Polémique

Michel Collon répond à Alain Soral

A la suite d’une intervention vidéo d’Alain Soral dénonçant le « boycott » de son livre par des militants belges, Michel Collon, mis également en cause, livre une première analyse critique de la démarche et des méthodes du leader d’extrême-droite. Une réserve toutefois, qualifier, même de manière critique, Soral de « militant antisioniste » est un abus de langage.

Concernant le boycott de Comprendre l’Empire, Alain Soral base son accusation sur un ouï-dire : un libraire belge aurait décidé de ne pas vendre l’ouvrage sur les conseils de Michel Collon. Ce dernier a tout au plus, dans une discussion qui a été rapportée à un libraire, donné son avis défavorable sur l’analyse politique de Soral. Rappelons que ni Jean Bricmont ni Michel Collon ne gèrent le catalogue des centaines de librairies francophones de Belgique.

Alain Soral s’indigne ensuite – « faux-cul » dit-il – que son analyse politique ne soit pas critiquée publiquement par Michel Collon. En fait, cela fait déjà un moment qu’Investig’Action projette de dresser la critique de l’idéologie soralienne, mais a toujours manqué de temps. L’égo et/ou la stratégie promotionnelle d’Alain Soral précipitent les choses. Nous y reviendrons.

Certains s’étonneront peut-être que les militants antisionistes se critiquent mutuellement au lieu de se serrer les coudes dans la résistance. Mais nous pensons que l’analyse d’Alain Soral sur Israël et sur l’Empire dessert en réalité les intérêts de la résistance palestinienne et celle des opprimés qu’il prétend défendre.

Comprendre l’Empire ou le servir ?

Dans l’analyse de Soral, la dimension religieuse prend tant de place qu’elle néglige les aspects économiques et politiques qui sont fondamentaux. Sionisme et judaïsme seraient indissociables. Soral tend ainsi aux défenseurs de l’Etat israélien le bâton pour se faire battre. C’est en effet une vieille technique que d’amalgamer la critique du sionisme à l’antisémitisme pour mieux discréditer les opposants de la politique coloniale israélienne. Les Bernard-Henry Levy, Alain Finkielkraut et autres André Glucksmann sont des maîtres en la matière et peuvent remercier chaleureusement Alain Soral. Mais comme le rappelle Tariq Ramadan dans un chapitre d’ Israël, parlons-en !, la critique du sionisme est une critique d’un projet politique, contrairement à l’antisémitisme, qui est une forme de racisme.

Nous ne partageons pas non plus l’analyse d’Alain Soral sur l’impérialisme où pointe encore le déterminisme religieux : mauvais diagnostique donc mauvais remède. En effet, l’impérialisme n’est pas le fruit d’une oligarchie judéo-maçonnique et ne se comprend pas à la lecture de livres religieux tels que l’Ancien Testament ou le Talmud. Alain Soral, si prompt à dénoncer le choc des civilisations islamophobe popularisé par l’administration Bush après le 11 septembre, nous propose une version personnelle où s’affronteraient d’un côté le mondialisme judéo-protestant et de l’autre, une France résistante d’inspiration helléno-chrétienne.

Cette analyse tronquée pousse Alain Soral à réconcilier les musulmans français avec les partisans du Front National pour combattre l’oligarchie judéo-maçonnique qui veut gouverner la planète. Courageux mais pas téméraire, Alain Soral n’appellera pas les musulmans à voter FN tant que Marine Le Pen sera « obligée » de jouer la carte islamophobe pour « monter dans les sondages ». En revanche, le nationalisme français reste le meilleur rempart pour combattre l’ennemi mondialiste, et Jean-Marie Le Pen est « un artiste de talent » !

Chavez, le Che, Lumumba, Nasser et Le Pen, même combat donc ? Quand on n’a rien compris à l’impérialisme, pourquoi pas… Mais dans les faits, le nationalisme défendu par les pays du Sud contre le colonialisme occidental est différent du nationalisme revendiqué dans une puissance impérialiste comme la France. L’artiste de talent censé nous défendre du mondialisme n’a-t-il pas servi en Indochine ainsi qu’en Algérie où il est accusé d’avoir pratiqué la torture ? Soral voudrait pourtant nous faire croire que les musulmans de France et Jean-Marie Le Pen sont dans la même barque, celle des opprimés. Encore une fois, si on n’a rien compris à l’impérialisme et qu’on fait des obsessions sur les banquiers juifs et franc-maçon, pourquoi pas ? Mais lorsqu’on se base sur une analyse sérieuse de l’impérialisme, on comprend vite que le Front National est du côté de l’oppresseur. Il n’est pas la solution mais fait partie du problème.

Source : http://www.michelcollon.info/Soral-Collon-Bricmont-Investig.html

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