Nous avons désormais tous vu la vidéo du meurtre d’Eric Garner par la NYPD [police de New York]. Alors que nous tentons toujours de comprendre ce meurtre, voilà que nous recevons la nouvelle de deux nouveaux meurtres d’hommes Noirs non armés par les forces de l’ordre. John Crawford, 22 ans, tué par balle dans un magasin Walmart à Beavercreek, Ohio, alors qu’il tenait un pistolet à air comprimé BB en vente dans le magasin et Michael Brown, 18 ans et non armé, descendu par un policier de Ferguson, dans le Missouri.
J’ai essayé d’éviter de regarder la vidéo de la mort de Garner, jusqu’à ce que cela me soit impossible. J’évitais, car chaque interaction que j’ai eu avec la NYPD en est venue aux mains. Pour beaucoup de personnes de couleur, ceci n’est pas une surprise. La culture de la NYPD autorise la police à faire escalader toute interaction afin d’assurer son contrôle et sa domination physiques.
Cette domination peut prendre différentes formes mais se traduit souvent par le fait d’être « bousculé » par la police. Il n’est pas rare que cette « bousculade » implique la tristement connue clé d’étranglement. Ce geste potentiellement mortel n’est pas nouveau, et fut sous le feu des projecteurs lors du meurtre d’Anthony Baez, et avant cela, celui d’Arthur Miller.
Miller, une figure du quartier populaire de Crown Heights à Brooklyn, fut étranglé à mort par des membres de la NYPD en 1978. Son meurtre initia deux mouvements de terrain, le Black United Front [Front Noir Uni] et le East [Est], qui organisèrent une patrouille civile contre la police locale. Comme forme de résistance, une douzaine de membres de ces organisations se tinrent devant le commissariat du 77ème secteur pendant des semaines, simplement pour dire « Assez! ». L’une des exigences des organisateurs était l’élimination de la pratique de la clé d’étranglement responsable de la mort d’Arthur Miller.
Plus de 40 ans plus tard, la lutte contre les violences policières continue à New York, dans le Missouri, dans l’Ohio, et à travers les États Unis.
Ceux qui n’ont jamais été directement confrontés aux violences policières demandent souvent : mais pourquoi ne pas simplement coopérer? Pourquoi résister? Pourquoi a-t-il couru? Une longue et récente histoire nous dit qu’une interaction avec la police est bien souvent le début d’une série d’expériences déshumanisantes et probablement violentes. Nous ne devrions pas être surpris lorsque des victimes « résistent » non pas à une arrestation, mais à des pratiques policières abusives. Cette résistance peut prendre plusieurs formes. Pour Eric Garner, elle se traduit par une simple affirmation « This stops today » [cela s’arrête aujourd’hui].
Alors même que le meurtre a été filmé, aucune mise en examen de policier n’a eu lieu à ce jour, et nous avons entendu des analyses tirées par les cheveux par l’association des patrouilleurs bénévoles disant qu’il n’est pas mort d’une clé d’étranglement, pour nous faire croire que nous n’avons pas vu ce que nous avons vu.
L’idée que mieux former la NYPD est un remède efficace pour réduire la violence gratuite en général et l’utilisation de la clé d’étranglement en particulier ne fait qu’ajouter l’insulte à l’injure. La formation ne suffit pas, et ne peut être prise au sérieux quand on se souvient qu’il y a à peine 3 ans, tout agent du département d’antiterrorisme de la NYPD devait visionner « Le 3ème Jihad », un film antimusulman assimilant les fidèles musulmans à des extrémistes et terroristes. Telle était leur « formation », semblable à tous les vains efforts pour former et re-former les policiers à travers le pays.
Au lieu de prendre ce sujet à bras le corps comme il le faudrait, des villes comme New York préfèrent obtenir des arrangements financiers plutôt que faire les réformes nécessaires pour éviter les morts et les procès en amont. Le plus grand service de police du pays a en effet déboursé plus d’un milliard de dollars pour les familles de victimes de mort injustifiées, de violences et de fausses accusations.
