Analyse

La guerre contre Gaza est vouée a l’échec

L’agression criminelle contre la bande de Gaza ne diffère pas des guerres qu’ont subit les pays arabes depuis la seconde guerre mondiale, malgré le fait que les slogans qui ont changé essaient de cacher les vraies raisons et les vrais objectifs de cette guerre.

Tout a commencé en Palestine même. La différence résidait dans le fait que la guerre a commencé de l’intérieur, après que le colonialisme ait implanté une entité coloniale étrangère, à laquelle il a fourni tous les moyens de la puissance et après en avoir dépourvu les Palestiniens et les pays arabes avoisinants.

Malgré cela, les grandes puissances ont fait planer la menace de leur supériorité militaire pour couvrir l’agression qui a abouti à l’instauration de l’Etat sioniste et l’expulsion des deux tiers du peuple palestinien et l’occupation de 78% de sa terre.
La stratégie militaire reposait sur la supériorité écrasante de l’entité sioniste, et de son armée, par rapport à tous les pays arabes et leurs armées. Cette stratégie ne pouvait réussir qu’avec le consensus de toutes les grandes puissances sur ce point et le contrôle des politiques des gouvernements arabes et de leurs volontés. Ou des représailles militaires contre un quelconque Etat qui était hors contrôle, jusqu’à ce qu’il retourne dans les rangs. Ce qui a prolongé la guerre sans pour autant l’achever.

Quant a l’agression militaire actuelle contre Gaza, elle rappelle l’agression tripartite de 1956 contre l’Egypte (note du traducteur : menée par la France, Israël, et la Grande Bretagne après la nationalisation du canal). Et ne diffère pas de la guerre de 1967 contre l’Egypte, la Syrie et la Jordanie, ni de celle contre le Liban en 1982 (et avant elle, celle de 1978 et qui ont, toutes deux, visé l’OLP et le Fatah). Ni de la deuxième guerre du Golfe, la guerre contre l’Afghanistan en 2001. Et plus récemment, la guerre contre le Liban en 2006 qui ciblait le Hezbollah, et finalement la guerre actuelle contre la bande de Gaza.
Toutes ces guerres ont été soit menées soit couvertes politiquement par les Etats Unis. Les positions des grandes puissances étaient partagées entre celles qui se sont contenté de rester silencieuses, celles qui ont franchement collaboré, et celles qui ont timidement protesté. La seule exception à cette règle fut l’intervention soviétique pour arrêter l’agression de 1956, après avoir menacé (NdT: d’utiliser l’arme nucléaire). Bien sur, l’URSS n’aurait jamais mis à exécution cette menace, de même qu’elle n’aurait pas adopté cette attitude sans la résistance du peuple égyptien guidé par Gamal abdel Nasser qui a refusé la capitulation et qui était, au contraire, déterminé à résister.

La victime de l’agression (et la partie la plus faible militairement) était dans l’obligation de résister à son agresseur, avec son sang, sa chaire, sa détermination, et la justesse de sa cause.

De même que l’expérience démontre que quand deux armées régulières s’affrontent la supériorité militaire de l’agresseur lui permet de vaincre dans des délais très brefs. Cependant, quand l’armée de l’agresseur est confrontée au peuple, la guerre dure et il est impossible qu’elle se termine par une victoire nette de l’agresseur.
Il est évident que chaque situation a ses spécificités et son contexte régional et international, ce qui rend difficile toute tentative de proposer un modèle type unique de guerre, mais on peut souligner une caractéristique commune : la capacité d’endurance des peuples quand ils sont pris pour cible, et la résistance armée mène a une mobilisation populaire arabe et islamique puis à une mobilisation de l’opinion mondiale. Là aussi, bien sûr, la rapidité et l’ampleur de la mobilisation populaire diffèrent selon les situations.

Durant l’agression tripartite, la réaction populaire arabe et islamique a été très rapide et a eu un impact fort, ce qui a conduit (dans un contexte international particulier) à un changement du déroulement de la guerre et à mené l’agresseur à la défaite, non pas militaire mais politique puisqu’il n’a pas pu réaliser les objectifs de cette guerre (NdT: les objectifs déclarés étaient la réoccupation du Canal de Suez et le renversement de Nasser). D’un point de vue militaire, la résistance armée est victorieuse des lors qu’elle poursuit son action armée et qu’elle ne renonce pas à ses armes. La guerre de 2006 illustre bien le propos. Le Hezbollah a réussi à arrêter la progression de l’armée israélienne malgré le déséquilibre dans les rapports de force. Ainsi le principal fait d’arme de l’agresseur a été de détruire les infrastructures et de tuer des civils en bombardant de la mer, de la terre et du ciel. De loin, on ne peut pas gagner une bataille et ni sortir victorieux, tant que le peuple résiste et que sa volonté est intacte. Plus la guerre durera, plus l’agresseur s’essoufflera et épuisera ses capacités militaires, plus cela affectera son moral et sa réputation, plus il sera isolé car plus le temps passe sans qu’il réussisse à atteindre ses objectifs, plus il deviendra criminel et féroce contre les populations civiles. Les grandes puissances, même celles qui sont restées silencieuses devant l’agression ou dubitatives, et même celles qui ont été complices, seront dans l’obligation de modifier leur position. C’est exactement ce processus qui a modifié le rapport de force dans toutes les guerres pre-citées. Dans certains cas, les effets sont apparus très rapidement comme en 1956 et en 2006. Dans les autres cas, le résultat ne fut pas immédiat et a pris plus de temps comme en 1967 (le déclenchement de la guerre d’usure), et après l’occupation de l’Irak (le déclenchement de la résistance et de la contestation populaire).

En bref, tout observateur de la guerre contre la bande de Gaza, remarque l’endurance populaire et sa volonté de résister, et note la rapidité et l’intensité des réactions et mobilisations populaires arabes et mondiales et l’insistance jamais vue auparavant de continuer les manifestations de soutien jusqu’a tenir en échec l’agresseur.

Quant aux autorités officielles qui se sont tues ou qui ont hésité, ils ont déjà commencé à modifier leurs positions (NdT: par exemple, la Jordanie qui menace de fermer l’ambassade d’Israël, sans parler de la Turquie qui a une position particulièrement courageuse dans ce conflit et qui a accepté de transmettre les revendications du Hamas devant le Conseil de Sécurité de l’ONU en tant que membre de l’OTAN).

Tous ces éléments prouvent que l’ennemi est sur la voie de la défaite politique et que sa stratégie et vouée a l’échec.

Mounir Chafiq, intellectuel palestinien et coordinateur général du Congrès National Arabe

Source: journal “al Arab”. Qatar. Le 3 janvier 2008

Traduction : Hajar Alem

Ce contenu a été publié dans Actualités. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.