Les sables mouvants géopolitiques qui peuvent sauver Gaza ou la condamner à l’anéantissement total

Les Houthis ont commencé à attaquer des navires sur la mer Rouge afin de faire pression sur Israël pour qu’il mette fin au siège de Gaza. Face au blocage d’une voie maritime mondiale essentielle, les États-Unis ont appelé les États arabes de la région à se joindre à une contre-attaque contre les Houthis. Mouin Rabbani, co-rédacteur en chef du magazine Jadaliyya et commentateur de premier plan des affaires palestiniennes revient dans cet entretien accordé à Analyst News sur ce que cela signifie pour Gaza, Israël et la région dans son ensemble.

Alors que les États-Unis lancent une contre-offensive multinationale contre les Houthis afin de protéger la navigation commerciale en mer Rouge, quelle est, selon vous, l’efficacité de la stratégie des Houthis ?

Mouin Rabbani : L’action des Yéménites est d’une importance capitale. Elle a fondamentalement transformé une crise israélo-palestinienne, qui s’est transformée en une crise régionale, en ce qui est maintenant une véritable crise internationale. Voici pourquoi.

Le Yémen se trouve à cheval sur le Bab-el-Mandeb. Le Bab-el-Mandeb est un détroit maritime d’environ 25 kilomètres de large, par lequel doit passer tout navire qui veut aller de l’océan Indien à la Méditerranée en passant par la mer d’Arabie, la mer Rouge et le canal de Suez. En d’autres termes, si vous fermez le Bab-el-Mandeb, vous fermez le canal de Suez. Comme nous l’avons vu il y a quelques années avec l’incident de l’Ever Given, où un porte-conteneurs s’est échoué pour des raisons totalement étrangères à des tensions politiques ou à un conflit armé, environ 10 à 15 % du commerce mondial et 8 millions de barils de pétrole par jour passent par le canal de Suez. Si l’on ferme le Bab-el-Mandeb, on oblige plus de 10 % du commerce mondial à se détourner de cette voie maritime traditionnelle ; il faut désormais contourner le cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud, remonter la côte ouest-africaine, puis passer par l’Atlantique Nord.

Les Yéménites sont montés en puissance. Ils ont d’abord déclaré qu’ils attaqueraient tout navire israélien, ou tout navire ayant un lien de propriété avec les Israéliens, qui chercherait à traverser le Bab-el-Mandeb. Tout navire en provenance ou à destination d’Israël serait également considéré comme une cible. Ils ont déclaré qu’ils maintiendraient cette politique tant qu’Israël maintiendrait son siège et son agression contre la bande de Gaza.

Si vous êtes responsable de la Lloyd’s of London ou d’une autre de ces grandes compagnies d’assurance, ou si vous êtes Maersk ou l’une de ces énormes compagnies maritimes qui contrôlent la majeure partie du transport de conteneurs, vous n’allez pas attendre de voir si les Yéménites vont confondre l’un de vos navires avec un navire israélien. Les taux d’assurance de ces navires ont donc grimpé en flèche, et le transport maritime mondial fonctionne avec des marges très étroites. Les plus grandes compagnies maritimes ont annoncé, l’une après l’autre, qu’elles n’utiliseraient plus cette voie navigable. Elles ont déclaré qu’elles allaient commencer à détourner leurs navires vers l’Atlantique Nord par l’Afrique du Sud.

Par leur menace, les Yéménites ont de fait fermé le canal de Suez. Ils ont complètement déséquilibré les chaînes d’approvisionnement mondiales, qui mettront des mois à s’en remettre. En d’autres termes, ils ont transformé Gaza en une véritable crise internationale. Nous assistons déjà à l’augmentation du prix de l’essence à la pompe et à d’autres évolutions similaires. Le Yémen n’a pas besoin de couler un seul navire pour atteindre ses objectifs. En fait, ils ont déjà atteint leurs objectifs. Ils ont réussi à s’emparer d’un navire et à en endommager quelques autres, mais il ne s’agit pas d’une bataille navale classique où il faut couler la flotte ennemie pour atteindre son objectif.

Comment pensez-vous que les Etats arabes vont répondre à ces appels à une coalition contre les Yéménites ?

