Howard Zinn

Décès d’Howard Zinn, historien et auteur d’Une histoire populaire des Etats-Unis

Howard Zinn aurait eu 88 cette année. L’historien américain est décédé le 27 janvier 2010 à Santa Monica, Californie. L’adaptation en bande dessinée de son best-seller Une histoire populaire des Etats-Unis (chez Vertige Graphic) fait partie de la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2010.

Auteur de vingt livres, dont le best-seller Une histoire populaire des États-Unis, Howard Zinn était professeur émérite du département de science politique de l’Université de Boston. Il vivait à Newton dans le Massachusetts. Howard Zinn a été longtemps actif dans les droits civils, libertés publiques et les mouvements anti-guerre aux Etats-Unis. Il a écrit sur ces trois sujets. Le 27 août dernier, paraissait en France Une Histoire populaire de l’empire américain, adaptation en bande dessinée du livre de l’historien paru initialement en 1980.

Ancien aviateur, il a participé pendant la Deuxième Guerre mondiale au bombardement de Royan où l’armée américaine a utilisé pour la première fois massivement le napalm. Cette expérience a nourri en lui une horreur rétrospective pour toute forme de guerre. Son expérience personnelle sera le déclencheur de toute sa pensée politique qu’il élève au rang de devoir : « la désobéissance civique ». Depuis les années 1960, il est un acteur de premier plan du mouvement des droits civiques comme du courant pacifiste aux États-Unis.

En écrivant Une Histoire populaire des Etats-Unis, le postulat d’Howard Zinn a été le suivant : l’histoire des États-Unis est habituellement présentée dans les manuels selon un point de vue unique, passant sous silence dans les manuels certains de ses acteurs. Son objectif est donc de confronter avec précision la version officielle, héroïque, aux témoignages des plus modestes : les minorités ethniques, indiens, esclaves, soldats déserteurs, ouvrières du textile, syndicalistes, GI du Vietnam, activistes des années 80-90…

De fait, son Histoire populaire offre une perspective différente, le livre dépeint les luttes, les batailles, la guerre civile, les mouvements libertaires, les révoltes, et l’adaptation en bande dessinée renforce le propos de l’auteur et les thèmes que celui-ci a développés tout au long de sa vie et dans son livre. Livre qui est aujourd’hui encore cité en exemple et donné à lire dans toutes les écoles américaines. Il s’est vendu à 1,7 millions d’exemplaires.

La rencontre d’Howard Zinn avec Paul Buhle et Mike Konopacki a donné naissance à ce roman graphique, qui s’ouvre sur l’après 11 septembre 2001 – à l’instar d’A l’ombre des tours jumelles, d’Art Spiegelman -. Mais là où l’auteur de Maus nous emmenait sur le terrain de l’affect, de la souffrance et de la perte d’identité, le trio d’auteur, sans nier la douleur ressentie par un pays tout entier, se sert du terrible événement pour entamer une quête. Car il s’agit pour Howard Zinn, mis en scène dans la BD, d’un élément déclencheur, du moins dans l’album, dans une scénographie dramatique, qui va le conduire à parler, parler encore de ce qui lui tient à cœur, le tenaille, ce qui est son métier et sa passion : l’histoire. Et sa vision de l’histoire des Etats-Unis.

La lecture d’Une Histoire populaire de l’empire américain est fluide, la narration suit une conférence au cours de laquelle Howard Zinn s’adresse à un public de militants pacifistes. Il est un des leurs. Il va leur raconter une partie de sa vie pour illustrer son parcours et sa transformation, ce qui l’a conduit à penser autrement, à vouloir écrire une autre histoire que celle communément apprise. L’histoire racontée par les vainqueurs.

En s’attachant au personnage d’Howard Zinn, les auteurs vont tour à tour raconter les massacres des Indiens, la naissance des pouvoirs et des contre-pouvoirs, l’anéantissement du mouvement ouvrier, le commerce des esclaves, la conscription forcée, la place des femmes, les interventions américaines à l’étranger, la CIA et cette suprématie doctrinale brandie en étendard de par le monde… Il s’agit alors de voir une Amérique regardée dans un miroir. Une autre Amérique. Et de prendre la mesure ce qu’elle n’a pas retenu de sa propre histoire.

Tout au long du récit, la bande dessinée retrace le parcours de militant d’Howard Zinn. Comment il a été matraqué un jour par un policier lors d’une manifestation. De ce jour, émergeant de sa douleur, selon ses propres termes, « il n’était plus un liberal – c’est-à-dire croyant aux vertus d’auto régulation de la démocratie -, il était devenu un radical, pas un réformateur, convaincu désormais que son pays était dans l’erreur. Howard Zinn était abasourdi, perplexe. L’Amérique, pays de la liberté d’expression, de manifestation, pays du Bill of Rights, vivant en démocratie. Et pourtant… » Le livre parle de son engagement dans l’armée de l’air durant la 2nde Guerre Mondiale, ainsi que de son mariage express pendant une permission. Zinn note que l’entrée en guerre des USA a eu lieu pendant que le mouvement des travailleurs prenait de l’ampleur. « En 1941, il y avait plus de 4000 piquets de grève dans le pays. Il n’y en avait pas eu autant depuis 1919 ». A cette époque, Zinn travaillait sur les docks de New York, participant à la construction d’un navire de guerre. Les apprentis n’étaient pas syndiqués. Il participa à la création d’un syndicat. « Les fondateurs veillaient tard. Parlant d’union, de socialisme, et de la guerre ».

© Zinn – Buhle – Konopacki / Vertige Graphic
En ouverture de sa conférence, Howard Zinn a ces mots terribles : « Bien que je fus un jeune homme qui questionnait son pays, mon enrôlement dans l’armée de l’air pour combattre lors de la seconde Guerre Mondiale s’expliquait par le simple fait que l’ennemi était clairement le mal incarné. Mais notre erreur, en tant que nation, était de croire que tout ce que notre camp a fait était le bien. ».

En 2008, à l’âge de 85 ans, le professeur émérite de l’Université de Boston s’était donc tourné vers un nouveau média, le roman graphique, avec Une histoire populaire de l’empire américain. Il considérait qu’il pourrait ainsi toucher un lectorat encore plus large, les jeunes générations étant davantage attirées par ce support. Ajoutant le dessin aux mots, qui avaient été jusque-là ses seules armes, pour continuer de parler de sa version de l’histoire des Etats-Unis.

Joe Sacco, l’auteur de Gaza 1956, en marge de l’histoire avait quant à lui eu cette phrase: « au coeur de cette vaste critique dessinée de l’Empire américain se trouvent les terribles histoires humaines de tous ceux qui ont résisté – incluant ces magnifiques séquences autobiographiques de l’auteur Howard Zinn, au courage et à la vie exaltante ».

On lui demanda lors de la sortie de la bande dessinée ce qu’il pensait d’être ainsi représenté, s’il aimait son personnage dessiné. Howard Zinn répondit : «At first, I was taken aback, it makes me look smarter than I really am.»

DB

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