Mes amis les survivants d’entre vous me suffisent
pour que je vive encore une année
il me suffit d’une année
rien qu’une autre année
pour que j’aime vingt femmes
et trente villes
une année suffit pour que l’idée se pare
des plus beaux atours du lis
pour qu’une terre inconnue hante quelque fille
avec laquelle je partirai vers quelque mer
où elle me livrera sur ses genoux
la clé de tous les champs
Il me suffit d’une année
rien qu’une autre année
pour que je vive toute ma vie
d’une seule traite
en un seul baiser
en un seul coup de feu
qui abolira mes questions
et l’énigme de la confusion des temps
Mes amis, ne mourez pas comme vous avez pris l’habitude de mourir
je vous en conjure, ne mourez pas
accordez-moi une année
rien qu’une autre année
peut-être pourrions-nous terminer une discussion entamée
un voyage entamé
peut-être pourrions-nous changer les idées en allant faire quelques pas dans la rue
sans contrainte de temps ou de drapeaux
Avons-nous trahi quelqu’un
pour devoir appeler pays, chaque oiseau
écume, chaque terre hors de la blessure
pour que des arpèges nous fassent peur ?
peut-être pourrions-nous faire éviter à la langue
un sens qui n’était pas dans nos intentions
un chant que nous ne destinions guère
aux devins
(…)
il me suffit d’une année
rien qu’une autre année
pour que j’aime vingt femmes
et trente villes
pour que j’aille vers ma mère éplorée
et que je lui crie : Enfante-moi de nouveau
pour que je voie la rose depuis son commencement
et que j’aime l’amour depuis son commencement
jusqu’au terme du chant
Il me suffit d’une année
rien qu’une autre année
pour que je vive toute ma vie
d’une seule traite
en un seul baiser
en un seul coup de feu
qui abolira mes questions
Une autre année
rien qu’une autre année
une année !