Stéphane Hessel et Monseigneur Jacques Gaillot seront présents, ainsi que d’autres collectifs de soutien à des victimes de violences policières.
Alors que deux morts à la suite d’interpellations ont récemment marqué l’actualité (mort à Clermont-Ferrand le 9 janvier de Wissam-El-Yamni, 30 ans, dans le coma depuis son interpellation la nuit du réveillon, puis le 10 janvier d’Abdel, 25 ans, décédé d’une crise cardiaque lors d’un contrôle de police à Aulnay-sous-Bois), plusieurs collectifs de soutien aux familles de victimes tentent de se faire entendre au niveau national.
« Nous sommes très souvent confrontés au déni des autorités, et nous demandons aux politiques ne serait-ce que de s’exprimer sur ce sujet », explique Abdelkarim Aïchi, 38 ans, membre du collectif pour Ali Ziri et porte-parole du Parti des Indigènes. Entretien.
Dans l’affaire Ali Ziri, le procureur requiert un non-lieu, quelle est votre réaction ?
Abdelkarim Aïchi : Dans son réquisitoire de décembre 2011, le procureur de Pontoise dit qu’il n’y a aucune faute des policiers, sans même évoquer l’immobilisation d’Ali Ziri, plié en deux pendant dix à quinze minutes. Donc Ali Ziri serait mort comme ça, par l’opération du Saint-Esprit.
C’est « Circulez il n’y a rien à voir » ! Par contre, Arezki Kerfali, qui conduisait la voiture au côté d’Ali Ziri et a été interpellé en même temps, sera jugé en mars 2012 pour outrage, suite à une plainte des policiers.
Amnesty International a récemment détaillé cinq cas de « personnes mortes aux mains de la police », est-ce représentatif du nombre d’affaires non résolues ?
Nous sommes en lien avec une vingtaine de collectifs, dont une dizaine d’affaires récentes. Nous nous sommes aperçus que nous étions confrontés à la même situation, d’où l’idée depuis un an de faire masse face à ce fléau qui tue dans les quartiers. La plupart du temps, les gens se retrouvent, chacun dans leur coin, à faire des démarches.
Les familles sont dans une telle souffrance que ce n’est pas facile. Généralement, les gens sont abasourdis par la façon dont leur proche a été traité d’abord par la police, puis dans les médias.
Vous voyez des similitudes dans les différentes affaires de morts lors d’interpellation ?
Ça se passe toujours de la même manière. Ça commence généralement par un délit mineur, par exemple une infraction au code de la route, voire un banal contrôle d’identité dans un quartier. Les policiers tutoient, ont une posture insultante, et tout de suite le ton monte.
Certes, ils travaillent dans des conditions difficiles, ils ont des objectifs chiffrés, etc., mais on a parfois l’impression qu’ils prennent les habitants des quartiers populaires pour souffre-douleur.
Du côté des autorités, la rhétorique est toujours la même. Ils cherchent immédiatement à décrédibiliser la victime.
Pour Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 (fuyant la police, les deux jeunes de 15 et 17 ans étaient morts électrocutés dans un transformateur EDF – ndlr), le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait dès le lendemain affirmé que les adolescents étaient impliqués dans un vol sur un chantier. Ce qui a été démenti par l’enquête.
Le premier réflexe est donc de jeter en pâture la personnalité de ces victimes, même si on s’aperçoit généralement ensuite que ces propos sont infondés. Tout peut y passer : la personne avait une santé fragile, elle était âgée, elle était alcoolisée ou avait fait usage de stupéfiants, elle avait des antécédents psychiatriques, elle était connue des services de police ou elle ne portait pas de casque, etc.
Mais c’est pourtant parfois le cas ?
Et quand bien même ! On ne peut pas mettre en danger la vie de quelqu’un simplement parce qu’il ne porte pas de casque, qu’il a bu un verre de trop ou qu’il se montre agressif.
D’un côté, on a un individu lambda, de l’autre des professionnels normalement formés pour maîtriser ce genre de situation. Les policiers ont tout de même les moyens d’interpeller une personne sans mettre sa vie en danger ?
En plus, la plupart du temps, les policiers connaissent l’interpellé et pourraient très bien le convoquer le lendemain, le temps de laisser retomber la pression. Il faut quand même faire preuve d’un peu de discernement.
Quelle est la réaction de la justice ?
Le simple fait d’accéder à la justice est difficile. Quand la famille dépose plainte, le procureur saisi classe très souvent l’affaire. S’il n’y a pas de mobilisation derrière, que la famille ne prend pas un bon avocat, c’est fini. Et quand une information judiciaire est ouverte, comme dans le cas d’Ali Ziri, les policiers ne sont même pas entendus par la justice !
Dans ce cas, les trois gardiens de la paix impliqués ont seulement été auditionnés par l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Mais comment la police des polices peut-elle prétendre être indépendante alors que cette institution est juge et partie ?
Ce qui est honteux, c’est le traitement fait de toute une frange de la population dans les quartiers populaires, et le déni des autorités. Nous avons aujourd’hui un système policier et judiciaire qui autorise des gens à tuer en toute impunité. Que ce soit au cours de courses-poursuites, où les policiers n’hésitent pas à mettre en danger la vie d’autrui pour interpeller un gamin sans casque, ou au cours d’interpellations violentes.
Vous vous attaquez aux policiers, mais leur hiérarchie, qui ne se positionne pas clairement, n’est-elle pas également responsable ?
Les policiers ont une grande part de responsabilité, car très peu ont le courage de dénoncer les exactions de leurs collègues. Mais il y a également un problème de formation. Lorsque les policiers interpellent Ali Ziri, ils suivent une procédure, ils vont le plier, l’immobiliser, mais sans prendre en compte qu’ils ont affaire à un vieil homme de 69 ans.
Comment peut-on accepter, dans notre pays, de telles violences à l’égard de vieux hommes et de gamins ? Cette indifférence m’énerve. Tant qu’il n’y aura pas de prise en main du problème par les politiques, cela continuera. Nous demandons aux politiques de ne serait-ce que de s’exprimer sur ce sujet. Même si nous comprenons bien qu’en période électorale, il est épineux.
Source : Médiapart