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Racisme anti-blanc et gestion sociale : entre diversion et intimidation

La thèse de l’existence d’un « racisme anti-blanc » dans la société française se développe dangereusement dans le paysage politique hexagonal. Selon celle-ci, il existerait un racisme des « Noirs », des « Arabes » et même des « musulmans » dont les victimes seraient les « Blancs », les « chrétiens » et les « juifs» Ce « racisme » est posé comme équivalent aux autres formes du racisme, c’est à dire provenant des même causes, fonctionnant selon les mêmes logiques et ayant les mêmes effets. Jusqu’à présent cantonnée à l’extrême-droite, cette thèse est désormais reprise par la droite (les petits pains au chocolat de Jean-François Copé) mais également par une partie du mouvement antiraciste (comme en témoigne le dernier congrès du MRAP qui reprend cette expression et la revendique) et par des discours à prétention savante analysant ce « racisme » comme forme contemporaine de l’antisémitisme et comme caractéristique des quartiers populaires qui seraient devenus des territoires communautarisés. Enfin récemment, le juge d’instruction m’a confirmé ma mise en examen ainsi que celle de Saïdou de ZEP pour « racisme anti-blanc » suite à une plainte de l’AGRIF , mise en examen qui fait suite au procès intenté par la même AGRIF à Houria Bouteldja . Pour saisir les enjeux de ce nouveau discours idéologique, il convient de le resituer dans son contexte pour en saisir la fonction sociale et dans les épisodes du passé qui ont été marqués par la mise en avant de la thèse du racisme anti-blanc pour en comprendre la signification politique.

Prendre en compte le contexte global

La thèse du racisme anti-blanc est, selon nous, le fruit de plusieurs décennies de construction sociale, politique et médiatique de l’Islam et des musulmans comme religion et population dangereuses pour la République, l’identité nationale, la laïcité, l’émancipation féminine, etc. Antérieure aux attentats du 11-Septembre cette construction d’un « ennemi de l’intérieur », s’est accélérée après ce drame du fait de sa consolidation par une double opération : une théorisation d’une part dans la théorie états-unienne du « choc des civilisations » et une importation/francisation par Nicholas Sarkozy. Force est également de constater une aggravation de la situation depuis quelques semaines. Il suffit de parcourir les journaux de ces derniers mois pour comprendre et mesurer la dégradation qualitative de la situation en France sur les questions relatives à l’islam. On peut rappeler quelques faits que vous connaissez tous, mais qui, mis bout à bout, nous indiquent que l’on a à faire non pas à des éléments de détail ou à des manipulations de quelques groupes d’extrême droite. Des animateurs, parce qu’ils faisaient ramadan, ont été considérés comme mettant en danger les jeunes qu’ils encadraient et mis à pied. Rappelons le couplet sur les pains au chocolat que les enfants musulmans voleraient à leurs copains dans la cour durant le ramadan, n’oublions pas non plus les déclarations de Caroline Fourest qui, pour lutter contre le terrorisme, propose d’interdire la circulation des livres religieux, pour éviter tout prosélytisme dans les prisons, proposition qui cible plus directement les imams et le Coran et qui amalgame de fait Coran et terrorisme…Auparavant avait été avancée l’idée qu’une nounou qui porte un voile transmettrait des idées dangereuses aux enfants. Enfin les manifs contre les caricatures ont été interdites sans qu’il y ait eu à l’inverse d’interdiction des manifs des groupes fascistes. Les procès actuels contre Houria, Saidou et moi-même ne sont que le résultat d’un processus enclenché depuis bien longtemps.
Tous ces faits se déroulent dans un contexte mondial caractérisé par une crise structurelle de grande envergure. Il faut remonter aux années vingt pour connaître une pareille situation et tous les analystes, et les premiers concernés -ceux qui font la loi aujourd’hui dans le monde, les fameux marchés- nous indiquent une régression sociale et économique sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale. Et pour maintenir leurs profits, ils doivent imposer une régression sociale inédite. La crise de la dite dette souveraine annonce une austérité ou une rigueur qu’il va falloir également faire passer auprès des citoyens.
Le contexte mondial est également celui de la multiplication des guerres d’ingérence. Il suffit de regarder vers la Syrie, -auparavant vers l’Irak ou l’Afghanistan-, demain vers l’Iran, pour comprendre que, si on les laisse faire, la lutte acharnée pour le repartage du monde dans laquelle chacun des impérialismes déploie des stratégies isolées ou coalisées pour redéfinir la carte du monde ne fera que se développer de façon plus féroce. A l’intérieur de toutes ces stratégies, celle des Etats-Unis vise à redessiner entièrement la carte du Moyen-Orient, c’est-à-dire à redessiner les modalités de contrôle et de maîtrise sur les ressources stratégiques que représentent encore le pétrole et le gaz. Pour atteindre leurs buts, des guerres sont nécessaires, des régimes sont à faire chuter, des amis sont à promouvoir et à mettre à la tête des Etats qu’on aura fait éclater. Devant la volonté des puissances impérialistes de redessiner la carte du monde à leur profit, il existe des résistances objectives, des résistances qu’il leur faut abattre coûte que coûte, que ce soit en Amérique latine, en Iran, en Irak …et ce indépendamment de l’analyse et du jugement que l’on peut avoir sur les chefs d’Etat de ces pays.

