Ces dernières semaines, nombre d’institutions islamiques et de personnalités religieuses musulmanes se sont élevées contre le projet égyptien de construction d’un mur d’acier à la frontière entre l’Egypte et la Bande de Gaza. Long de 10 km, ce mur plonge profondément dans la terre pour tenter d’empêcher les Palestiniens de creuser les tunnels qui assurent la survie de la population de Gaza. Visant à renforcer le blocus que subit Gaza depuis juin 2007, le mur d’acier ambitionne d’enfermer totalement la population palestinienne de la Bande afin de faire plier sa volonté de résistance. Contre ce projet d’étouffement d’une population toute entière, nombreux sont ceux qui ont protesté.
Ainsi, le président de l’Union mondiale des Ouléma musulmans, Youssef al-Qaradaoui, a appelé l’Egypte à cesser la construction du mur d’acier, qualifiant cet acte « de prohibé, parce qu’il vise à fermer tous les accès à Gaza, à affamer, humilier et à faire pression sur la population palestinienne pour qu’elle se rende et se soumette aux exigences israéliennes ». « Il est vrai que l’Egypte est libre d’imposer sa souveraineté sur ses frontières, mais elle n’a pas le droit de tuer son peuple ni ses voisins en Palestine », a-t-il déclaré, ajoutant que cet acte est « inacceptable du point de vue du nationalisme arabe, de la fraternité islamique et humaine ». Selon al-Qaradaoui, « Israël veut asphyxier les Palestiniens et l’Egypte construit un autre mur, qui sert, en fin de compte les intérêts des Israéliens ». « C’est comme si l’Egypte dit aux Palestiniens : Mort à vous et vive Israël », a estimé le cheikh d’origine égyptienne, appelant « tous les amis d’Egypte » à faire pression sur elle pour qu’elle « renonce à ce crime injustifié ».
Au Liban, à l’occasion de la commémoration d’Achoura, le Secrétaire Général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a appelé l’Egypte à cesser les travaux de construction du mur d’acier, et à lever le blocus de Gaza, indiquant que si elle persistait dans cette politique d’étouffement de Gaza, l’Egypte doit être condamnée par la nation arabe et musulmane. Hassan Nasrallah a déclaré : « nous appelons en ce jour de la gloire de l’opprimé de lever le blocus contre Gaza, quelle est donc cette nation de millions d’arabes qui regardent un million de Gazaouis vivre dans des conditions de vie insupportables, quelle est cette nation musulmane qui se contente de regarder ce qui se passe sans prononcer un mot ou sans condamner. Alors qu’aujourd’hui, on nous construit le mur d’acier et on fait couler de l’eau dans les tunnels pour anéantir ce qui reste encore de vie à Gaza; nous demandons à l’Egypte de cesser les travaux de construction du mur d’acier et de lever le blocus ou alors elle doit être condamné par tout le monde arabe car il n’est plus permis de garder son mutisme face à un tel crime ».
En Algérie, l’Association des Ouléma musulmans a dénoncé la construction du mur. Dans un communiqué publié le 30 décembre, par le journal algérien Sawt al-Ahrar, l’Association des Ouléma a condamné la tragédie et les souffrances imposées injustement aux habitants de la Bande de Gaza, en mettant en garde contre la sauvagerie sans précédent de l’occupation israélienne. L’association fondée par le cheikh Abdelhamid Ben Badis a affirmé que le « mur d’acier égyptien vient actuellement de renforcer la tragédie et la souffrance des habitants Gazaouis ». L’association des Ouléma a appelé l’université d’al-Azhar à assumer ses responsabilités en exhortant les ouléma égyptiens à prendre les initiatives permettant de lever le blocus discriminatoire et illégal.
En réponse à ces différentes prises de positions, la Faculté d’Etudes islamiques de l’Université d’al-Azhar a émis une fatwa légitimant la construction du mur d’acier. Le communiqué officiel publié par la faculté, après l’approbation de 25 membres lors de la réunion qui s’est tenue jeudi dernier sous la présidence de Mohammed Sayyed Tantaoui, recteur d’al-Azhar, précise que « chaque Etat a le droit d’ériger sur son territoire des édifices assurant sa sécurité, ses frontières et ses droits ». Le communiqué ajoute qu’« il est du droit de l’Egypte de mettre des barrières qui préviennent les préjudices causés par les tunnels de Rafah utilisés pour la contrebande et le passage de la drogue qui sont une menace pour la stabilité et les intérêts de l’Égypte ». Enfin, al-Azhar a affirmé que ceux qui s’opposaient à la construction du mur violaient la loi islamique.
Evidement cette fatwa criminelle n’est qu’une décision de circonstance visant à légitimer la politique collaborationniste d’Hosni Moubarak. Mohammed Tantaoui et al-Azhar ne sont plus que des pantins que le pouvoir égyptien servile agite pour justifier ses errements. Tel Haman (Coran 28 : 5-6 et 40 : 25), le prêtre de Pharaon, Mohammed Tantaoui et al-Azhar ne font que légitimer théologiquement la politique du nouveau petit Pharaon d’Egypte, Hosni Moubrak. Mais en obéissant fidèlement aux ordres de son commanditaire, Mohammed Tantaoui a, une nouvelle fois, sali l’institution multiséculaire d’al-Azhar. Que reste-t-il de ce haut lieu de la culture islamique, si les décisions qui y sont prises ne servent qu’à légitimer la politique d’un gouvernement soumis aux intérêts de l’impérialisme et du sionisme ?
Youssef Girard
SOURCE : ijtihad