Lors de la loi de 2004 sur l’interdiction du voile islamique à l’école, malhabilement nommée Loi sur les signes religieux dans les écoles publiques, j’ai commencé à avoir de forts soupçons. Personne n’avait porté autant d’attention aux jeunes venant avec une croix chrétienne, au poisson le vendredi ou aux visites scolaires des églises et cathédrales. Personne n’en porte davantage aujourd’hui il me semble. J’ai commencé à douter de la réelle signification du principe de laïcité. Ce mot a commencé à devenir un mystère pour moi…
En consultant les débats de sénateurs sur la transposition d’une proposition européenne encourageante sur la mise en oeuvre de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (E 3918) de 2008, quelle ne fut pas ma surprise de lire que combattre les discriminations était d’inspiration communautariste et contraire aux principes fondamentaux de la République. Cette incompatibilité avec notamment le principe de laïcité était illustré par l’exemple de la prière du vendredi des musulmans. Incongru l’exemple n’est-ce pas ? Détrompez-vous ! L’égalité des citoyens français de culture musulmane avec les autres est incompatible avec la laïcité et la République. Est-ce ça qu’il fallait comprendre ? Le mystère du concept de laïcité s’épaissit…
Lors du débat sur l’identité nationale et puis celui sur le voile intégral j’ai encore une fois entendu le concept de laïcité appelé à la rescousse. La religion ne devait pas être affiché publiquement. Le président Sarkozy indiquait même que «ceux qui arrivent», comprenez les musulmans, devaient respecter «ceux qui accueillent». A vrai dire je ne savais pas trop que nous arrivions et que nous étions accueilli tels des invités. Il me semblait bien au contraire, naïf que je suis, être chez moi en France. Il a également ajouté « chacun doit savoir se garder de toute ostentation» et «pratiquer son culte avec (…) humble discrétion». Dans la même veine du «baisse la tête et reste discret», j’ai ensuite entendu le slogan adressée aux femmes musulmanes et devenu désormais culte : «Arrête de me me montrer ton cul-te».
Ça commence à faire beaucoup, et ma barbe de quelques jours devenue soudainement islamique, si ce n’est islamiste, au yeux de certains commençait sérieusement à sentir le roussi… Je me rassurais intérieurement en me disant que, Dieu oups République merci, cette conception de la laïcité contrevenait à l‘article 18 de Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, indiquant notamment que : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ce droit implique la liberté de (…) manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»
Le coup de grâce je l’ai reçu le 2 février 2010 en lisant un article de Véronique Soulé dans Libération (un journal de la gauche-anti-raciste-anti-lepen pourtant !) intitulé « La laïcité perdante au jeu de la carte scolaire » dans lequel nous pouvons lire, je cite : « »La laïcité, c’est aussi le brassage social. Il faut éviter que nos établissements deviennent homogènes ethniquement, culturellement et scolairement. Or avec la libéralisation de la carte scolaire, on observe des dérives. » explique Philippe Tournier, responsable du SNPDEN, le syndicat majoritaire des proviseurs.» et plus loin «Pour défendre une laïcité qu’il juge menacée (…) le SNPDEN a décidé de lancer une campagne (…) afin de mesurer la diversité sociale (…) dans les lycées et les collèges.». Ce que je lis c’est que l’homogénéité ethnique et culturelle menace la laïcité. Ce que je lis, c’est qu’une majorité d’élèves musulmans c’est un danger pour la laïcité. Autrement dit, la laïcité n’est en sécurité qu’avec une minorité d’élèves musulmans. Parano dites-vous ? J’aurais préféré…
Reste que nombreux sont ceux qui pensent qu’il ne s’agit là que d’un facheux malentendu que l’on pourrait facilement dissiper à grand coups d’éducation citoyenne. Pourtant, c’est bien la même définition de la laïcité que tous les élèves de la République ont appris sur les bancs de l’école :
Laïcité : neutralité de l’Etat, des collectivités locales et de tous les services publics par rapport à une ou des religions, une ou des philosophies. En France, la laïcité de l’Etat a été consacrée en 1905 par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Or si un banal écolier, tel que vous et moi, a appris cette définition, que pensez des hommes politiques, des intellectuels et journalistes qui entretiennent la confusion ? Sommes-nous les cancres et eux les premiers de la classe républicaine ? A l’école nous avons tous appris à lever la main et attendre patiemment avant que le maître nous donne la parole. Mais alors, pourquoi le maître ne nous donne jamais la parole, ou si rarement, lorsque nous levons la main pour corriger les trop nombreuses fois où laïcité et islamophobie sont confondus ? Pourquoi seuls les islamophobes et autres laïcistes enragés ne sont autorisés à s’exprimer ? La seule réponse logique que je vois, c’est que le maître a ses chouchous. Or personne n’aime les fayots. Dans ce cas là, allons nous continuer à nous laisser gronder par une autorité injuste ? Ne nous laissons pas faire taxer d’insolents et d’insoumis alors que nous nous élevons contre l’injustice qui nous est faîtes. Car si la parole nous est confisquée, il n’y a pas d’autres alternatives que de s’imposer aux autres par la force du nombre, de la volonté et de la persévérance.
Mais nous ne sommes plus à l’école. Il est grand temps de laisser derrière nous cette mentalité d’écolier docile et de se comporter en adultes. Bâtir ensemble un mouvement politique décomplexé de ceux qu’on prive de parole sans attendre les encouragements du maître me semble être de notre devoir autant que de notre droit, pour nous et pour les générations futures. Générations qui passeront elles-aussi par cette école de la République, ses maîtres souvent injustes et ses fayots…