Dans ce contexte général, un besoin idéologique pressant se manifeste : pour les impérialistes, arriver à leurs fins ne peut se faire que s’ils arrivent à construire une peur, une peur comme ciment d’une unification nationale. C’est particulièrement le cas de la France, dont l’impérialisme est en régression. Aujourd’hui, impérialisme de seconde zone, il veut reconquérir de manière agressive sa place, et pour cela il a besoin d’unificateur. Ce besoin est essentiel, et s’il n’arrivait pas à l’imposer, les clivages d’intérêts s’exprimeraient alors sur le devant de la scène et on retrouverait ainsi de vrais débats, ceux qui portent d’une part sur les classes sociales, d’autre part sur le racisme systémique et structurel et enfin sur la question du sexisme et de l’inégalité entre hommes et femmes. Pour éviter ces débats, le moyen le plus efficace est de les transposer ailleurs en ayant recours à la fabrication d’un unificateur national.

Cet unificateur national a nécessairement besoin d’une figure. Il faut donc produire une figure de la peur dans un monde où les figures utilisées par le passé n’existent plus : celle du rouge comme ennemi principal ayant disparu, il faut en produire une autre … Et progressivement depuis maintenant deux décennies, on assiste à la construction d’une figure de la peur qui permet d’unifier pour pouvoir agresser. Unifier ici pour pouvoir agresser là-bas. Et le musulman, c’est cette figure qui a été choisie comme figure de la peur, et cette figure n’a rien d’aléatoire, ne doit rien au hasard. Ceux qui ont cru en la circonstance que l’on avait à faire à une irruption momentanée d’islamophobie, ceux qui ont cru que ce phénomène était localisé dans un espace politique extrêmement minoritaire ont fait une grossière erreur d’analyse.

Le lourd héritage de la colonisation

Pourquoi, me direz-vous, avoir choisi le musulman comme figure de la peur ? Eh bien ! Tout simplement parce qu’il existait, parce qu’il continue d’exister dans les «inconscients collectifs » des héritages qui n’ont jamais été éradiqués, en particulier les héritages de la colonisation qui, ne l’oublions pas, ont façonné une image de l’islam, une image du musulman qui permettaient déjà à l’époque de justifier les conquêtes coloniales. Les « inconscients collectifs » fonctionnent comme les inconscients individuels. Ils ne s’épuisent pas par eux-mêmes sous le seul effet du temps que dans une durée extrêmement longue, bien après que les conditions matérielles qui leur ont donné naissance ont disparu. C’est ce que Marx souligne dans son 18 Brumaire en précisant que « la tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants » . Un tel poids du passé est valable pour les traditions progressistes tout autant que pour les réactionnaires. A plus forte raison ces images issues du passé se maintiennent lorsque les bases matérielles n’ont pas entièrement disparu comme c’est le cas avec le colonialisme qui cède la place sous la pression du combat des peuples au néocolonialisme.

