Sarkozy se croyait gagnant, ayant réussi à faire passer deux lois coloniales iniques : « l’œuvre positive » de la France outremer et l’état d’urgence. Trop sûr de lui, il a cru pouvoir voler au secours de Finkielkraut, dont la dernière explosion raciste embarrasse jusqu’aux membres de son fan-club. Il dit dans la même phrase que Finkielkraut est intelligent ET qu’il sont tous les deux politiquement en phase. Ces deux assertions peuvent paraître à beaucoup une contradiction insurmontable. En matière intellectuelle, être « approuvé » par Sarkozy est un titre de gloire douteux ; Finkielkraut aurait certainement préféré que, tant qu’à l’adouber, Sarkozy ne le fasse pas devant tout le monde. Trop tard. Sarkozy n’a donc pas rendu service à Finkielkraut ; et en s’associant à lui de façon si visible, il s’est retiré toute chance de débarquer dans un futur proche sur l’aéroport de Fort-de-France. On dira à sa décharge qu’il ne se souvenait plus des insultes que Finkielkraut a proférées à l’encontre des Antillais ; ou, si on est moins indulgent, que grisé par ses succès apparents et intoxiqué par son propre racisme, il a cru que des indigènes ne se formaliseraient pas pour si peu. Mais les Antillais n’ont pas oublié ; nous non plus. Résultat des courses : alors qu’il essayait de sortir son éminence grise du bourbier, le ministre de l’intérieur y est tombé à son tour. Ou est-ce le contraire ? Car Finkielkraut qui, sans lui tenir rancune du « certificat d’intelligence », s’était dévoué pour aller diffuser en province la version sarkozienne d’ émeutes « ethniques » organisées par des « bandes islamiques », se voit refuser lui aussi l’atterrissage à Lyon et à Montpellier. Certes, ce n’est qu’aux Antilles et dans deux villes de l’hexagone que Sarkozy et Finkielkraut sont tricards pour l’instant. Mais les indigènes sont de plus en plus partout, tandis que Sarkozy et Finkielkraut y sont de moins en moins. Et les indigènes détricotent
la loi sur le « rôle positif » à une telle allure qu’une semaine après sa confirmation, elle ne tient déjà plus que par un fil : les historiens l’appelleront plus tard « la loi-comète », celle qui aura passé le moins de temps dans le ciel de France avant de disparaître pour toujours. Et ce n’est qu’un début. Le plan B de la décolonisation ne fait que commencer. Il se poursuivra jusqu’à la libération complète du territoire.
MIR, décembre 2005