L’histoire violente de la NYPD ne diffère pas de celle des autres services de police du pays, et sans système pour que la police rende des comptes aux communautés locales, ces meurtres perdureront.
Les méthodes traditionnelles de lutte contre les violences policières doivent être mises à jour. Les ateliers de sensibilisation aux droits sont une nécessité, mais nombreux sont ceux qui en ressortent démoralisés. Ces ateliers détaillent les procédures que les policiers sont censés suivre, mais les jeunes s’entendent malheureusement aussi dire que les infractions à ces règles sont fréquentes, et qu’elles n’offrent pas de réel recours pour y remédier.
Nous ne pouvons pas échapper à la nécessité pour nos communautés de s’organiser.
Alors même que nous discutons sur nos droits et détaillons leur douloureuse contradiction par la réalité, nous devons reconnaître notre devoir de resister par l’organisation.
Cette organisation peut être aussi simple que le développement d’une culture de l’observation de la police. Cela signifie qu’avec appareil photo, téléphone portable ou toute autre appareil, nous devons montrer clairement que nous observons!
Que peut on attendre d’autre d’une population qui subit de manière systématique diverses formes de violences aux mains des forces de l’ordre, pour être tout autant privée de justice derrière? Il y a presque 49 ans jour pour jour, Watts, en Californie, s’est embrasée en réponse à la terreur policière. Alors que l’Amérique se focalise sur la rage qui s’exprime cette semaine à Ferguson et à travers le Missouri, soyez certains qu’à moins que ce schéma de morts par la police ne prenne fin, il ne fait aucun doute que ces mêmes révoltes auront lieu ailleurs. Et si nous sommes inquiet d’une telle éventualité, nous avons la responsabilité de nous assurer que le harcèlement policier, les violences et les morts cessent dans nos communautés.
LUMUMBA AKINWOLE-BANDELE
Traduit de l’anglais par le collectif Stop le contrôle au faciès
Source : The Right to Resist: How Will YOU Fight Police Brutality?
Vous voulez aider le mouvement national contre les crimes policiers et les violences policières qui s’organise à Ferguson aux Etats-Unis ?
Voici la liste de ce que demandent les acteurs sur le terrain, relayée par l’organisation Desis Rising Up and Moving à New York.
– Vous voulez donner de l’argent pour l’action en justice contre le policier qui a tiré sur Mike Brown, plateforme de crowdfunding ici : www.gofundme.com/justiceformikebrown
– Vous voulez aider les actions de terrain : la « Organization for Black Struggle » a besoin de recruter un community organizer, vous pouvez faire un don ici : http://obs-onthemove.org/support-obs/
– Vous voulez soutenir les frais de la campagne « Hands up don’t shoot » (Mains levées, ne tirez pas », c’est à dire les frais de manifestation, frais médicaux, etc. :https://secure.piryx.com/donate/csHnGf5H/Center-for-New-Ideas/HandsUpDontShoot
– Vous êtes : médecin, avocat, community organizer, photographe, activiste utilisant du théâtre, pro de la communication, ou avez d’autres compétences utiles et voulez vous rendre sur place : merci de remplir ce formulaire AVANT de vous rendre sur place afin d’être en contact avec les acteurs locaux :https://docs.google.com/forms/d/1zJzFzU1HCNcQSs_vvDPMHobZptFEF6PYf4HgRGdKm1E/viewform
– Vous ne pouvez pas vous déplacer mais vous voulez agir près de chez vous : vous pouvez toujours participer à des journées d’action locales, aider avec les opérations de réseaux sociaux, participer à des actions coup de poing localement, aider avec vos compétences à distance, merci de vous faire connaître aux associations locales en remplissant ce formulaire :https://docs.google.com/forms/d/1zJzFzU1HCNcQSs_vvDPMHobZptFEF6PYf4HgRGdKm1E/viewform