Les héritages d’images du Noir, de l’Arabe et du musulman, issus de la colonisation ne disparaîtront qu’avec un recul de la relation de domination d’une part et l’existence d’un antidote en terme d’éducation antiraciste et anticoloniale d’autre part, ce qui ne fut jamais fait en France où la simple exigence d’une reconnaissance des massacres coloniaux est taxée d’être une demande de repentance. Sans ces deux conditions, ces héritages réactionnaires peuvent s’endormir pendant une période et se réveiller à une autre à la faveur d’un événement, de la mise en place d’une manipulation et je maintiens qu’il y a de l’islamophobie dans les inconscients collectifs issus de la colonisation et que cette islamophobie ne pourra disparaître de ces inconscients qu’à partir du moment où on aura traité la question coloniale dans toutes ses dimensions.

Ce n’est donc pas par hasard que déjà à l’époque coloniale, Frantz Fanon aborde la question du racisme anti-blanc. Il situe l’émergence de cette thèse dans une séquence historique précise : celle où les dominés sortent du silence et exigent dans des formes diverses l’égalité. C’est la prise de parole des colonisés ou des Noirs états-uniens qui fait que « assez inattendûment le groupe raciste dénonce l’apparition d’un racisme chez les hommes opprimés » . De manière significative cette analyse du racisme anti-blanc est présente dans un texte insistant sur le caractère systémique du racisme : « Il n’est pas possible d’asservir des hommes sans logiquement les inférioriser de part en part. Et le racisme n’est que l’explication émotionnelle, affective, quelquefois intellectuelle de cette infériorisation » . C’est dire que l’antidote du racisme ne peut pas être la morale ou la tolérance mais l’égalité des droits et des conditions en France comme dans le monde. En incise, je me permettrai de rappeler que le discours sur les hommes opprimés qu’il faudrait défendre est apparu pour une bonne part au moment où les femmes mettaient en avant leurs revendications ! Pour revenir plus directement au sujet, de toute évidence, tant que l’on n’a pas besoin d’avoir recours au racisme anti-blanc, le discours n’apparaît pas. Il y a une sorte de dialectique qui se produit : le racisme anti-blanc apparaît lorsque le silence est brisé, lorsqu’une revendication émerge, lorsque, dans les attitudes quotidiennes ou dans la vie de tous les jours, on se rend compte que le petit Mohamed ou la petite Fatima refusent désormais de prendre la place qui leur était assignée. Et même s’ils n’ont pas la force de pouvoir de transformer la réalité, ils ne se taisent plus. Cette dimension-là est essentielle dans l’émergence de la construction du racisme anti-blanc. Et dans le prolongement, il serait d’ailleurs intéressant de regarder dans les associations qui se disent antiracistes tout en défendant le racisme anti-blanc, si ce n’est pas au moment où elles commencent à avoir des militants issus de l’immigration et des militants qui ne se taisent pas qu’apparaît la notion de racisme anti-blanc.

Ce n’est pas non plus le hasard si le mouvement noir des Etats-Unis en général et Malcom X en particulier ont été taxés de « racistes anti-blancs ». Malcom a répondu à ces accusations : « La presse a délibérément et habilement projeté de moi l’image d’un raciste, d’un suprématiste racial et d’un extrémiste (…). D’abord, je ne suis pas un raciste. Je suis contre toute forme de racisme et de ségrégation, toute forme de discrimination » . Quant aux réactions des Noirs états-uniens qui étaient caractérisées comme violentes ou antiblanches, Malcom rappelle : « Vous essayez de l’enfermer dans un ghetto et d’en faire la victime de toutes sortes de conditions injustes imaginables. Puis, quand il explose, vous voulez qu’il explose poliment ! Vous voulez qu’il explose selon les règles établies par quelqu’un (…). Ça ne veut pas dire que c’est intelligent. Mais qui a déjà entendu parler d’une explosion sociologique faite intelligemment et poliment. » Malcom parle ici des émeutes de New York réactives aux conditions faites aux Noirs états-uniens mais la situation est exactement la même pour les actes individuels utilisant des propos dits « racistes anti-blancs » Malcom distingue ce qui relève de ce qu’il appelle « la structure du pouvoir » c’est à dire le racisme systémique et les discriminations institutionnelles et les réactions individuelles ou collectives à cette oppression qui peuvent ne pas être « intelligentes » et/ou « polies »

