Tout simplement noir : Le Figaro a aimé, nous aussi. Où est le vice ?

«Tout simplement noir est la meilleure, et la plus drôle, critique du communautarisme en ces temps où Black Lives Matter traverse les frontières et agite la société française» (1), écrit Étienne Sorin, critique cinéma au Figaro à propos du film réalisé par Jean-Pascal Zadi et John Wax, écrit par Kamel Guemra, sorti dans les salles le 8 juillet dernier. L’enthousiasme coupable du Figaro rejoignant assez clairement leurs intérêts idéologiques – « dénoncer le communautarisme » qu’il faut comprendre comme la tentative acharnée de saboter des mouvements antiracistes ayant échappé à tout contrôle du champ politique traditionnel pour établir un agenda politique centré sur la défense des intérêts de la communauté postcoloniale – il y avait de quoi se méfier. L’affiche, quant à elle, n’arrangeait rien à l’a priori et ne laissait présager guère mieux qu’un énième film intégrationniste qui finirait en définitive par rejoindre tous les autres dans les poubelles encombrées de l’histoire du cinéma français.

Finalement, après un visionnage attentif du film, on mesure mieux, derrière la farce rigolarde et inoffensive, l’ampleur de ce que nous aurions eu bien tort de jeter tout ensemble indistinctement.

Ainsi, si le Figaro et d’autres médias ont été séduits par le film c’est que celui-ci semble surtout avoir été le terrain – probablement volontaire – d’un passionnant malentendu, entretenu par un contexte peu anodin. En pleine résurgence de la puissance noire qui partout dans le monde fait subir aux idoles de la suprématie blanche le sort qu’elles méritaient en les déboulonnant au rythme d’un mouvement historique qui semble difficile à contenir, le film dont la sortie était prévue avant la période du confinement, s’est retrouvé embarqué dans le sens de l’histoire sans qu’il n’ait eu besoin d’en bâtir le projet. « Un coup de bol » penseront ceux qui oublient que la puissance noire ne vient pas de se réveiller mais qu’elle œuvre de longue date, à ses différents niveaux, à différentes vitesses, de telle sorte que la nécessité d’un film sur la question allait forcément finir par s’imposer en France. Film qu’il faudra consentir à juger à l’aune non pas de notre radicalité militante mais à celle du gouffre dont il émerge : une industrie du cinéma labyrinthique, balisée comme une bureaucratie sclérosée, où les financements ne s’obtiennent qu’après moultes épreuves de blanchiment et d’aplanissement des œuvres, les ramenant souvent à leur plus médiocre expression. C’est donc avec un cœur intelligent et une bienveillance éclairée qu’il faudra tâcher à ne pas abandonner le film aux détracteurs les plus têtus de nos luttes qui croient pouvoir se servir de ce qui s’est présenté à eux comme une bombe à retardement qu’ils ont l’intelligence de vouloir désamorcer par leur adhésion hilare. C’est un lieu commun qui se confirme : l’interprétation d’une œuvre en dit davantage sur celui qui la reçoit que sur l’œuvre elle-même. « Une critique du communautarisme », voilà donc ce qu’ils espèrent que l’histoire officielle retiendra de cet ovni du cinéma français : une comédie grand public –  non réservée aux cinémas arts et essais pour militants conscientisés –  réalisée par un homme noir, mise en scène par une majorité écrasante d’actrices et acteurs noirs, traitant de manière explicite et exclusive de l’identité noire en France. En bref, un film dont ils ne sont visiblement pas les principaux destinataires, mais qui comme par magie, épouserait parfaitement tous les contours de leur petite idéologie étriquée. Ainsi, si chacun a le droit à sa lecture, gageons qu’une lecture décoloniale du film soit plus à même d’en saisir toutes les potentialités subversives de manière à contrecarrer la tentative de neutralisation orchestrée par la jubilation de nos adversaires. Non, ce film ne sera pas à vous parce qu’il est à nous. Démonstration.