MR : Les Etats-Unis ont annoncé cette semaine l’opération « Gardien de la prospérité » – notez le nom. Il s’agit d’une force navale qui est censée maintenir le détroit de Bab-el-Mandeb ouvert. Je pense qu’ils ne pourront le faire qu’en s’engageant militairement avec le Yémen à un moment donné.

Non seulement huit années de guerre intensive menée par deux des armées les plus puissantes de la région, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, à l’aide d’armes américaines de pointe n’ont pas réussi à vaincre les Houthis, mais ces derniers sont sortis considérablement renforcés de ce conflit. Le peuple yéménite, bien sûr, a terriblement souffert. On entend certains commentateurs américains dire : « Les Saoudiens ne savent pas vraiment piloter leurs avions ». Les Saoudiens savent non seulement très bien piloter leurs avions, mais ils les dirigent vers des cibles identifiées pour eux par les services de renseignement américains.

En fait, les Américains ne peuvent pas faire grand-chose au Yémen que les Saoudiens et les Émiratis n’aient déjà fait.

La raison pour laquelle les Saoudiens, les Émiratis et d’autres ont délégué les Bahreïnis pour participer à cette coalition – en gardant à l’esprit que Bahreïn est en fait une colonie occupée par la cinquième flotte américaine – est que pendant la guerre du Yémen, les Houthis ont réussi, pour la première fois de leur histoire, à attaquer et à cibler des sites en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Depuis un an ou deux, nous assistons à une sorte de processus de paix entre l’Arabie saoudite et les Houthis au Yémen. Si l’Arabie saoudite devait participer à cette coalition, tout cela serait réduit à néant. Si des hostilités armées devaient s’ensuivre, les Houthis ne réagiraient pas seulement en faisant de leur mieux pour maintenir le détroit de Bab-el-Mandeb fermé mais en ciblant à nouveau l’Arabie saoudite. Étant donné que la principale motivation de l’Arabie saoudite dans ce processus de paix est de mettre fin à ces attaques, cela explique pourquoi elle n’a pas rejoint la coalition.

Ce n’est pas la première fois que Gaza est bombardée. Quelle est la probabilité que cette fois-ci se transforme en une guerre totale au Moyen-Orient ?

MR : Tout dépend de ce que l’on entend par « guerre totale ». Nous avons évoqué la possibilité d’hostilités armées en mer Rouge entre cette coalition et les Yéménites, qui semblent déterminés à maintenir le Bab-el-Mandeb fermé jusqu’à ce qu’Israël lève le siège de Gaza. Nous sommes donc en présence d’une coalition prête à entrer en guerre avec le Yémen pour qu’Israël puisse maintenir son siège et son agression contre la bande de Gaza.

Il ne s’agit pas pour le Yémen d’essayer d’extorquer le transport maritime mondial pour obtenir un gain monétaire. Les Yéménites ont clairement indiqué que la seule raison pour laquelle ils agissent ainsi est de motiver la communauté internationale à mettre fin au siège et à l’agression d’Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Les États-Unis, leurs alliés européens, la superpuissance maritime des Seychelles et la colonie de Bahreïn avaient donc le choix. Ils pouvaient soit veiller à ce qu’Israël cesse son agression contre la bande de Gaza, auquel cas la situation en mer Rouge et dans le Bab-el-Mandeb redeviendrait ce qu’elle était le 6 octobre, soit donner la priorité à la poursuite du génocide et se préparer à entrer en guerre contre le Yémen pour s’assurer que cela puisse continuer. Et c’est ce qu’ils ont choisi.

Plus généralement, depuis plus de deux mois, nous assistons à une escalade des hostilités entre Israël et le Liban, entre l’armée israélienne et le mouvement Hezbollah. Des milices irakiennes alignées sur l’Iran ont attaqué des bases américaines en Syrie et en Irak. Tous ces événements pourraient potentiellement déboucher sur un conflit régional beaucoup plus vaste, pratiquement à tout moment. Bien qu’il soit juste de dire qu’aucune de ces parties n’est particulièrement intéressée par une telle éruption, cela devient de plus en plus probable chaque jour, plus l’assaut d’Israël contre la bande de Gaza se poursuit.

