D’un côté, M. Nétanyahou a, du bout des lèvres, accepté l’idée d’un Etat palestinien totalement démilitarisé, dont l’espace aérien serait contrôlé par Israël, et qui ne comprendrait pas Jérusalem qui demeurerait unifiée et capitale du seul Israël. De plus, l’Etat palestinien devrait reconnaître l’Etat d’Israël comme la nation du peuple juif, oubliant au passage le sort de 1,5 million de Palestiniens, citoyens (de seconde zone) de cet Etat. Toutes ces conditions, M. Nétanayhou les sait inacceptables, d’autant qu’il ne dit rien sur les frontières de ce futur Etat : Israël n’a pas la moindre intention de se retirer sur les frontières du 4 juin 1967 comme le lui enjoignent toutes les résolutions des Nations unies adoptées depuis plus de 40 ans.
Ici, en Afrique du Sud où je séjourne pour quelques jours, l’Etat palestinien envisagé rappelle les bantoustans « indépendants » créés par le régime de l’apartheid, avec une différence que signalent beaucoup de militants qui ont combattu le régime sud-africain dans les années 1970 : à l’époque, le gouvernement blanc tentait de développer les bantoustans, de construire des infrastructures (aéroports, bâtiments majestueux, etc.) pour donner de la crédibilité à leur indépendance ; et jamais ce gouvernement n’a fait bombarder les bantoustans par son aviation…
M. Nétanayahou a affirmé qu’Israël ne construirait pas de nouvelles colonies, mais que celles qui existent devraient pouvoir répondre à la croissance naturelle de la population. Rappelons que les gouvernements israéliens successifs ont toujours menti sur ce sujet, et pas seulement en laissant construire de nouvelles colonies, qualifiées d’illégales, mais qui demeurent. Leur croissance « naturelle » est de trois fois supérieure à celle d’Israël. On compte aujourd’hui 300 000 colons en Cisjordanie et 200 000 à Jérusalem-Est (où les projets se multiplient). Même une annonce officielle du gouvernement israélien qu’il arrêterait toute expansion des colonies ne peut être crédible un instant. Tous les observateurs sur le terrain notent qu’elles sont au coeur d’un système global de sécurité pour Israël, reliées par des routes et des infrastructures qui n’arrêtent pas de se multiplier. Seule la reconnaissance par le gouvernement israélien du caractère illégal de ces colonies et leur nécessaire évacuation pourrait donner une certaine crédibilité à des négociations de paix.
Pour Nétanyahou, les racines du conflit ne sont pas l’occupation, la politique de la colonisation, la discrimination à l’égard des Palestiniens, mais « était et reste le refus de reconnaître le droit du peuple juif à un Etat dans sa patrie historique ». Il s’adresse donc aux pays arabes, leur demandant de normaliser immédiatement leurs relations avec Israël, ce qui aurait comme seul effet d’isoler un peu plus les Palestiniens et de repousser toute paix réelle. Comme l’explique Akiva Eldar dans le quotidien Haaretz (« Netanyahu, Mideast peace and a return to the Axis of Evil », 15 juin) :
« Benyamin Nétanyahu a donné un discours patriarcal, colonialiste, dans la meilleure tradition néoconservatrice. Les Arabes sont les méchants ou au mieux des terroristes peu reconnaissants. Les Juifs, bien sûr, sont les gentils, des gens rationnels qui veulent élever leurs enfants et en prendre soin. En Cisjordanie, dans la colonie d’Itamar, on construit même une crèche… »
Certains dirigeants de la coalition gouvernementale ont reproché au premier ministre d’avoir cédé aux pressions américaines (« Likud members say PM gave in to US pressure », Ynet, 14 juin), ce qui permettra à M. Nétanayhou de prendre prétexte des tensions dans son gouvernement pour freiner toute avancée substantielle.
Les Palestiniens ont, bien évidemment, rejeté les propositions israéliennes et accusé Nétanyahou de saboter les efforts de paix.
Le président Obama a dit qu’elles étaient « un pas en avant », mais un pas en avant vers quoi ?
Et maintenant ? Pendant des mois les protagonistes vont discuter de la signification du gel des colonies, des caractéristiques du futur Etat palestinien – qui n’aura d’Etat que le nom -, de la haine des Arabes et des Palestiniens à l’égard d’Israël. Pendant ce temps, le nombre de colons s’étendra, l’expulsion des Palestiniens de Jérusalem-Est se poursuivra, les 10 000 prisonniers palestiniens resteront en prison… Sans même parler du blocus de Gaza, largement oublié, et qui empêche toute reconstruction et réduit à la misère des centaines de milliers d’habitants…
Alain Gresh
SOURCE : Blog du monde diplomatique