Un bounty ou un raté 

Si finalement le film décline moins les milles et une façons d’être noir (2) en France que les très faibles options qui s’offrent aux Noirs, plus exactement à ceux qui ambitionnent de faire carrière dans un monde structurellement dominé par les Blancs, le résultat n’en reste pas moins une plongée burlesque dans l’intimité d’une identité maltraitée par des problèmes qui se posent immanquablement à elle et qui ne peuvent décidément pas se résoudre à l’échelle personnelle, – le comique jaillissant précisément de cette confusion entre horizon collectif de l’identité noire et son incarnation individualisée et ainsi caricaturée . On comprend assez vite que le jeu est vicié dès son origine par une impossibilité existentielle, le champ des possibles se réduisant chaque fois à une alternative de misère : être un bounty ou un raté. La centralité du couple thématique loyauté/trahison ne cesse ainsi d’avouer par implicite ce que nos éditorialistes croient voir maltraité et critiqué dans le film : l’existence véritable et objective d’une communauté noire, justifiée par une condition commune qui oblige chacun d’entre eux à se débattre non pas avec les assignations qu’ils s’infligeraient à eux-mêmes mais celles que la société raciste leur impose et à partir desquelles leur marge de manœuvre s’en trouve considérablement réduite. La figure du traître – incarnée par Fary – n’est dès lors pas traitée comme un élément exogène de la communauté. Sa trahison, si elle suscite mépris et colère de la communauté, ne l’apostasie pas de sa famille. Exilé à l’intérieur de sa race sociale, il se cherche désespérément une issue avec l’opportunisme qui le caractérise. Et c’est auprès des siens qu’il veut se racheter, non par épiphanie politique et conscientisation de sa dignité mais par une intelligence lucide de ses intérêts directs.  C’est là un point important. Le traître sait que le vent est en train de tourner et que la trahison n’est plus rentable pour ses petites affaires. Désormais, l’estime de la communauté noire va devoir entrer dans l’équation de ses calculs d’arriviste. Si l’on regarde d’un peu loin le cynisme d’une telle posture, on comprend quelle bonne nouvelle elle comporte. Sans les siens, le traître n’a désormais plus de valeur pour personne, pas même pour ses maîtres, et ce nouveau rapport renverse littéralement le paradigme traditionnel de la dette. Ce sera désormais moins vis-à-vis de la France et de ses institutions que le sujet postcolonial se sent redevable que vis-à-vis de sa communauté, qui gagnant de plus en plus de poids dans le rapport de force politique et social, a désormais le pouvoir au mieux de défaire des carrières, au moins de les entacher de déshonneur. Certes, si ces nouvelles données n’annoncent pas la fin de la trahison mais sa sophistication à travers un processus dialectique – se faire aimer des siens pour mieux gratter des privilèges – il faut se réjouir que l’exercice exige désormais plus d’effort et que l’œil qui les surveille a la vue décidément plus aiguisée.

À ce titre, il est tentant d’envisager la présence de certains acteurs du film comme une mise en abyme de leur propre parcours. Il y a quelques années, la plupart de ceux-là auraient probablement décliné l’invitation. Jouant leur propre rôle, ils semblent saisir ici l’occasion, à travers une ironie et une hyperbolisation révélatrice, de témoigner des déchirements et des couleuvres de longue date avalées pour être là où ils sont. (3)

Le personnage d’Omar Sy, « personnalité préférée des Français », titre répété à l’envi tantôt comme un trophée tantôt comme un chef d’accusation, notamment par le héros du film, car « c’est forcément louche » et que « quand tu es Noir, normalement tu déranges » est, quant à lui, filmé ainsi qu’un idéal jalousé au volant de sa voiture de sport, un énorme GPS qui semble lui offrir tout Paris à portée de main, en même temps qu’il cartographie l’énigme d’un parcours de miraculé. Face à un héros bouffon, acteur raté, activiste improvisé qui éponge maladroitement les bonnes idées antiracistes et ne sait décidément pas leur rendre justice, Omar Sy semble avoir résolu toutes les équations, tranquillement installé au sommet de l’échelle. Dans sa tentative de casser le mythe en démontrant la bountisation d’Omar Sy, le héros échouera lamentablement. Il y a « quelque chose de louche », oui, mais en attendant de le prouver, Omar Sy se révèle manifestement traversé par une conscience de la communauté qu’il n’oublie pas et qu’il tâche d’aider « concrètement » avec ses propres moyens. Pour le héros, ç’en est trop et il exige de sortir de la voiture dans laquelle il se sent soudainement étouffé. Si la figure d’Omar Sy est ici amplement magnifiée pour les besoins du scénario, c’est qu’elle sert à dire l’insupportable fardeau d’avoir à se comparer au Noir idéal derrière lequel la France croit pouvoir se disculper. Faut-il donc être Omar Sy pour être aimé dans ce pays ? La réponse ne se fait pas attendre. Dans la scène qui suit, notre héros est victime d’une arrestation violente motivée par aucun motif apparent – scène qui fait écho à la première arrestation burlesque du film mais qui révèle à ce stade tout le sérieux de l’affaire. En attendant d’être Omar Sy, il faudra se contenter d’être simplement noir.

