Contrôle des frontières et répression politique : le département américain de la sécurité intérieure cible un activiste musulman noir

Nous reproduisons ici la déclaration de D. Musa Springer, rédacteur et organisateur pour le collectif Afro-révolutionnaire Hood Communist. De retour d’un voyage international, Musa a été détenu et interrogé pendant plus de trois heures à l’aéroport de Tampa par des agents de la lutte antiterroriste avant que son téléphone et son ordinateur ne soient confisqués. Alors que les expulsions d’immigrants et d’étudiants étrangers aux Etats-Unis attirent à juste titre l’attention du public, son expérience confirme que les « citoyens » américains, en particulier les Noirs et les musulmans, sont également les cibles de cette intensification de la répression d’Etat.

Le mardi 8 avril, j’ai été illégalement détenu et interrogé par le bureau des douanes et de la protection des frontières (Customs and Border Protection/CBP) à l’aéroport de Tampa alors que je revenais aux États-Unis d’un voyage international. On m’a dit : « la plupart de vos droits sont suspendus », y compris mon droit à un avocat, parce que « cet aéroport est un point de passage frontalier ». J’ai été interrogé par un agent de la lutte contre le terrorisme et traité comme un criminel et un terroriste – des synonymes que cet empire a depuis longtemps rendus interchangeables avec le fait d’être noir, musulman et politiquement actif.

Pendant environ trois heures, j’ai été détenu sans accès à un avocat, interrogé de manière agressive, fouillé et soumis à une fouille invasive. Mon passeport a été confisqué, toutes mes affaires ont été inspectées et finalement mes appareils – mon téléphone portable et mon ordinateur portable – ont été saisis sans justification. Après avoir saisi mes appareils, trois agents de la CBP ont tenté de me contraindre à allumer les appareils et à leur donner mes mots de passe ; lorsque j’ai refusé, ce que je savais être mon droit, ils étaient visiblement très agacés.

Ce ciblage n’était pas aléatoire. C’était des représailles pour avoir soutenu un ami – un étudiant activiste international ciblé par l’administration Trump – alors qu’il prenait la décision difficile mais légale de quitter le pays plutôt que de faire face à une détention prolongée pour avoir exercé sa liberté d’expression.

Le fait que je sois de retour d’un voyage à Cuba, un des nombreux séjours entièrement légaux que j’y ai effectués au fil des ans, et mon organisation solidaire de la libération de la Palestine, ont servi de base à pour un interrogatoire à motivation politique : les agents de la CBP m’ont demandé si j’avais reçu une soi-disant « formation militaire » à Cuba ou au Moyen-Orient, m’ont interrogé pour savoir si j’étais impliqué dans des activités politiques sur l’île et m’ont pressé de questions sur mes liens potentiels avec plusieurs étudiants et professeurs étrangers engagés dans la solidarité avec la Palestine.

Dès ma première interaction avec un agent agressif de la CBP dont le ton a complètement changé après avoir lu mon nom sur mon passeport, en passant par le fait d’entendre d’autres dire « il ne va aller nulle part » et en étant témoin de plusieurs agents qui chuchotaient et criaient à mon sujet, il était clair qu’ils avaient l’intention de m’intimider et d’extraire des informations pour étendre leur répression, même si cela signifiait piétiner mes « droits ».

Mon expérience s’inscrit dans un cadre plus large. Au fil des administrations, le département américain de la sécurité intérieure (DHS) a fonctionné comme une agence politique pour intensifier la surveillance, le harcèlement et la criminalisation des personnes impliquées dans des mouvements pour la justice, la libération et, dans ce cas, contre le génocide en Palestine. Aujourd’hui, nous assistons à une dangereuse intensification de cette instrumentalisation.

Alors que la répression des immigrants et des étudiants étrangers attire à juste titre l’attention du public, mon expérience confirme que les « citoyens » américains, en particulier les Noirs et les musulmans, sont également des cibles. Comme les activistes et les professionnels du droit l’ont bruyamment averti : La répression des étudiants internationaux a servi de terrain d’essai, et nous sommes de plus en plus vulnérables et dans la ligne de mire.

Le mardi 15 avril, nous avons déposé une requête devant le tribunal de district fédéral de Floride pour exiger la restitution immédiate de mes appareils et des informations relatives à toutes les données auxquelles le gouvernement a eu accès. Je partage ces informations pour faire savoir ce qui m’est arrivé et, surtout, pour lancer un avertissement général : l’État est en train d’intensifier la répression.

Soyez stratégiques, courageux et intelligents. Protégez-vous les uns les autres, car aucune partie de ce système ni ce qui est à venir n’est conçu pour nous protéger.

Les activistes et les organisateurs doivent tout documenter, voyager avec des téléphones secondaires, laisser les ordinateurs portables à la maison et mémoriser le numéro d’un avocat et de personnes de confiance. Lorsque vous franchissez une frontière, assistez à une manifestation ou passez la douane, éteignez vos appareils, utilisez des logiciels de messagerie cryptés et utilisez des mots de passe numériques forts plutôt que biométriques.

Créez des plans d’urgence au sein de vos organisations et réseaux, n’oubliez pas que vous avez le droit de garder le silence à tout moment et construisez des réseaux de protocoles de défense juridique et communautaire qui anticipent le niveau de répression qui est notre réalité.

Ce qui m’est arrivé pourrait arriver à n’importe qui, et c’est un rappel glaçant que ces agences ne sont pas conçues pour simplement contrôler les frontières – elles contrôlent la dissidence.

Musa est organisateur communautaire et chercheur indépendant, membre de la Walter Rodney Foundation et animateur du podcast Groundings.

Faire un don pour aider Musa à couvrir ses frais juridiques.

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