Une autre séquence historique d’apparition de la thèse du «anti-racisme blanc » a été le mouvement contre le CPE et la prise de parole spécifique des jeunes prolétaires des quartiers populaires. Le danger d’une convergence entre ces deux segments de la jeunesse a fait émerger le discours sur le racisme anti-blanc. Il en a été de même lors de la grande grève du LKP où la mise en cause des Békés a été assimilée à un racisme anti-blanc. Ces quelques exemples suffisent à souligner que la thèse du racisme anti-blanc émerge dans chaque séquence historique où des dominés refusent de se taire. En France elle est apparue dans la dernière période lorsque les premiers concernés ont commencé à dire non, à refuser leur rôle de dominés, au moment où ils ont commencé à parler là où ils étaient silencieux, ont commencé à revendiquer là où on estimait qu’ils étaient uniquement des réserves de voix. Si le contexte international visibilise une première fonction du racisme anti-blanc (produire un unificateur national masquant les véritables questions économiques et sociales), la prise en compte des moments historiques d’apparition de cette thèse met en exergue une autre fonction : contenir la révolte des dominés en les mettant sur la défensive c’est à dire réimposer le silence sur la domination. Le but du racisme anti-blanc est de rediffuser du silence, de réimposer par la peur et par l’injonction le retour au silence des personnes qui ont pris la parole. Il s’agit, en fait, d’isoler les révoltes et les futures revendications. C’est une formidable machine pour faire pression demain sur tout mouvement contestataire qui partirait des populations issues de l’immigration. Ainsi, une révolte dans les quartiers ne sera plus analysée comme étant le résultat de l’oppression vécue mais comme étant le résultat d’une crise identitaire conduisant au racisme anti-blanc. Demain, une grève dans une entreprise employant une majorité de salariés d’apparence musulmane – aujourd’hui, on a des « musulmans d’apparence » – pourra être analysée comme une menée antinationale voire anti-blanche. Ce fut déjà le cas dans le passé avec Mauroy.

La thèse du Racisme anti-blanc

Dans l’article de Fanon cité ci-dessus, l’auteur insiste sur la véritable nature du racisme qui empêche toute comparaison avec le fameux « racisme anti-blanc ». Le racisme est pour l’auteur une production et une nécessité du système colonial. Il est consubstantiel à la colonisation. Il en est de même aujourd’hui : La thèse du racisme anti-blanc émerge pour masquer le racisme réel qui est un racisme systémique, institutionnel, étatique, porté par le système social. Et c’est pour masquer cette dimension-là qui remet en cause l’ensemble du système social qu’on a fait émerger le racisme anti-blanc. Affirmer l’existence d’un racisme anti-blanc aujourd‘hui c’est faire une analogie entre deux réalités qui ne sont pas du tout comparables : d’un côté des faits individuels et isolés -on peut trouver dans nos quartiers un Mohamed qui, écoeuré, va traiter quelqu’un de « sale Blanc » -, de l’autre, des faits systémiques massifs, inscrits dans le fonctionnement du marché du travail, dans les lois de la République – qu’est-il de plus systémique que d’avoir des emplois réservés aux nationaux dans la fonction publique ? De pouvoir exercer ou non le droit de vote ? Mettre sur le même plan ces deux phénomènes, l’un ayant une dimension individuelle, l’autre une dimension systémique, c’est amener les personnes à se déterminer et à juger à partir d’une toute petite expérience : « Oui, j’ai entendu Mohamed insulter un Blanc ! » et non pas à partir d’une compréhension politique de l’état dans lequel se trouve notre société. Le fait qu’une association antiraciste, que de soi-disant intellectuels ou chercheurs participent à la diffusion de cette analogie-là est particulièrement grave. Cela veut dire que le venin est plus largement répandu qu’on ne veut l’admettre et qu’il agit au-delà des cercles auxquels on pense d’ordinaire.

Il ne s’agit pas ici de nier la réalité. Oui il y a une dégradation des rapports sociaux dans les quartiers populaires sous le coup de la paupérisation et de la précarisation pour tous, auxquelles s’ajoute, lorsqu’on est issu de l’immigration, la discrimination raciste systémique. Bien sur une des formes de cette dégradation est l’existence d’insultes comme « Gaulois », « sale Français », « sale Blanc », etc. Mais peut-on dès lors en conclure à l’existence d’un racisme anti-blanc ? Le faire serait oublier que le racisme en tant qu’idéologie est toujours le reflet d’une base matérielle de domination. Autrement dit le racisme s’exerce sur des « minorités » afin de justifier les dominations qui les touchent. Bien sûr lorsque nous parlons de minorité c’est au regard du rapport au pouvoir de décision économique, politique, médiatique, etc., et non seulement d’un point de vue quantitatif. Où est donc en France le pouvoir des « Noirs », des « Arabes », des « musulmans » ? Quelle est la domination qu’ils auraient à légitimer ?

