« L’oppression n’est pas un horizon. La liberté arrivera, inévitablement. Si le moment est venu pour moi de payer le prix de mes engagements, au nom de la jeune génération tourmentée née entre l’ancien régime de Hassan II et le prétendu nouveau régime de Mohammed VI, je suis prêt à le payer avec courage, et j’irai vers mon destin rassuré, souriant et la conscience tranquille. ».
Voici ce que déclarait en juillet 2020 Omar Radi avec une lucidité, un courage et un tranchant qui lui sont propres, à quelques jours de son arrestation par le pouvoir marocain. C’est que ce journaliste d’investigation, militant en faveur des droits humains et activiste depuis plus de dix ans, était devenu une épine dans le pied d’un État policier pratiquant ouvertement une politique de plus en plus sécuritaire et répressive.
Comprendre son arrestation, c’est comprendre que c’est en tant que symbole qu’il est visé, et cela, à plusieurs titres. Symbole d’une génération de militants assoiffés de dignité et de justice sociale. Symbole d’une jeunesse révoltée par la hogra et le despotisme makhzanien contre lequel elle s’est résolument insurgée lors du Mouvement du 20 février en 2011, réussissant à briser le mur du silence. Symbole d’une éthique journalistique qui, en rupture avec le champ médiatique makhzanien marqué du sceau de la servilité et du déshonneur, refuse de courber l’échine et s’engage courageusement au seul service du peuple.
Cette arrestation intervient au moment où le pouvoir cherche à réduire au silence l’ensemble du peuple révolté qui, de Jrada à Al-Huceima, de Tanger à Zagora, combat l’oppression néocoloniale d’un régime laquais de l’impérialisme. Elle intervient également au moment où l’ensemble de la presse libre et des voix discordantes font face à des procédés d’intimidation et de musellement dignes des années de plomb.
Il s’agit d’étouffer toute voix. Et de salir. Car là réside toute la perversité de la gouvernementalité makhzanienne: il ne suffit pas de mettre Omar sous les verrous, il faut le décrédibiliser publiquement en traînant son nom dans la plus marécageuse des boues. C’est ainsi qu’à l’instar de Sulaiman Raissouni, Hajar Raissouni, et bien d’autres figures d’opposition, Omar a appris à connaître l’obscur fonctionnement de l’institution judiciaire, succursale attitrée du pouvoir monarchique. Déjà en novembre 2019, les juges avaient prononcé à son encontre une peine de quatre mois de prison avec sursis et 500 dirhams (à peu près 50 euros) d’amende pour « outrage à magistrat » après la publication d’un tweet de solidarité avec les prisonniers du Hirak rifain condamnés injustement à de lourdes peines de prison. Cette fois-ci, sans vergogne, ils n’ont pas hésité à l’accuser de « réception de financement étrangers », de « complot contre la sûreté extérieure de l’Etat » avant de l’inculper, au terme de plusieurs mois de harcèlement policier et administratif, pour « viol » et « attentat à la pudeur », à partir, entre autres, de déclarations contradictoires de la plaignante. Le pouvoir use là d’un procédé devenu récurrent et visant à disqualifier définitivement tout adversaire politique : en surfant sur la vague « me too », charger opportunément ses détracteurs de crimes à caractère sexuel.
Aujourd’hui, après plusieurs mois de détention abusive, d’usure psychologique et physique, de provocations et de maltraitances de la part de l’institution pénitentiaire, Omar mène, depuis plus de deux semaines et en dépit d’une santé fragile, une grève de la faim à durée illimitée, en compagnie de son collègue et camarade de galère, Suleiman Raissouni.
Aujourd’hui, du fond de sa cellule d’isolement, notre frère et camarade a besoin de nous. Car Omar est de nos luttes, comme nous sommes de son combat !
Liberté pour Omar Radi ! Liberté pour Suleiman Raissouni ! Liberté pour les prisonniers du Hirak rifain! Liberté pour tous les détenus politiques marocains ! Vive la lutte du peuple marocain !
Jad Benchetrit, membre du PIR