Ce qui semble participer du succès du film – et qui permet qu’il soit apprécié à l’appui des thèses les plus diverses et contradictoires – ce que les questions qu’il expose ne sont pas répondues et qu’il ne semble pas défendre une thèse claire et identifiée. C’est une faiblesse – sur le dos de laquelle il faudra mettre son caractère un peu décousu – et un bienfait qui permet sa liberté et son foisonnement.

La solution par la politique

Néanmoins, si les réponses ne sont pas données, elles nous parviennent tout de même comme des potentialités en attente de leur réalisation effective. Parmi elles, il y a la lutte politique, la vraie, pas celle qui pense pouvoir faire descendre dans la rue le peuple à coups de bad buzz, de vidéos outrancières, de stories insta et de soutien public des stars de la communauté. Contrairement à ce qui a été écrit ici et là,  le film ne ridiculise pas le monde militant noir et ne moque pas davantage «  les impasses d’un certain militantisme ». L’apparition de Franco Lollia de la Brigade anti-négrophobie (BAN), organisation incontournable de l’antiracisme politique, en témoigne. Franco Lollia incarne ici le visage du véritable militant de terrain que le héros ignorant et égocentrique veut convaincre afin de bénéficier de sa street cred. Si Franco et son organisation n’échappent naturellement pas à la caricature, cette dernière se contente d’accentuer l’intransigeance du militant chevronné face à l’ignorance du frère qui ne connaît rien à l’histoire de son peuple mais espère le rassembler à partir de sa personnalité douteuse. Cette inconséquence lui vaudra le désaveu des militants de la Brigade. Mais c’était là l’esquisse d’une issue favorable qui se dessinait pour le héros qui souffre d’inconsistance très exactement à cause d’un défaut de politisation et non d’un excès de politisation. Cette « solution par la politique » prend d’autres formes positives quand il s’agira pour le héros de comprendre l’intérêt pour un mouvement antiraciste de masse d’associer les femmes noires ou encore d’accepter voire d’inciter le soutien de tous, celui des autres communautés postcoloniales comme les Arabes mais aussi celui des Blancs. Rappelons à toutes fins utiles que si les manifestations de l’antiracisme politique tiennent effectivement à verrouiller l’instance organisationnelle des manifestations entre les mains des mouvements de l’immigration, condition sine qua non de leur autonomie, la présence des Blancs et des organisations blanches aux marches antiracistes en tant que soutien n’a non seulement jamais été interdite mais qu’elle est au contraire perçue comme une victoire dans l’établissement d’un rapport de force. Défaut de politisation, nous disions.

Tableau de famille

À défaut d’être un film « contre le communautarisme », TSN est l’esquisse à gros traits d’un tableau de famille où les liens de fraternité sont traversés par des conflictualités complexes, le plus souvent dictées par les lois de l’extérieur, celle du monde blanc à partir duquel ils sont contraints chacun de se situer. Mais pour qui sait voir dans le négatif des images, ce sont aussi des liens d’amour qui se laissent surprendre. C’est là une lecture qui se dérobe probablement au regard blanc : cette succession de petits sketchs a le sens d’une succession de clins d’œil complices adressés à nous-mêmes, de non-blanc à non-blanc, clins d’œil qui s’épargnent d’expliciter davantage car selon la formule consacrée « on se sait ». Si l’on sait ce qui nous unit, on sait aussi ce qui nous désunit. S’y laissent ainsi deviner, à peine esquissés, mais la chose est connue, la négrophobie arabe ou encore l’antisémitisme larvé.