Autrement dit le racisme est un système qui a une direction : du dominant vers le dominé, du porteur de pouvoir vers l’exclu du pouvoir, etc. Bien entendu comme dans toutes les dominations les effets boomerang se développent ; Certains de ces effets sont politiques et se traduisent en action pour abattre le système de domination et d’autres sont individuelles et réactives et se contentent d’inverser l’ordre de péjoration. C’est ce que Malcom X veut dire lorsqu’il parle ci-dessus de « non-intelligence ». En fait ces réactions individuelles se meuvent dans le discours racialisé produit par le racisme systémique en se contentant d’en inverser l’ordre. Elles sont d’ailleurs pour cette raison incapables de transformer la réalité qui continue, elle, à être marquée par le racisme systémique, institutionnel, étatique. La confusion entre ces effets boomerang et leurs causes réelles, c’est à dire le racisme systémique, est un non-sens conduisant à éluder la base matérielle des idéologies et donc à dépolitiser la question pour la faire basculer dans le champ abstrait de la morale. L’inflation de signification que connaît le terme « racisme » témoigne de cette dépolitisation : des leaders de droite parlent de « racisme anti-riche ».

Ainsi donc, on est face à un phénomène qui permet d’invalider la partie de notre société qui subit l’oppression la plus forte et qui, par voie de conséquence, peut donner naissance à des irruptions de révoltes, de revendications, de luttes, que l’on pourra dès lors invalider. C’est tout le sens de la répression et des plaintes qui arrivent et qui ciblent les éléments les plus engagés dans les prises de conscience et les luttes. Ce faisant, je ne dis pas que l’on a donné à l’AGRIF l’ordre de porter plainte. Il n’y a pas besoin de cela. Les discours gouvernementaux font simplement passer le message que l’on autorise désormais à aller plus loin et de petits groupes peuvent dès lors agir parce que de fait il y a autorisation.

Des enseignements à tirer des événements récents

A cet égard, et même si ce n’est pas directement lié, j’attire l’attention sur le peu de réaction que nous avons eu collectivement sur ce qui s’est passé à Marseille avec les Roms. Alors que c’est bien à un début de pogrom que l’on a assisté. Les médias ont mis en avant des mères de famille maghrébines pour montrer que les Maghrébins eux-mêmes sont contre les Roms. Ce faisant, on est en train de nous habituer à ce qu’il n’y ait plus besoin d’argumenter ou d’expliquer les motifs des répressions. A partir du moment où elles concernent certaines populations, l’explication est toute donnée, l’excuse est toute trouvée. En définitive, on nous habitue à une banalisation de la loi d’exception, du traitement d’exception. Et pareillement pour ce qui concerne Mohamed ou Fatima, on pourra en faire autant parce que, dans leur cas à eux, sans aucun doute, on estimera que derrière, il y a de l’islamisme. Et puis ces attaques ont pour but de nous tester, de savoir si nous sommes capables de réagir, de construire des ripostes. Alors que le stratagème qui se met en place semble réussir, nos réactions ne sont pas à la hauteur des attaques.

Enfin pour terminer, j’ajouterai quatre éléments qu’il me semble important de tirer de ce contexte général en termes de conséquences.

Tout d’abord, on ne doit pas se contenter de se défendre, le pire est que nous soyons sans cesse à attendre les attaques avant de pouvoir réagir.
Secundo, se trouve posée la question de passer à l’offensive tout en prenant en compte les propres limites de nos quartiers et de nos organisations qui restent éparpillées, ancrées dans des sphères locales, incapables d’unification même ponctuelle au moment même où il y aurait besoin de stratégies collectives.
En troisième lieu, nous ne devons pas nous limiter au juridique, même si l’on doit investir cette sphère, parce que le juridique nous cantonne à la défensive. La véritable question est bien de savoir comment nous serons capables de répondre politiquement.

Dernier point, en guise de conclusion, s’organiser, s’organiser, s’organiser. Loin d’être un leit-motiv, cela reste une impérieuse nécessité

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