Obono vs Valeurs Actuelles : rendons à Césaire ce qui est à Césaire et aux fachos ce qui est aux fachos

Intervention de Houria Bouteldja au rassemblement en soutien à Danièle Obono contre le racisme décomplexé de Valeurs Actuelles, le 5 septembre 2020, place du Trocadero.

Parce qu’elle est une femme noire occupant une haute fonction politique et défendant des positions antiracistes radicales, Danièle Obono est la cible d’attaques racistes des plus odieuses. L’offensive dont elle est l’objet est une offense à l’intelligence et à la dignité humaine. Nous disons ici tout notre soutien et notre admiration au courage et à la détermination de notre sœur Danièle Obono.

Que dire de Valeurs Actuelles ? Ce média n’existe que parce que les idées et le projet de l’extrême droite ont gagné du terrain, ils sont même au pouvoir. Ce média existe parce qu’il entre dans les enjeux de conquête du pouvoir d’Emmanuel Macron. Ce média existe parce que Macron en a besoin pour sa propre légitimation politique. Il n’est donc pas anodin que dans le numéro qui dépeint Daniel Obono en esclave, s’affiche en une, la thématique de l’ensauvagement chère à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Un ensauvagement qui serait l’expression sociale du néo-indigénat français, des Noirs, des Arabes, des Musulmans et des cités d’immigration. VA ne cache plus son fanatisme. Il faut faire la guerre aux « Barbares », car selon VA, je cite, « Face aux sauvages, les Français doivent choisir : se défendre ou disparaître ». En d’autres termes, VA assume de déclarer une guerre des races.

Dans un dangereux renversement discursif, VA attribue aux indigènes, ce que Césaire attribuait à l’Europe et aux colonisateurs. C’est bien l’Europe qui, d’après Césaire, était ensauvagée et non pas ses victimes. Il faut donc rendre à Césaire ce qui est à Césaire et aux fachos ce qui est aux fachos !

C’est l’Europe coloniale qui est ensauvagée et non les colonisés.

C’est la Francafrique qui ensauvage la France et pas les Africains.

C’est la répression des migrants aux frontières de l’Europe qui ensauvagent l’Europe et pas les migrants.

Ce sont les crimes policiers qui ensauvagent l’institution policière et non pas les habitants des quartiers ou le mouvement social.

C’est l’islamophobie, la négrophobie et la rromophoie qui ensauvagent la France et non pas les Musulmans, les Noirs ou les Rroms.

C’est le projet de loi sur le séparatisme qui ensauvage ses protagonistes et non pas les communautés qui constituent la richesse et la diversité de ce pays.

Bref c’est ce pouvoir raciste, ultra libéral, méprisant et brutal à l’égard des classes populaires dont Valeurs Actuelles est le fer de lance aujourd’hui qui menace la France d’ensauvagement et surement pas les habitants des quartiers.

S’il y a des formes d’ensauvagement qui gagnent la société civile – et on ne peut pas ignorer qu’elles existent dans les classes populaires blanches ou dans les quartiers – il faut en chercher les causes, non pas dans l’islam ou dans les traditions africaines ou encore dans des gènes blancs mais dans les fondements coloniaux de nos Etats impérialistes dont la ressource principale est le pillage et l’objectif premier, le profit et le chacun pour soi en lieu et place de la solidarité internationale et de la fraternité.  Il faut en chercher la cause dans la déstructuration du tissu social, de la casse du droit du travail et des solidarités. Tout ensauvagé est le produit de ce système.

Nous qui craignons notre propre ensauvagement, nous qui craignons l’ensauvagement de la France et qui l’aimons suffisamment pour pouvoir la sauver d’elle-même, nous appelons dans l’urgence à une mobilisation massive contre le projet de loi sur le séparatisme et à la mise en place d’une politique large pour la paix civile : une politique fondamentalement antiraciste, anti-impérialiste, anticapitaliste et fondée sur la justice sociale. C’est parce que Danièle Obono poursuit ce rêve d’une société  de paix qu’elle est au cœur de cette haine aveugle mais c’est aussi pour cela que nous la respectons et que nous l’aimons, envers et contre tout.

Houria Bouteldja

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