Va t'faire intégrer !

Allons enfants… de l’Algérie

Entre discours nationalistes et odes à la Révolution, on va tout entendre en ce 14 juillet. Le MBB vous propose un point de vue décalé sur l’intégration avec, en toile de fond, la polémique sur les fameux t-shirt franco-algériens. Éclairage…

Vous l’avez vu ? Si, ce t-shirt avec une carte de France floquée du drapeau algérien, tout en bas il y a une croix qui indique Marseille : « capitale du bled ». Rappelez-vous, Jean-Marie L.P. avait organisé une récupération crapuleuse de ce t-shirt pour la campagne des régionales. Et bien, sachez qu’aujourd’hui, c’est impossible de le trouver. Je le tiens de source sûre, un vendeur de Belsunce m’a expliqué que la police lui avait interdit de le vendre. Ah bon ? Mais pourquoi ça ? Je le trouvais plutôt marrant, moi, ce t-shirt. D’accord le message était un peu ambigu, voire provocateur, mais ça dépend de quel côté on se place.

J’ai essayé de comprendre comment on avait pu en arriver là. Je me suis demandé pourquoi des jeunes portaient ce t-shirt. S’agissait-il réellement d’une provocation ou plutôt d’un acte militant revendicatif ? Et même dans ce cas, qu’y a-t-il à revendiquer ? J’avais beau retourner le problème dans tous les sens, je ne trouvais pas. Heureusement, j’ai rencontré Sonia, membre du PIR (le Parti des indigènes de la République), tout est devenu beaucoup plus clair. Elle a commencé par me dire qu’elle avait l’habitude de porter un t-shirt qui disait « Va te faire intégrer ! ». Du coup un jour, avec ce t-shirt, elle a parlé et débattu pendant des heures avec une bonne sœur. Une grande rencontre.

Sonia m’explique qu’aujourd’hui, les jeunes de deuxième ou troisième génération d’immigrés maghrébins, comoriens ou autres, se cherchent. « C’est normal, quand on discute avec des gens, ils finissent toujours par nous demander : t’es d’où ? Nan, vraiment, t’es de quelle origine ? On nous rabâche sans cesse qu’on est différent, qu’on vient d’ailleurs ». Les jeunes sont déboussolés, quand ils sont en France ils sont algériens, marocains ou comoriens, quand ils sont au bled, ils sont français. Quoiqu’il arrive, ils sont catalogués. Du coup, le t-shirt de la discorde devient avant tout une réponse à cette fameuse question sur leur origine. Sonia me le dit clairement, « on a vraiment une double culture, on est les deux ». Si c’est bien de recherche d’identité qu’il s’agit, alors, pourquoi l’afficher comme ça ?

Sonia bouillonne, elle s’enflamme, « tu sais, les anciennes générations d’immigrés faisaient tout pour être discrètes, pour se fondre dans la masse, pour passer inaperçues. Le résultat c’est qu’aujourd’hui on ne nous demande plus notre point de vue, alors on l’affiche, tout simplement ». Les vertus sont multiples, car en plus du côté revendicatif, ces messages permettent aux jeunes de s’initier au débat, de s’éveiller à des problématiques auxquelles ils seront confrontés toute leur vie.

La marque de t-shirt LSA (Le savoir est une arme) l’a bien compris. Ils jouent d’ailleurs sur les préjugés pour faire réagir. Leur dernière création : « I’m Muslim Don’t Panic » (Je suis musulman, ne paniquez pas, pour ceux qui étaient au fond de la salle pendant les cours d’anglais). C’est un carton et un message à double effet. D’abord, l’ironie du message permet d’assumer un certain regard sur le monde musulman. Sonia m’assure que les mentalités changent dans les quartiers, « les jeunes en ont marre de faire peur, avant c’est ce qu’ils cherchaient, mais plus maintenant ».

Le deuxième effet muslim, c’est de donner confiance aux gens qui portent ce t-shirt. Inconsciemment ils se sentent rassurés de voir qu’il ne sont pas paranos, qu’ils ne sont pas les seuls à avoir senti les regards accusateurs. Sonia confirme, « ça permet de répondre à ces regards », et elle va même plus loin « ces t-shirts c’est une réponse à la politique actuelle. C’est nouveau, mais depuis 2001 à peu près, on nous demande de choisir, d’être un bon français ou d’être un musulman intégriste. Et là, on a vu les voiles apparaître et les barbes pousser. Nous, on a pas envie de choisir ».

Michael Couvret

SOURCE : Marseille Bondy Blog

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