Beaucoup ont également suggéré que l’objectif sous-jacent d’Israël pourrait être l’accès au pétrole et au gaz, ou le contrôle d’une voie de navigation majeure en construisant une alternative au canal de Suez. Quelle importance accordez-vous à ces théories ?

MR : Je n’y accorde pas beaucoup d’importance. Je me souviens que dans les années 1960 et 1970, les gens essayaient toujours d’expliquer l’engagement des États-Unis au Viêt Nam en termes de ressources et de rôle du Viêt Nam dans le capitalisme mondial. En fait, cela n’avait rien à voir avec les ressources.

La politique actuelle d’Israël à l’égard de la bande de Gaza est cohérente et s’inscrit dans le prolongement de la politique israélienne à l’égard de la bande de Gaza depuis les années 1950 – avant que l’on sache qu’il y avait des ressources dans la bande de Gaza, au large de la côte de Gaza ou, d’ailleurs, dans l’ensemble du bassin méditerranéen oriental. Je ne pense donc pas que les stratèges israéliens accordent beaucoup d’attention à ces questions de pétrole, de gaz ou de voies maritimes depuis le 7 octobre. Si c’est le cas, je pense qu’il s’agit de questions secondaires, tertiaires ou de moindre importance.

Israël possède des réserves de gaz très importantes en Méditerranée orientale. Il refuse déjà aux Palestiniens l’accès au gaz au large de leurs propres eaux territoriales, et il n’a pas vraiment besoin d’en prendre le contrôle. Quant à la voie de navigation, elle fait parler d’elle depuis des décennies. Je ne vois aucune raison particulière de croire qu’elle sera mise en œuvre prochainement.

L’assassinat par les forces de défense israéliennes de trois otages israéliens qui étaient torse nu et brandissaient un drapeau blanc a fait l’objet d’une couverture médiatique frénétique et d’une levée de boucliers. Comment pensez-vous que cela affectera le cours de cette guerre ?

MR : Je pense que l’impact principal sera interne à Israël. Le gouvernement et les dirigeants militaires israéliens ont toujours présenté leur campagne militaire comme essentielle pour récupérer les otages vivants. Cet incident montre que non seulement Israël n’est pas en mesure de récupérer ses captifs vivants, sauf dans le cadre d’un processus de négociation avec les Palestiniens, mais qu’il tue des captifs qui sont, pour des raisons qui restent obscures, libres de leurs ravisseurs.

Les dirigeants israéliens ont multiplié les déclarations selon lesquelles les soldats qui ont tué ces captifs – dans ce qui s’apparente à une exécution sommaire – enfreignaient les règles permanentes et les instructions d’ouverture du feu. En réalité, ils ont agi d’une manière tout à fait conforme aux règles d’engagement, selon lesquelles les soldats israéliens dans la bande de Gaza sont autorisés à tirer sur tout ce qui bouge. C’est pourquoi ces trois personnes ont été tuées.

D’une part, cela va accroître la pression publique et politique sur le gouvernement israélien pour qu’il négocie à nouveau avec le Hamas en vue d’un échange de prisonniers et qu’il accorde une plus grande priorité à cet échange qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Jusqu’à présent, la libération des captifs a été un objectif secondaire pour Israël. Son objectif premier était de détruire la bande de Gaza et de porter un coup sévère au Hamas et aux autres groupes armés.

Deuxièmement, les Palestiniens peuvent être considérés par la communauté internationale comme des êtres humains de valeur égale, mais pour ce qui est de la position des gouvernements occidentaux, l’attitude générale est que les Palestiniens sont des déchets humains sans importance. Ces gouvernements seront beaucoup plus sensibles à la nécessité d’une trêve – au moins temporaire – et de négociations. C’est d’ailleurs ce à quoi nous assistons actuellement avec ces réunions entre les Américains, les Israéliens et les Qataris en Pologne, etc.

Des Israéliens ayant survécu au massacre du kibboutz Be’eri ont rapporté que les forces israéliennes avaient bombardé les maisons de leurs propres citoyens, ce qui laisse supposer que les forces de défense israéliennes ont une fois de plus autorisé la force létale pour empêcher la prise d’otages d’Israéliens. Pensez-vous que la directive Hannibal a joué un rôle dans l’assassinat de ces trois otages israéliens ?

