Décès

Oraison funèbre prononcée à l’occasion de l’inhumation de l’éthique journalistique du « Monde »

Jeudi dernier, le 10 août, une procession funèbre a été organisée par le Mouvement des indigènes de la république et le Collectif des musulmans de France, entre la place d’Italie et le siège du journal « Le Monde »,pour accompagner l’éthique journalistique de ce quotidien en sa dernière demeure. Cette initiative a été soutenue par VETO-Garges Sarcelles, CAPJPO-EuroPalestine, Voix libre,International Solidarity Movement (France). Nous donnons, ici, outre quelques photos prises par l’indigène Hsissou, le texte intégral – amputé, certes, d’une infinités de digressions et autres improvisations – de l’oraison prononcée par cet autre indigène dénommé Youssef Boussoumah.

Requiem pour un canard

En ce funeste jour nous avons la douleur mais également le devoir , nous, Indigènes de cette République de déclarer mort un quotidien qui a porté pendant si longtemps les espoirs de la profession en même temps qu’il a étanché la soif d’information de générations de citoyens.

Sans doute ce corps rabougri est-il encore animé des quelques soubresauts que lui impriment les stimuli de reporters zélés sur le terrain. Mais rallions nous à cette évidence : soumis à un examen approfondi, l’électroencéphalogramme du cerveau du Monde présente un paysage d’une désolante platitude.

C’est pourquoi par souci d’abréger les souffrances de ce grand corps malade et devant l’inquiétante apathie générale, il nous incombait de pratiquer une euthanasie tant charitable qu’indispensable. En effet, peu de gens s’en étaient rendu compte, mais depuis longtemps, le Monde, celui d’Hubert Beuve-Mery puis d’André Fontaine, celui qui, prenant la succession du journal Le Temps en 1944, paraissait voué à l’éternité, n’est plus.

Soyons justes, déjà, depuis longtemps, il présentait les signes persistant d’un dysfonctionnement général. En effet, bien avant que « le Monde n’étant pas allé à Lagardère, Lagardère était allé au Monde », celui-ci, avait tendance à confondre information et propagande.

Souvenons-nous que ce quotidien, jadis contre-pouvoir, était devenu progressivement ami des pouvoirs.

Rappelons-nous cette flagornerie qu’il affichait volontiers à l’égard des puissants dès les années 80. N’était-il pas apparu alors comme le porte-parole du parti socialiste, avant de devenir en 94, le journal de campagne de Balladur pour, à nouveau, redevenir porte-drapeau de Lionel Jospin en 2002 ?

Comment expliquer cette chape de plomb que le journal avait posée sur la complicité de la France dans le génocide rwandais ? Cette mansuétude sur les agissements de « Papa m’a dit », le fils de Tonton, en Françafrique ou plus près de nous sur l’affaire de Côte d’Ivoire ?

Dans le conflit colonial en Palestine, que dire de la persistance avec laquelle le Monde en dépit des réalités continuait à présenter Sharon comme un homme politique responsable, banalisant la terrible répression de l’Intifada alors qu’au même moment Arafat était présenté au mieux comme un doux naïf, au pire comme un indécrottable tireur de ficelles du « terrorisme islamiste » ?

La direction du journal n’avait-elle pas cédé aux injonctions des amis du gouvernement israélien lorsqu’elle avait décidé de « muter » purement et simplement Patrice Claude, son correspondant, loin de la scène Palestinienne, prétextant qu’il s’agissait là d’une doléance de celui-ci ?

Comment ne pas se remémorer la fameuse fausse affaire du RER D, l’été 2004, au cours de laquelle le journal avait sacrifié au journalisme de meute ?

Nous concernant directement, la direction du Monde n’a-t-elle pas menti à notre propos, Indigènes de la République, affirmant en première page de l’édition du 21 février 2005 que notre pétition avait été lancée entre autres par « des militants pro-palestiniens extrémistes » .

Pour finir, il nous faut tout simplement convenir, avec Khalifa Chater, que « le Monde, ce grand journal de référence dont on louait jadis l’ouverture et l’universalisme, ne réussit pas toujours à dépasser l’européocentrisme, jugeant le monde à travers les ornières du politiquement correct occidental ».

Les ayant droit légitimes et la famille ne nous ayant pas informés, nous ne pouvons dire s’ils souhaitent faire don de cet organe de presse à la science. L’Institut médico-légal, sollicité ayant refusé d’accueillir celui-ci, des voix ont alors suggéré en toute inconscience de le céder au journal Libération. Nous déconseillons vivement cette manipulation de cadavre à cadavre. En effet, cette transplantation, en théorie possible, risquerait de donner naissance à un Frankenstein de papier au comportement des plus imprévisibles. L’état de décomposition de Libération étant beaucoup trop avancé.

En tout état de cause, nous avons étudié, in fine, la possibilité de greffer une équipe de rédaction intègre sur le corps du mourant mais il semble bien, malheureusement que dans cette République finissante, les donneurs compatibles soient beaucoup trop rares.

Ce sont bien un peu de nos illusions sur une information libre, objective et respectueuse du pluralisme que nous enterrons aujourd’hui mais pas notre détermination à poursuivre la lutte.

Youssef Boussoumah

Pour voir les photos prises par un autre photographe de nos amis, cliquer là : Amir-Karma

Une autre série de photos est disponible à l’adresse suivante : Photos

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