« Ce n’est pas un film contre le communautarisme » s’échine à marteler Fary face à Léa Salamé surprise de ne pas avoir vu le bon film (4). « Ah ? vous ne pensez pas que ça critique le communautarisme ? – Je pense que c’est un danger de critiquer le communautarisme parce que c’est un héritage du colonialisme où les Noirs n’avaient pas le droit de se rassembler entre eux (…) ça critique l’idée qu’on se fait du regard que l’on a sur une communauté … et la façon qu’elle a de se regarder elle-même. » Oui mais, oui mais, oui mais… insiste Léa et de rappeler ce passage du film « hilarant » où une journaliste, persuadée de n’appartenir qu’à elle-même selon l’idéologie libérale que Léa Salamé approuve visiblement de tout son être, ne supporte pas qu’on la qualifie de journaliste noire tandis qu’elle serait une journaliste tout court. Si la scène a retenu l’attention de Léa Salamé, c’est sans doute parce que cette dernière lui parle personnellement, l’ayant vécu dans sa propre chair, elle qui s’est déjà émue publiquement qu’on la « réduise » à ses origines libanaises. Seulement, Léa Salamé affecte d’oublier que l’assignation identitaire qui « enferme dans une case » les individus noirs ne saurait jamais être le fait d’individus mais des institutions publiques et de la structuration objective d’une société. L’intérêt de cette scène n’émane donc pas d’une critique ignorante de « l’assignation » d’une journaliste noire mais de cette vérité intime qui fait enrager les deux journalistes : si elles vivent comme une offense le fait d’être ramenées à leur couleur de peau ou à leurs origines, c’est qu’en France, il y a des origines respectables qui « enrichissent », et d’autres suspectes qui « essentialisent » et qui « réduisent » les êtres. Vu ainsi, c’est Jean-Pascal Zadi qui se révèle « hilarant » de fausse idiotie en répétant inlassablement l’évidence : « oui mais… tu es noire quand même ».

Cheval de Troie

Ah ? répondrait Léa. Serait-il possible qu’un autre film ait lieu par effraction sous cette satire bon enfant et qui semblait si bien taillée pour soutenir une idéologie libérale et intégrationniste ? Oui, cela est possible, Léa, et il existe même une longue tradition de marronnage silencieux, où il est courant d’introduire au milieu de blagues inoffensives et d’évidences morales des petits chevaux de Troie. Ainsi en est-il de cette fausse bande-annonce que le « traître » fait voir au héros comme étant celle de son prochain film intitulé « Black love ».  On y aperçoit deux hommes noirs boxeurs, virilité toute en muscles et en sueur… tombant amoureux l’un de l’autre. L’exigence d’exemplarité progressiste imposée aux films traitant des masculinités non-blanches ainsi cochée, le traître a dès lors la certitude de tenir entre les mains un succès du box office, voire l’obtention d’« un Oscar ». Ainsi en est-il aussi de la scène avec Mathieu Kassovitz, l’un des rares acteurs blancs du film, qui personnifie à merveille l’obscénité négrophile. Réalisateur exalté, vibrant à l’idée d’Afrique, il aime passionnément les Noirs mais plus qu’eux encore, il aime leur souffrance, qu’il veut voir et qu’il exige de voir pour s’en repaître comme on se repaît de photographies d’esclaves entre la poire et le dessert. Cette esthétisation du corps noir et de ce qu’il charrie comme lot de souffrances et d’oppressions l’excite littéralement. En quête d’un fantasme d’indigène dominé, il révèle que la négrophilie dispute à la négrophobie la même violence, traduite notamment par l’agacement de plus en plus difficilement contenue de Mathieu. Jean-Pascal ne correspond pas à son fantasme, et voilà que ça rend nerveux le petit maître, voilà que ça l’insupporte cet indigène qui se dérobe, qui n’est pas Africain comme il lui semble que doit être un Africain, qui n’a pas les narines assez larges, ni le cœur assez empli d’Afrique. Le procédé est pervers : le Blanc feint d’apprendre au Noir sa dignité pour mieux la réifier et l’humilier.  Le diagnostic est cependant sans appel : le réalisateur est malade de colère car il ne trouve pas l’indigène dont il rêve. Cet indigène n’existe plus. Le casting a l’air d’être laborieux pour lui et son assistante. On sent qu’ils cherchent depuis longtemps. On comprend qu’ils peuvent toujours chercher.