MR : La directive Hannibal autorise l’armée israélienne à tuer du personnel militaire israélien ou des Israéliens en général, lorsqu’il y a une crainte légitime que ces Israéliens soient capturés vivants et utilisés comme moyen de pression pour forcer Israël à procéder à un échange de captifs. La directive Hannibal a été appliquée à plusieurs reprises, notamment dans la ville de Gaza et à Rafah lors de l’assaut israélien de 2014 contre la bande de Gaza. Le 7 octobre, il semble que des hélicoptères de combat israéliens aient tiré sur des groupes de personnes dont ils supposaient qu’ils comprenaient également des citoyens israéliens qui étaient emmenés en captivité dans la bande de Gaza.

En ce qui concerne l’autre incident survenu dans le kibboutz Be’eri, je ne sais pas si la directive Hannibal s’appliquait dans ce cas. Ce que nous avons vu, ce sont des chars israéliens qui ont tiré sur des maisons israéliennes et sur un centre de population israélien. Et comme il y avait des militants palestiniens armés dans ces bâtiments, je pense que ce qui s’est passé ici, c’est qu’Israël a fondamentalement appliqué les lois de la guerre qu’il applique toujours, c’est-à-dire tirer sans discernement – cibler tout ce qui se trouve devant eux sans faire de distinction entre les civils et les combattants, afin d’atteindre ses objectifs militaires. Dans le cas présent, il se trouve qu’ils ont tiré sur des maisons israéliennes situées sur le territoire israélien.

Je pense que la mort de ce trois otages reflète davantage la doctrine de combat standard de l’armée israélienne. Je ne pense pas que l’armée israélienne ait agi dans le but d’empêcher les Israéliens détenus par les Palestiniens d’être transférés dans la bande de Gaza. Ils essayaient plutôt de reconquérir le territoire et de vaincre les groupes du Hamas dans ce centre de population.

Nous savons que des centaines de civils israéliens ont perdu la vie le 7 octobre. Nous savons qu’au moins certains d’entre eux sont morts à la suite d’opérations de combat israéliennes. Mais je ne pense pas que nous soyons en mesure de juger que la plupart, ou même beaucoup d’entre eux, sont morts à cause des actions israéliennes plutôt que des actions palestiniennes. Ces questions doivent encore faire l’objet d’une enquête approfondie et indépendante.

L’État israélien peut-il vaincre le Hamas par cet assaut sur Gaza, comme il prétend vouloir le faire ?

MR : Je ne pense pas que quiconque prenne au sérieux l’objectif déclaré d’Israël d’éradiquer le Hamas en tant que mouvement. Je dirais même que les dirigeants israéliens qui font ces déclarations ne les prennent pas non plus au sérieux. Ils ont peut-être eu cette illusion les 7 et 8 octobre, mais je pense qu’ils ont dépassé ce stade depuis longtemps.

Le Hamas n’est pas un mouvement géographique limité à la bande de Gaza. C’est un mouvement national qui existe partout où il y a des communautés palestiniennes importantes. Ainsi, même si Israël parvient à éradiquer jusqu’au dernier vestige de la bande de Gaza, il n’aura pas atteint son objectif, car le Hamas existe en Cisjordanie, au Liban, en Jordanie et ailleurs.

Depuis plusieurs années, Israël cherche à éliminer des formations armées beaucoup plus petites, beaucoup plus faibles et beaucoup moins organisées en Cisjordanie, sans succès. Il y a peu de raisons de croire qu’il puisse réussir dans la bande de Gaza là où il a échoué en Cisjordanie.

Le Hamas est un mouvement, pas seulement une milice. Ainsi, même en éliminant ses capacités militaires, il ne sera pas possible d’éliminer un mouvement qui a également une présence politique et sociale. Je pense qu’Israël aimerait beaucoup éradiquer le Hamas, au moins dans la bande de Gaza. À défaut, il aimerait éradiquer ses capacités militaires dans la bande de Gaza, ou au moins lui porter un coup mortel ou significatif.

Mais un objectif de guerre tout aussi important, si ce n’est plus, pour Israël est de changer fondamentalement le défi que la bande de Gaza pose à Israël depuis 1948. Ce défi réside dans le fait qu’Israël n’a jamais été à l’aise avec la présence d’une population à ses frontières, dont plus des trois quarts sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés qui ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique en 1948. Dans de nombreux cas, ils vivent à quelques pas de leurs anciennes maisons.

