Résolution de l’Etoile-Nord-Africaine

L’impérialisme français s’est installé en Algérie, par la force armée, la menace, les promesses hypocrites. Il s’est emparé des richesses naturelles et de la terre, en expropriant des dizaines de mille de familles qui vivaient sur leur sol du produit de leur travail.

Les terres expropriées ont été cédées aux colons européens, à des indigènes agents de l’impérialisme et aux sociétés capitalistes. Les expropriés ont été obligés de vendre leurs bras aux nouveaux propriétaires du sol s’ils voulaient continuer de vivre ; des populations qui vivaient dans un état de prospérité qu’elles n’ont pas aujourd’hui, l’impérialisme en a fait des affamés, des esclaves. Et cette expropriation s’est faite comme partout sous le signe de la civilisation.

C’est au nom des cette soi-disant civilisation que toutes les traditions, les coutumes, toutes les aspirations des populations indigènes sont foulées aux pieds. Bien loin d’apporter à ce pays l’aide qu’il aurait pu utiliser pour se développer, l’impérialisme français a joint à l’expropriation et à l’exploitation, la domination politique la plus réactionnaire, privant les indigènes de toute liberté de coalition, d’organisation, de tous droits politiques et législatifs, ou bien n’accordant des droits qu’à une toute petite minorité d’indigènes corrompus.

A cela s’ajoute l’abêtissement systématique obtenu par l’alcool, l’introduction de nouvelles religions, la fermeture des écoles de langue arabe existant avant la colonisation. Et enfin, pour couronner son œuvre, l’impérialisme enrégimente les indigènes dans son armée en vue de poursuivre la colonisation, pour servir dans les guerres impérialistes et pour réprimer les mouvements révolutionnaires dans les colonies et dans la métropole.

C’est contre cette politique coloniale, contre cette oppression que les populations laborieuses d’Afrique du Nord ont menée et mènent encore une action permanente par tous les moyens dont elles disposent, pour atteindre l’objectif qui renferme leurs aspirations de l’heure présente, l’Indépendance nationale.

Cent années de colonisation

Depuis 1830, l’expropriation et l’oppression systématique et brutale ont conduit la population algérienne, non pas dans la voie du progrès social, mais à l’esclavage. Aujourd’hui, deux millions huit cent milles hectares des meilleures terres sont soit en surface, soit en sous-sol, la propriété des Européens capitalistes. Des familles indigènes expropriées ont dû vendre leurs bras aux nouveaux propriétaires du sol, émigrer vers les centres urbains.

En même temps, il a institué un système de domination politique détruisant les anciennes formes de la démocratie musulmane qui existaient avant la colonisation (douars, tribus, provinces), conservant seulement la caricature de ces formes, écartant les indigènes de la gestion des affaires du pays.

Cet état de fait a été codifié avec ce qu’on appel le Code de l’indigénat qui fait des indigènes des sujets privés de tous droits politiques, et soumis aux lois d’exception (tribunaux répressifs, cours criminelles, haute surveillance, responsabilité collective, amendes et punitions corporelles).

Le droit d’être citoyen est seulement réservé à une petite minorité d’indigènes qui ont été « assimilés » par l’impérialisme français. Seuls, les Européens et les privilégiés indigènes peuvent élire leurs représentants dans les assemblés de la colonie. C’est-à-dire que 800 000 Européens et quelques dizaines de mille de « bons » indigènes élisent leurs représentants, et 5 millions, c’est-à-dire l’immense majorité de la population, n’ont aucun droit. Par contre, ils doivent payer les impôts et faire le service militaire.

Dans le domaine culturel, la colonisation fait aussi son œuvre. 516 écoles avec 35 000 élèves indigènes, donnant l’enseignement en langue française, doivent suffire à une population de cinq millions d’indigènes. Par contre, pour huit cent mille européens, il y a 1 200 écoles ; les écoles libres en langue arabe ont toutes été détruites. L’accession des indigènes à l’instruction supérieure est quasi impossible.

Si l’on ajoute à tout cela, le recrutement militaire obligatoire des indigènes d’Algérie dans l’armée de l’impérialisme français pour une durée de service de 6 mois supérieure aux français, contingent dont on veut porter l’effectif d’après les nouveaux projets militaires du gouvernement français de 45 000 à 180 000 pour mieux servir les buts de l’impérialisme français, alors on aura un tableau objectif de ce que représentent cent années de civilisation française en Algérie.

La population d’Algérie exploitée et opprimée est en lutte permanente contre l’impérialisme français pour se libérer de son joug et conquérir l’indépendance.

Les revendications des Algériens

L’Étoile nord-africaine, qui représente les intérêts des populations laborieuses de l’Afrique du Nord, réclame pour les Algériens l’application des revendications suivantes et demande au Congrès de les faire siennes :

  • L’indépendance de l’Algérie ;
  • Le retrait des troupes françaises d’occupation ;
  • La constitution d’une armée nationale ;
  • La confiscation des grandes propriétés agricoles accaparées par les féodaux, agents de l’impérialisme, les colons et les sociétés capitalistes privées, et la remise de la terre confisquée aux paysans qui en ont été frustrés ;
  • Respect de la petite et moyenne propriété ;
  • Retour à l’État algérien des terres et forêts accaparées par l’État français.

Ces revendications essentielles pour lesquelles nous combattons n’excluent pas l’action énergique immédiate pour arracher à l’impérialisme français :

  • L’abolition immédiate du Code de l’indigénat et des mesures d’exception ;
  • L’amnistie pour ceux qui sont emprisonnés, en surveillance spéciale, ou exilés pour infraction à l’indigénat ;
  • Liberté de presse, d’association, de réunion ;
  • Droits politiques et syndicaux égaux à ceux des Français qui sont en Algérie ;
  • Le remplacement des Délégations financières élues au suffrage restreint par une Assemblée nationale élue au suffrage universel.
  • Assemblées municipale élues aux suffrages universels ;
  • Accession à l’enseignement à tous les degrés ;
  • Création d’école en langue arabe ;
  • Application des lois sociales ;
  • Élargissement du crédit agricole au petit fellah, etc.

Ces revendications n’ont de chances d’aboutir que si les Algériens prennent conscience de leurs droits et de leur force, s’unissent et se groupent dans leurs organisations pour les imposer au gouvernement.

L’Étoile nord-africaine.

* Résolution lue par Messali Hadj au Congrès anti-impérialiste de Bruxelles (10 au 15 février 1927)

Source

Congres de BRuxelles en 1927

Ce contenu a été publié dans Actualités. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.