S’ils peuvent toujours chercher, c’est notamment parce qu’il semble désormais relativement possible pour des acteurs et des actrices issus de l’immigration de se dérober au jeu de la honte. Les initiatives en ce sens ont été nombreuses dans le milieu. On se rappellera notamment du discours d’Aissa Maiga à la cérémonie des Césars, appelant ses frères et ses sœurs à ne pas « laisser le cinéma tranquille ». L’actrice Stefi Celma s’en fera l’écho dans le film, refusant à demi-mots la proposition de Fary qui lui vend un scénario grotesque, taillé pour satisfaire tous les clichés racistes sur leur communauté. Tu acceptes de faire cela, toi ? demande-t-elle à Jean-Pascal, dont elle admire pourtant l’idée de marche noire où enfin « on se retrouverait ensemble ». Oui, il accepte cela. La déception et la honte s’échangent un dernier regard avant que l’actrice ne se lève et disparaisse dans la foule. C’est à cette figure de dignité qu’il nous faudra se raccrocher. L’heure du « non, merci » a sonné.

Ce n’est pas grand-chose. C’est même tout petit au regard du mastodonte du cinéma français qui agit comme une machine à broyer les identités. C’est même minuscule, à l’image des huit clampins que la marche de Jean-Pascal aura finalement réussi à faire venir. Pas de quoi se réjouir, même pas de quoi gratter quelque chose comme l’espérait Fary mais on comprend qu’à l’issue de cette tournée pédagogique auprès des siens, quelque chose de nouveau se joue chez Jean-Pascal, et pour ainsi dire, a déjà gagné. C’est la figure paternelle qui viendra en donner la forme et le fond, permettant par sa présence inespérée la jonction générationnelle décisive dans la formation de l’identité noire. Le père vient rendre compte d’une continuité historique qui prend les allures d’une mission collective à laquelle il convient d’être au rendez-vous, en dépit de tout. Même lorsque l’engagement est intéressé, encouragé par des motivations peu avouables, même lorsque la démarche échoue, que les marches ne rassemblent qu’une dizaine de fous, qu’elles semblent inutiles et ringardes, tout cela fait naître un amour qui finit toujours par embellir les êtres qui s’y abandonnent.

Pour son final, TSN choisit de clore sur la traditionnelle scène de réconciliation, si chère au genre. Mais cette réconciliation propose une esthétique originale. Il ne s’agit pas ici de réconcilier des contraires mais de réconcilier les déclinaisons d’une même identité, entre nous et nous-mêmes. Le père, le fils et le traître s’embrassent et se sourient. Plus loin, l’épouse blanche est bien là, présence soutenante et discrète. Elle ne comprend pas tout et l’accepte. La problématique de la mixité du couple est très fugacement posée mais on saisit qu’elle cesse désormais d’en être une dans la tête du héros réconcilié avec lui-même. L’outrance et la bouffonnerie s’arrêteront donc ici. Et la dignité peut enfin commencer.

Louisa Yousfi , membre du PIR

Notes

  1. Tout simplement noir de Jean-Pascal Zady : la critique la plus drôle et acide du communautarisme
  2. Le réalisateur Jean-Pascal Zadi : « Il y a autant d’identités noires en France que de Noirs »
  3. «  À mesure que les contre-offensives se déploient, les indigènes de toute profession – c’est sans doute une nouveauté,  particulièrement visible au sein des journalistes, avocats, professeurs, chercheurs – ont moins peur, se sentent moins seuls, plus forts et plus armés pour refuser le jeu de la honte. Ils parviennent à résister à leur intégration. Ils protestent face à tous ces mécanismes multiples par lesquels on les faisait, sinon participer, du moins consentir à leur propre humiliation en humiliant les leurs.(…) C’est un processus sain, voué à progresser. Une conscience décoloniale se fait jour et s’affirme. Il devient de plus en plus insupportable de trahir, chacun le sent bien, et c’est tant mieux. », L’indigène monstrueux
  4. Fary : «La France n’est foncièrement pas antiraciste»
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