Depuis le début des années 1950, Israël a présenté toute une série de propositions visant à réduire la population de la bande de Gaza, notamment en déplaçant un grand nombre d’entre eux vers la péninsule du Sinaï, la Libye, l’Irak, le Paraguay, etc. Depuis les années 1970 et son traité de paix avec l’Égypte, il a tenté à plusieurs reprises de persuader l’Égypte de prendre en charge la bande de Gaza. L’Égypte a systématiquement rejeté ces propositions.

Le 7 octobre, Israël a vu ce qu’il considérait comme une occasion en or de se débarrasser de la population de Gaza en l’expulsant dans le désert, dans la péninsule du Sinaï. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a accueilli cette proposition avec enthousiasme ; lors de son premier voyage dans la région, il a cherché à la vendre aux États arabes en supposant, à tort, que les gouvernements arabes pro-occidentaux adopteraient une attitude du type « Comment pouvons-nous vous aider à aider nos amis israéliens ?  » À son grand choc et à sa grande surprise – ce qui montre, je pense, qu’en ce qui concerne le Moyen-Orient, Blinken a démontré à maintes reprises qu’il était une tête de linotte – la proposition a été vigoureusement rejetée par les gouvernements arabes les plus pro-occidentaux, en particulier par l’Égypte et la Jordanie.

Je pense donc qu’Israël cherche à présent à rendre la bande de Gaza impropre à l’habitation humaine. S’il n’y a pas de déplacement forcé, il y a déplacement parce que (a) les conditions deviennent insupportables et que les gens ne reculent devant rien pour partir, et parce que (b) s’ils restent, ils mourront.

Certains gouvernements occidentaux ont commencé à réclamer un cessez-le-feu. M. Biden a également déclaré que les « bombardements aveugles » d’Israël étaient de moins en moins soutenus dans le monde, alors qu’il continue à approuver des milliards d’euros d’aide inconditionnelle à Israël. Le vent tourne-t-il au sein des gouvernements occidentaux ou n’est-ce qu’une illusion d’optique ?

MR : Il faut faire la distinction entre l’opinion publique occidentale et la position des gouvernements occidentaux. Il est vrai que certains gouvernements occidentaux expriment de plus en plus de réticences à l’idée d’être des partenaires complices du génocide israélien contre les Palestiniens de la bande de Gaza – je pense à l’Irlande, à la Belgique et à l’Espagne. Nombre de ces gouvernements ont récemment voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un cessez-le-feu humanitaire. Mais les mots ne coûtent pas cher quand on n’a rien à faire.

Nombre de ces gouvernements européens se sont joints aux États-Unis pour veiller à ce qu’Israël puisse poursuivre ses massacres dans la bande de Gaza, sans que le commerce international n’en paie le prix. Ils font parfois du bruit, mais ils fournissent à Israël tous les biens et services dont il a besoin. Ils n’imposent aucune conséquence à Israël pour ses actions. Et ils font de leur mieux pour persécuter l’activisme pro-palestinien ou anti-guerre à l’intérieur de leurs propres frontières.

Certes, M. Biden a fait des remarques déplacées, mais il faut regarder ce que fait la politique américaine, et non ce qu’elle dit. Et il est très clair que les États-Unis ont pris la décision d’apporter à Israël un soutien militaire, politique et diplomatique illimité et sans réserve pour cette guerre – à laquelle les États-Unis s’identifient à un degré que je n’avais jamais vraiment vu auparavant.

Les États-Unis et l’Europe ont des intérêts vitaux au Moyen-Orient et lorsqu’ils sentent que ces intérêts sont en jeu, ils commencent à ajuster leur politique. En 1973, par exemple, il y a eu le boycott pétrolier contre les États-Unis et les Pays-Bas. Puis, en l’espace de quelques années, l’Union européenne a soudainement approuvé le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Si les Yéménites parviennent à interrompre le commerce par le canal de Suez pendant une période prolongée, certains gouvernements pourraient alors décider qu’il est peut-être temps qu’Israël mette fin à son génocide.

Entretien réalisé par Haniya Shah

Ce contenu a été publié dans Actualités, Actus PIR, Archives, Traduction. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.