des multinationales et, in fine, pour lutter contre la colonisation toujours en cours.

En décembre 2019, la société Vale Nouvelle-Calédonie qui exploite l’un des plus grands gisements de nickel du pays et une usine de transformation du minerai, dans la province Sud, a annoncé vouloir quitter le pays et revendre ses parts. L’occasion pour les indépendantistes de faire revenir une partie des ressources minières dans le giron public, afin de garder le contrôle sur la politique de l’entreprise, à l’image du massif de Koniambo dont la province Nord est actionnaire à 51%.

Mais Vale NC (dirigée par le Français Antonin Beurrier), l’Etat et les partis anti-indépendantistes en ont décidé autrement.

L’offre de reprise déposée par la Sofinor (société de financement de la Province Nord) et par un partenaire industriel sud-coréen, avec un projet d’actionnariat public calédonien à 56%, a été purement et simplement écartée, au profit de l’offre du consortium « Prony Resources », mis sur pied par Antonin Beurrier lui-même, soutenu par l’Etat, et financé en grande partie par le négociant international Trafigura (tristement célèbre pour avoir déversé des déchets toxiques en Côte d’Ivoire, empoisonnant des dizaines de milliers de personnes) et par des investisseurs calédoniens privés (probablement issus des grandes fortunes coloniales encore très implantées dans l’économie calédonienne). Une part minoritaire de l’actionnariat reviendrait certes à la province Sud, mais les partis anti-indépendantistes qui la dirigent ne sont pas connus pour défendre une politique du nickel bénéficiant à l’intérêt général.

La mobilisation en soutien au projet d’une « usine pays » et en opposition à la reprise par Trafigura a pris une ampleur sans précédent depuis le mois de septembre. « Trafigura dehors », « Non au bradage de notre patrimoine foncier » font partie des mots d’ordre du collectif « Usine du sud = Usine pays » qui rassemble les institutions coutumières, les partis politiques et syndicats indépendantistes et plusieurs associations environnementales. Ces derniers jours, face au refus total de Vale, de la province Sud et de l’Etat d’étudier sérieusement le projet d’une reprise de l’usine par un actionnariat public, puis suite à l’annonce de la signature d’un accord ferme entre Vale et le consortium Trafigura, les grèves générales, blocages, barrages, manifestations, se sont multipliés. Cette affaire de reprise est devenue emblématique de la domination coloniale de l’Etat et des investisseurs étrangers et c’est contre cela, et pour leur souveraineté, que se battent les Kanak et leurs alliés.

Désormais, le premier ministre Jean Castex et le ministre de l’Outre-mer Sébastien Lecornu cherchent à faire peser la responsabilité des « violences » sur les militants indépendantistes, niant le fait que c’est l’Etat qui nourrit ces mobilisations, par son soutien à la stratégie de Vale et de la province Sud et son refus de négocier une reprise locale et publique de l’usine. Par ailleurs, ce sont les partisans de la Calédonie française, ayant monté des contre-barrages et arborant des drapeaux tricolores, qui brandissent des fusils, sans que les gendarmes à proximité ne réagissent. De même ce sont les gendarmes français qui ont tiré à balles réelles vers les militants cherchant à pénétrer dans l’usine Vale pour en bloquer la production.

Ce que l’on pourrait désormais appeler « l’affaire de la reprise de Vale » est en réalité une énième tentative de l’Etat et des anti-indépendantistes de faire obstruction au processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie. Puisque le projet indépendantiste se renforce dans les urnes, avec une progression de 3 points au deuxième référendum le 4 octobre 2020, la stratégie des colons est donc de le contrer sur le terrain, en empêchant un projet qui pourrait favoriser la construction d’un futur Etat indépendant.

Car la maîtrise des ressources, qu’elles soient minières ou autres, est bien un élément indispensable à la souveraineté d’un pays.

Nombre de pays africains en ont fait les frais, voyant leurs matières premières pillées et bradées par des Etats étrangers et des multinationales, exportées brutes sans être valorisées sur place, et sans que leurs populations aient un quelconque mot à dire et ne voient l’ombre des bénéfices de ces richesses.

Le collectif Solidarité Kanaky et l’AISDPK soutiennent donc pleinement la lutte menée par les Kanak et leurs alliés contre le pillage de leurs ressources et pour leur souveraineté.

Nous dénonçons la position de l’Etat qui, alors qu’il devrait être engagé dans le processus de décolonisation par les accords de Matignon et de Nouméa, soutient un projet qui va totalement à l’encontre de ce processus et reste sourd aux revendications indépendantistes [1], poussant Kanaky Nouvelle-Calédonie dans une situation de grande tension.

Nous appelons à un rassemblement statique mercredi 16 décembre de 18h à 19h, sur les trottoirs à l’angle de la rue Oudinot (n° 27) et du boulevard des Invalides, Paris 75007.

Avec respect des mesures sanitaires en cours (port du masque et distance)

Collectif Solidarité Kanaky et AISDPK ( Association Information et Soutien aux Droits du Peuple Kanak)

Organisations membres du Collectif Solidarité Kanaky

MJKF (Mouvement des Jeunes Kanak en France), USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanak et des Exploités (en France), Union syndicale Solidaires, CNT (Confédération Nationale du Travail), Sindicatu di i Travagliadori Corsi, Ensemble !, NPA (Nouveau parti anticaptialiste), PIR (Parti des indigènes de la République), PCOF (Parti communiste des Ouvriers de France), Union communiste libertaire, Ni guerre ni État de Guerre, Association Survie, FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s), FUIQP (Front Uni des Immigrations et des Quartiers populaires.


[1] Cette attitude s’inscrit dans la continuité d’autres violations de ses engage

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