Intervention d’Ahlem pour le PIR lors du meeting de solidarité avec tous ceux qui font face à la répression pour s’être mobilisés contre le génocide en Palestine, le 18 octobre 2024 à la Bourse du Travail d’Aubervilliers.
Nous sommes ici pour réaffirmer notre soutien indéfectible à tous les réprimés de la cause palestinienne, qu’ils soient dans l’ombre, ou qui font de l’offensive politico-judiciaire une tribune politique. À l’instar de notre frère Élias d’Imzalène qui subit la répression de l’État français de longue date, non seulement du fait de son engagement pour la Palestine mais aussi du fait de sa lutte contre l’islamophobie. Nous saluons également le courage d’autres figures publiques, parmi lesquelles Abdourahmane Ridouane actuellement en centre de rétention administratif depuis fin août, l’imam Ismail de la mosquée des Bleuets de Marseille, Yannis Arab, Ritchy Thibault, Bouna Chems Eddine Mbaye de la Brigade panafricaine pour la Palestine ainsi que nos sœurs Imane Maarifi, Amira de Nice toujours en détention provisoire en attente de son procès. Nous savons le coût matériel, moral et physique d’une telle répression tout azimut.
C’est à double titre que nous sommes réunis ici dans la Bourse du travail d’Aubervilliers. D’abord unir nos forces pour faire face à la répression. Ensuite, poursuivre la lutte collective en vue de la libération de la Palestine, qui suppose de combattre résolument et conjointement l’islamophobie et la colonialité de la solidarité dont l’effet majeur est d’affaiblir le camp de la libération des peuples en France et dans tout l’occident.
La répression qui s’abat actuellement n’est pas un coup d’éclair dans un ciel serein mais est une constante historique des luttes en solidarité avec la Palestine. Pour ne parler que de la dernière séquence, les membres d’Urgence Palestine et d’autres militants pro-palestiniens ont subi des menaces, des tentatives d’intimidations. Doit-on rappeler que les premiers rassemblements et manifestations ont été systématiquement interdits par le ministère de l’intérieur, conduisant à une pluie d’arrestations et d’amendes si onéreuses. Cette répression n’a pas entamé la détermination, qui a même réussi à faire reculer l’autoritarisme du gouvernement français. Et nous a rappelé celle à l’oeuvre il y a dix ans à Barbès lors de l’interdiction du rassemblement en soutien, déjà à Gaza, bombardée par l’entité sioniste, qui n’avait pas réussi à intimider les manifestants : indigènes et militants de l’immigration et de la gauche radicale.
Si la répression n’est pas inédite, elle est tout de même d’une bien plus grande intensité car exercée par un État complice de génocide. En France, comme partout dans le monde, elle est le corollaire implacable de l’accélération en cours du génocide et de la guerre coloniale qui se déploient plus gravement depuis quelques semaines contre nos sœurs et frères libanais .
Arrestations arbitraires, enquêtes injustifiées, tentatives d’intimidations, procédures baillons, la diffamation : voici les outils visant à épuiser les activistes de la cause palestinienne, qu’ils soient des personnalités publiques, des manifestants, des étudiants. On ne doit pas hésiter à parler de « modalités contre-insurrectionnelles » usant et abusant de l’arsenal juridique de l’antiterrorisme. Le délit « d’apologie du terrorisme » et la loi séparatisme ont étendu le champ d’action du pouvoir blanc en élargissant toujours plus le spectre de ses cibles. Une parole d’un enfant musulman de 8 ans peut faire l’objet d’un signalement et l’envoyer en garde à vue. Ces lois perverses peuvent envoyer en prison un enfant ou une personne qui tague en soutien à la Palestine.
Bien qu’à l’avant-garde de la répression, la France n’est pas un cas isolé en occident. On peut citer le cas de l’Allemagne. De nombreuses manifestations ont été réprimées par la police, des perquisitions à grande échelle ont eu lieu et ont ciblé notamment nos frères et sœurs de Samidoun que l’État canadien compte classer organisation terroriste, honte à lui. La répression forme une totalité en occident qui va de pair avec la guerre et le génocide car les États impérialistes qui le composent s’identifient à l’anxiété ontologique du régime colonial israélien.
Du côté des États arabes collaborateurs et représentants de la contre-révolution coloniale internationale, la Jordanie fait reposer les méthodes de la contre-insurrection sur une loi contre la cybercriminalité datant de 2015 qui a été durcie pendant le covid en 2020. Elle a conduit à de nombreuses arrestations de plusieurs milliers de Jordaniens, dont des journalistes et des internautes pour un simple post. Récemment, la journaliste palestinienne-jordanienne Hiba Abu Taha a été condamnée à un an de prison pour ses positions contre la normalisation avec l’entité sioniste. Au Maroc, on peut citer parmi d’autres cas, les 13 membres du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, poursuivis en justice pour avoir organisé une action de boycott contre Carrefour. En effet, dans le Sud global, certains États ont emboîté le pas à Israël en normalisant leurs relations diplomatiques et économiques, à l’encontre du lien indéfectible de leurs peuples au destin de la Palestine. Même si leurs dirigeants se paient de mots contre les massacres en Palestine, ils sont des alliés et complices objectifs du colonialisme israélien. Car ne pas s’attaquer aux structures matérielles ne produit aucun effet et laisse l’État génocidaire israélien libre de poursuivre de manière débridée son expansionnisme, de concert avec les États impérialistes.
La répression est mondiale tant les enjeux qui se nouent dans la guerre de libération de la Palestine contestent radicalement l’ordre impérial, colonial et islamophobe.
Elle s’appuie sur une propagande islamophobe planétaire qui permet de légitimer la poursuite du génocide. En France comme en Palestine, l’islamophobie structure la machine coloniale donc répressive. Nous sommes des milliers à nous retrouver visés, et nos régimes comptent sur des décennies de politiques et de récits racistes pour neutraliser nos solidarités.
Si nous voulons enrayer cette machine, il nous faut être unis malgré nos désaccords. Car le mouvement social majoritaire en France conditionne encore trop souvent son soutien aux militants des luttes de l’immigration, contre l’islamophobie, pour la libération de la Palestine à un répertoire de revendications qui ne s’appliquent souvent qu’aux militants de l’immigration, aux musulmans et tous les militants de la puissance indigène. Mais l’essentiel réside dans notre volonté commune de construire résolument des fronts unis contre ces régimes coloniaux. Construire des fronts avec nos frères et sœurs en Kanaky durement réprimés par l’État colonialiste français, nos et sœurs de Martinique, de Guadeloupe et partout où les peuples se dressent contre le colonialisme et l’impérialisme. Continuer de se mobiliser pour la libération de notre frère Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné depuis 40 ans et dont la prochaine échéance importante est le 26 octobre prochain. Nous mènerons ces luttes pour une justice décoloniale avec détermination et pour exiger les réparations nécessaires pour mettre fin aux colonialismes.
Car la lutte contre la répression ne peut être uniquement défensive, elle doit aussi être à l’offensive contre l’islamophobie d’État et toutes les autres formes de racisme, soutenir activement les mouvements contre l’apartheid global qu’incarnent les luttes des collectifs de sans papiers, poursuivre le mouvement de solidarité avec la libération nationale de la Palestine et de tous les peuples opprimés. Car même s’ils veulent nous faire peur, nous savons très bien que nous sommes leur pire cauchemar. Nous savons qu’ici comme en Palestine et en Kanaky s’affrontent le camp du colonialisme et celui de la libération. Et en France comme en Palestine et partout où les peuples affrontent les régimes coloniaux, nous savons que nous vaincrons.
PIR
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