Ceci est un passeport de l’Etat palestinien mandataire, datant de 1945. Son propriétaire, un certain Ibrahim Husein, savait il en ce 13 avril 1945, date d’émission du document, que la Palestine unie sous administration britannique serait bientôt détruite et qu’il devrait alors quitter son pays, sans doute pour toujours ? Où est il aujourd’hui ? Nul le sait. Emporté comme des centaines de milliers d’autres par la catastrophe, la Nakba, de 1948.
Cette pièce d’identité a été émise quasiment 3 ans, jour pour jour, avant que la Palestine unie sous administration britannique, le fameux mandat, ne disparaisse. Elle est rédigé dans les trois langues officielles de l’Etat, Anglais, Arabe, Hébreux. L’Etat qui l’a délivrée était doté d’une monnaie, de timbres, d’une police, d’équipes de sport, locales et nationales, dont une de football qui participa même à la coupe du monde dans l’Entre-deux guerres, d’une compagnie nationale de chemins de fer, d’une autre de postes et communications, d’une compagnie nationale d’électricité, d’un théâtre national, de lycées, d’écoles professionnelles etc. Bref, doté de tous les attributs d’un Etat, sauf les forces armées. Il était parfaitement reconnu en droit international. On ne dit jamais assez que pour se créer, Israël a dû d’abord détruire, militairement cette Palestine historique pour que l’ONU n’ait pas à le faire juridiquement, ce qui aurait été une forfaiture, étant donné que la charte de l’organisation internationale ne lui accorde ni le droit de faire, ni celui de défaire un Etat sans l’approbation de sa population.
Cette mise à mort de la Palestine s’est donc faite avec la complicité de ladite communauté internationale. Elle a pour cela violé ses propres règlements. En effet, même si les Britanniques désiraient, comme ils l’avaient annoncé, abandonner leur responsabilités sur la Palestine, le 15 mai 1948, selon les termes du mandat, un référendum d’autodétermination aurait dû d’abord sonder l’avis des populations. Comme ce référendum aurait, à coup sûr, fait triompher la proposition arabe d’une Palestine unitaire, l’ONU a refusé de l’organiser. Elle a pudiquement détourné le regard en laissant le mouvement sioniste, loin du siège de l’organisation à New York, régler le problème palestinien sur le terrain, à sa manière, par des massacres, suivis de l’expulsion des populations arabes. Et ce, dès le mois d’avril 1948, donc avant le 15 mai, date de naissance de l’Etat sioniste après laquelle les Etats arabes feront mine d’intervenir pour ramener les réfugiés à la maison. Ce qui évidemment sera vain. En tout état de cause, quel que soit le temps écoulé depuis la réalisation d’un forfait, celui ci n’en est pas pour autant légalisé. Les Palestiniens étaient et demeurent, aujourd’hui, parfaitement fondés, historiquement mais aussi juridiquement à refuser la création d’un Etat, Israël, si celle ci implique leur propre destruction en tant que peuple.
Youssef Boussoumah, membre du Mouvement des Indigènes de la République