Nous sommes depuis longtemps habitués aux amalgames, procès d’intentions et affirmations calomnieuses qui sont la marque de fabrique de Caroline Fourest. Elle va encore un peu plus loin dans ce papier et emploie des méthodes qui déshonorent le débat intellectuel. Ceux qui la défendent pour ses idées, devraient s’interroger sur ses méthodes. Dans son raisonnement binaire habituel, Fourest oppose « l’islam laïc » à « l’islam intégriste », elle déclare que contrairement au christianisme et au judaïsme, l’islam ne peut prétendre à être orthodoxe ou traditionaliste, mais qu’il ne peut être que fondamentaliste.
« Le drame de Toulouse » qu’elle cite à 4 reprises dans son article (en ne parlant jamais des crimes de Montauban commis par le même homme) ne nous a en effet pas empêché d’aller a ce rassemblement tout simplement parce que nous estimons qu’il n y a aucun lien entre cette tuerie et l’UOIF. Décliner l’invitation que nous avions acceptée, aurait signifié que nous faisons un amalgame entre ce rassemblement de musulmans et ce drame, ce que nous refusons de faire.
Nous ne sommes en rien des « compagnons de route » de l’UOIF. Nous refusons simplement de diaboliser cette organisation. Nous avons été invités à y prendre la parole en toute liberté, sachant que nous ne partageons pas sa foi. C’est un geste d’ouverture.
Nous sommes convaincus que si des propos sexistes, antisémites ou homophobes y avaient été tenus, la presse s’en serait fait un large écho et que les services du ministère de l’Intérieur, sans aucun doute présents, les auraient signalés.
Le problème est que Caroline Fourest participe à une opération de stigmatisation des musulmans, créant de façon inadmissible un lien entre les tueries de Toulouse (auxquelles il faut ajouter celles de Montauban) et la RAMF. Pourquoi, elle qui se présente comme une ennemie de Marine Le Pen partage-t-elle les amalgames de cette dernière ?
Nous ne partageons nombre d’opinions de l’UOIF, mais nous ne voyons pas pourquoi nous devrions la boycotter. On ne peut à la fois plaider pour l’intégration et pratiquer la stigmatisation. Ajoutons que les déclarations de Madame Fourest démontrent une méconnaissance – volontaire ou involontaire ! – d’une organisation dont la multiplicité des courants ne saurait être réduite à un bloc monolithique. Une telle exclusion serait donc une humiliation publique pour les milliers de musulmans de tous horizons qui se sentent déjà la cible de préjugés de la part de la majorité de la population européenne. Nous vivons une époque où nous croyons qu’il faut prendre ses responsabilités, sereinement, franchement, contre la voix de l’audimat, contre les dividendes reçues à court terme par une opinion aveuglée par la crise économique et sociale que traverse notre pays. En faisant le choix facile du populisme et de la stigmatisation, au nom de grandes idées abstraites détournées de leurs buts concrets, il nous semble que Madame Fourest se joint au nombre malheureusement croissant des politiques d’extrême droite et d’ailleurs, qui sacrifient sans vergogne la troisième grande valeur républicaine, la fraternité, au profit d’un gain d’image immédiat. Une telle attitude nous paraît irresponsable.
Pour cela aussi, nous nous refusons fermement à participer à une stratégie d’isolement des musulmans sur fond d’amalgames contraires à nos principes de vouloir vivre ensemble. Et nous continuerons – blasphème ! – à aller dialoguer avec qui bon nous semble sans en demander la permission à Madame Fourest.
Jean Baubérot, Pascal Boniface et Raphaël Liogier
SOURCE : affaires stratégiques