Négrophobie

« Y’a bon Banania ! », de Bossuet à Nicolas Sarkozy

La mort du poète Aimé Césaire, inventeur du concept de « négritude », est l’occasion de faire le point sur le stéréotype du noir en danseur emplumé ou violent machetteur. Pour y voir clair sur la « négrophobie » française, « Bakchich » a fait parler une femme écrivain qui est allée regarder dans les poubelles de nos grands hommes…

Le grand poète français Aimé Césaire vient de mourir, il a été de bon ton de célébrer la noblesse de son combat contre le racisme et la colonisation. Pourtant…

Césaire, de son vivant, n’a pas toujours été bercé des cris admiratifs qui ont suivi son cercueil. Il n’y a qu’à réentendre ceux qui fusèrent en 1994, quand son « Discours sur le colonialisme », écrit en 1950, fit son entrée au programme des classes de terminale ! Le député Alain Griotteray interpella le ministre de l’Education François Bayrou pour déplorer « qu’une oeuvre aussi résolument politique osant comparer nazisme et colonialisme soit inscrite au programme de français des terminales ».

Et l’oeuvre de Césaire, qui devait rester deux années au programme, disparut après la signature d’un décret de Bayrou en fin d’été 1995… Les jours qui ont suivi, aucun intellectuel français n’a pris la plume pour soulever un débat. Est-ce parce que le pays entier bronzait en vacances ?

Non, il n’y a pas que le soleil qui justifie cette désertion… L’agrégée de lettres Odile Tobner, auteur l’année dernière d’un livre intitulé Du racisme français ; quatre siècles de négrophobie, suggère une autre explication. Si nul n’a défendu Aymé Césaire contre François Bayrou, c’est parce que le pays des Lumières et des droits de l’Homme a peur de se regarder dans le miroir que Césaire lui tend et sur lequel clignote la supériorité de nos sentiments à l’égard des colonisés, des noirs, ou de l’Afrique en général.

Ce que nous n’aimons pas admettre, c’est que la plus ancienne attitude qu’il nous soit donnée de connaître à l’égard des noirs est celle d’un très profond sentiment de supériorité. Qui ne s’est jamais extasié, plus ou moins paternellement, de la performance ou de la réussite intellectuelle d’un noir ? Tout cela nous vient d’une vieille négrophobie, souvent très inconsciente, qui dure depuis des siècles.

QUELQUES NÉGROPHOBES POPULAIRES

Pour s’en convaincre, Odile Tobner a exhumé de vieux écrits, qui nous font découvrir que des penseurs humanistes tels Saint-Simon, Bossuet, Montesquieu ont commis sur les noirs des pages monstrueuses, des pages où l’Africain peine à éclore une âme au-dessus de la boue de l’animal. Et qui rappellent aussi que certains de nos grands hommes, Renan, Albert Schweitzer, le Général de Gaulle, ne sont pas épargnés par l’héritage français de la négrophobie.

Devinerez-vous qui a prononcé cette phrase ? « Les races supérieures ont un droit viscéral vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». C’est notre grand bienfaiteur Jules Ferry. D’ailleurs, sa grande idée d’une mathématique des races a hanté les manuels scolaires de la troisième république et formaté l’esprit de millions de Français.

Et celle-ci ? « On ne voit plus qu’eux, il y a des nègres à l’Elysée tous les jours, je suis entouré de nègres ici, foutez-moi la paix avec vos nègres ; je ne veux plus en voir d’ici deux mois, vous entendez ? Ce n’est pas seulement en raison du temps que cela me prend, bien que ce soit déjà fort ennuyeux, mais cela fait très mauvais effet à l’extérieur : on ne voit que des nègres, tous les jours, à l’Elysée ».

C’est Charles de Gaulle, qui se souciait beaucoup, comme on le vérifie ici, de « l’image de la France » à l’extérieur… La citation vient des mémoires de son grand conseiller pour l’Afrique Jacques Foccart, qui faisait en effet défiler ses réseaux africains à l’Elysée. C’était en 1968 !

Pour découvrir quels négrophobes ont aujourd’hui pris le relais de Bossuet, Montesquieu, Jules Ferry et De Gaulle, cliquez, mais sans esprit de supériorité, sur la couverture du livre d’Odile Tobner.

Source Bakchich.info

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