Alerte blanche : le coronavirus à l’origine d’une épidémie de racisme en France

Minh, d’origine vietnamienne, a été éclaboussée par un chauffard le 27 janvier, aux cris de « Garde ton virus, sale Chinoise ! T’es pas la bienvenue en France ».  Au supermarché, une femme se fait pointer du doigt comme devant être évitée par les enfants pour ne pas être contaminés tandis qu’un couple refuse d’être servi par une dame d’origine asiatique[1].

Depuis la médiatisation de l’épidémie de coronavirus qui aurait pris naissance dans la ville de Wuhan, en Chine, la France est plongée dans un état de psychose contre toutes les personnes ayant des traits plus ou moins proches de la « race Jaune« , pour reprendre la classification raciale assumée par les pays occidentaux à partir du XVIIIe siècle et continuant à irriguer, notamment, leur imaginaire collectif.

C’est ainsi que, de manière emblématique, le Courrier picard, en Une de son édition du 26 janvier, a titré sur l’ « Alerte jaune » à donner sur l’épidémie actuelle et a proposé un éditorial intitulé « Le péril jaune ? ». Le journal redonne ici de la vitalité à la notion de « péril jaune« , développée en période coloniale en réponse à la crainte des Blancs de se voir surpassés par les peuples asiatiques, et qui reste pleinement contemporaine en contexte impérialiste[2]. Parallèlement, les réseaux sociaux ont été inondés de messages destinés à moquer les asiatiques sur leur régime alimentaire soi-disant « primaire » et sur leur prétendu manque d’hygiène. Comme l’analyse très justement l’auteure franco-chinoise Grace Ly, ces éléments renvoient à « l’idée que là-bas, ce sont des barbares »[3]. Les asiatiques sont, au final, les premières victimes de l’inquiétude suscitée par le virus.

À nouveau donc, mais sans surprise, face à un potentiel danger mortel en provenance d’Asie (en l’occurrence le coronavirus), certains médias français appliquent instinctivement une idéologie racialement marquée, celle du peuple Blanc en crise face au péril indigène.

Si des résistances sont nées ça et là contre les violences racistes de ces derniers jours, comme l’interpellation du Courrier picard par l’Association des Jeunes Chinois de France[4] ou encore le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus diffusé sur Twitter, nous rappelons la centralité de l’aspect politique et historique du racisme et, par conséquent, de la nécessité d’un antiracisme politique pour le combattre.

Ainsi, nous espérons qu’à l’issue d’une véritable lutte contre le racisme d’État, y compris sinophobe, ces paroles du chantre de la chanson populaire française Charles Trenet appartiendront définitivement au passé colonial :

« Ce marchand de chaussures, n’est pas sûr, je t’assure

Avec sa jambe de verre son œil de bois

Il n’a pas le teint du Rhône, il a même le teint jaune

Cet homme-là, méfie-toi, c’est un chinois.

(…)

L’important c’est qu’il parte

Car s’il reste dans dix ans oui ma foi

Il est capable d’atteindre son but qui est de déteindre sur nous

Et l’on s’ra quoi, tous des chinois. »[5].

PIR


[1]« « Garde ton virus, sale Chinoise ! » : avec le coronavirus, le racisme antiasiatique se propage en France », Le Monde, 29 janvier 2020

[2]« Péril jaune, Peur blanche », Le monde diplomatique, février 1971

[3]« Le coronavirus chinois réveille les stéréotypes racistes envers les Asiatiques », Huffingtonpost, 28 janvier 2020

[4]« Annonce AJCF – Le Courrier Picard nous a répondu », Association des Jeunes Chinois de France, 31 janvier 2020

[5]« Le Chinois », Charles Trenet, 1966

Ce contenu a été publié dans Actualités, Actus PIR, Archives, Communiqués. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.