Selon certains témoins, en effet, son scooter, aurait été percuté par un des véhicules de la police lancés à sa poursuite. Le communiqué ministériel évoque également les déclarations similaires d’un habitant de Bagnolet, diffusées par l’AFP, qui porteraient « atteinte à l’honneur et à la considération de la police nationale puisqu’ils imputent à des fonctionnaires de police une infraction d’homicide sur la personne de Yakou Sanogo ».
Que ferait un ministre de l’Intérieur, véritablement soucieux de la sécurité de ses concitoyens, quelques soient leurs couleurs et leurs origines ? Il s’inquiéterait de la recrudescence de ce type de décès (le 4ème en trois mois) et inciterait ses services à diligenter l’enquête dans les meilleurs délais pour que justice soit rendue aux victimes. Il impulserait des réformes en profondeur dans son ministère, y couperaient des têtes et abandonnerait une politique du tout sécuritaire qui développe au sein du corps de police le sentiment d’impunité et le racisme. Mais Brice Hortefeux n’est pas ce ministre-là. Brice Hortefeux n’est pas « angélique ». Brice Hortefeux veut mater la « racaille ». Tandis que son mentor, Nicolas Sarkozy, relance la politique sécuritaire dans la perspective des prochaines régionales, lui tente d’intimider les témoins à venir des futures « bavures », comme si l’absence de témoignages ou de preuves de l’implication directe de policiers dans ce genre d’affaires pouvait réellement disculper l’institution policière et la politique de répression menée par l’actuel gouvernement.
Comme le MIR l’a affirmé dans sa déclaration du 13 août, peu importe en vérité que la voiture de police ait heurté ou non le scooter de Yakou, la responsabilité des services de polices n’en ait pas moindre : « Un simple refus d’obtempérer à un contrôle policier justifie-t-il une course poursuite meurtrière comme si la police avait reconnu un dangereux criminel en cavale ? Comment ne pas comprendre que la multiplication des contrôles policiers, des dispositifs sécuritaires, du harcèlement, des humiliations, des brutalités gratuites, des comportements racistes, de la suspicion généralisée à l’encontre des jeunes des cités, notamment s’ils sont arabes ou noirs, sèment l’exaspération et incitent les jeunes à échapper par n’importe quel moyen et en prenant tous les risques, à un contrôle policier ? Au-delà du déroulement concret des faits qui ont provoqué la mort de Yakou à Bagnolet et des responsabilités immédiates des policiers qui l’ont coursé, la responsabilité première de sa mort incombe directement aux autorités politiques et notamment au ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. »
En déposant une plainte pour « diffamation » envers la police, Hortefeux a un second objectif : donner des gages à un corps policiers qui rue dans les brancards. Les flics, en effet, sont très en colère. Ils protestent contre la réduction de leurs effectifs, voudraient plus de moyens et aimeraient bien faire capoter le projet loi pénitentiaire voté par le sénat en mars 2009. Dans un communiqué rendu public le 1er septembre, Bruno Beschizza, le Secrétaire général du syndicat des officiers de police « Synergie », ne mâche d’ailleurs pas ses mots, effrayé à l’idée « qu’une peine de deux ans de prison ferme se (traduise) automatiquement par une mesure de liberté surveillée ». Hortefeux doit donc rassurer la police. Et qui va-t-il lui donner en pâture ? La jeunesse des quartiers populaires !
Pour terminer, on vous donne un petit cadeau, en l’occurence un communiqué de presse publié le 25 août 2009 par le Bureau national de Synergie-officiers, Syndicat du corps de commandement de la police nationale, qui « s’étonne des dernières déclarations de Monsieur Brard, Député de Seine Saint Denis, qui souhaite que l’usage du Flashball ne soit réservé « qu’aux actions exceptionnelles et dangereuses » dont il circonscrit lui même le domaine au grand banditisme. Synergie-officiers se félicite du déploiement de dispositifs de neutralisation non létaux (Flashball, TASER, 40/40…) qui permettent de faire face à des situations toujours plus difficiles et violentes. Ces moyens constituent une protection indispensable aux policiers quotidiennement exposés, mais aussi aux délinquants qui échappent au recours à l’arme à feu, ultima ratio pourtant banalisé dans des situations similaires en Europe et autorisé par les textes en vigueur en France ! Synergie-officiers regrette qu’un député participe sciemment à une entreprise de déstabilisation d’une fonction régalienne de l’Etat pour des motifs obscurs et sape ainsi les fondements du pacte républicain qui repose sur la première des libertés : la sécurité pour tous, condition nécessaire du pacte social. »
Pas mal, non, ces « dispositifs de neutralisation non létaux » qui « constituent une protection indispensable (…) aux délinquants qui échappent au recours à l’arme à feu » et sans lesquels « une fonction régalienne de l’Etat » serait déstabilisée et les « fondements du pacte républicain » menacés !
Sadri Khiari
Notes : les communiqués de Synergie sont tirés de http://www.synergie-officiers.com