En Belgique, la négrophobie est une culture, une tradition, un mode de vie que l’État protège de toutes ses forces. Aujourd’hui, c’est Nordine Saidi, militant du mouvement Bruxelles Panthères, qui fait les frais de sa lutte contre le blackface pratiqué lors de certains carnavals belges.
Un courrier envoyé en 2018 par Bruxelles Panthères exigeait que le carnaval des Deux-Acren (entité de Lessines) supprime « la sortie des nègres » : une odieuse parade où un groupe de Blancs nostalgiques du Congo belge se grime en ce qu’ils imaginent être des africains, pour amuser la foule. S’ensuivit une plainte du Bourgmestre (maire) socialiste de Lessines, accusant dans un premier temps Bruxelles Panthères de fomenter un attentat terroriste !
Nordine Saidi a comparu devant la Chambre du conseil de Tournai, rendu le vendredi 16 octobre. Elle a statué dans la foulée (et non le 27 octobre comme cela avait été annoncé) en exigeant le renvoi en Correctionnelle de Nordine Saidi, pour « menaces et harcèlement ». La date de ce nouveau procès n’est pas encore connue à ce jour[1].
En 2019, Bruxelles Panthères avait attiré l’attention de la communauté internationale sur le personnage du « Sauvage » du carnaval d’Ath, obtenant même de l’UNESCO le désaveu de cette pratique se déroulant dans le cadre de carnavals inscrits au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité[2]. Une désapprobation mondiale qui n’avait pas empêché le bourgmestre d’Ath d’assumer crânement sa négrophobie, n’exigeant que quelques changements mineurs dans la tradition raciste.
Ivres d’orgueil, gonflés de provincialisme, ces hommes politiques belges n’ont à cœur que de flatter les plus bas instincts de leurs électeurs blancs, au mépris des nombreux Belges afro-descendants que cette annuelle humiliation ridiculise et injurie. À l’heure où, en France, le comble du patriotisme semble être de brandir le maximum de caricatures obscènes et stupides, nous ne pouvons que nous alarmer de l’impunité et du sentiment de légitimité dont s’autorise le racisme de divertissement.
Aujourd’hui, en protégeant le blackface, la caricature, l’injure, les gouvernements européens montrent qu’ils chérissent la laideur comme si elle était la liberté, la stupidité comme si elle était la vertu et le racisme comme le fondement de la société civile. Dans ce contexte où la liberté de l’expression raciste est surprotégée, mais où la liberté d’exprimer la vérité conduit devant les tribunaux, nous affirmons au frère Nordine Saidi notre soutien le plus chaleureux, le plus inflexible et le plus déterminé.
Il nous l’avouait en confidence : un procès, pour pénible qu’il soit, pour coûteux qu’il soit, serait l’occasion d’occuper l’espace public ; de faire de la politique et de mettre en accusation le racisme et la négrophobie d’Etat. Car c’est ainsi que réfléchit ce courageux militant de l’antiracisme politique, ce sincère, infatigable défenseur des droits humains. Il est aujourd’hui contraint de donner de sa personne, de s’affronter à l’État, au nom de la dignité humaine. Que Nordine sache que nous serons à ses côtés et à ceux de Bruxelles Panthères à chaque étape de son combat, qui est aussi le nôtre.
PIR
[1] https://www.facebook.com/olivier.mukuna/posts/10158794101369907.
[2] « Unesco urged to remove Belgian festival from heritage list over ‘savage’ in blackface », 20 Aout 2019 https://www.theguardian.com/world/2019/aug/20/unesco-urged-to-remove-belgian-festival-from-heritage-list-over-savage-in-blackface.