Du nouveau à propos de la naturalisation. Le ministère français de l’immigration, Eric Besson, a présenté, lundi, à Nantes, la réforme de cette procédure fixée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et mise en œuvre en janvier 2010. Au programme : le transfert des décisions vers les préfectures qui, autrefois, étaient prises par la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDN), située à Rezé près de Nantes.
Jusqu’à présent, la personne qui souhaitait se faire naturaliser devait se rendre dans la préfecture de son lieu de résidence afin que celle-ci entame les enquêtes et les vérifications nécessaires. Après ce travail préliminaire, le dossier était transmis à la SDN qui décidait ou non d’accorder la nationalité française.
Dorénavant, la SDN n’assurera plus qu’un rôle de réexamen en cas de décision négative et d’édition matérielle des décrets de naturalisations signés par le Premier ministre. Pour le ministère de l’immigration, il s’agit de raccourcir les délais de l’actuelle procédure (durée moyenne de près de 20 mois) « inutilement lourde et complexe » et « extrêmement variable d’une préfecture à l’autre ». Pour Bernard Aubrée, membre du groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et spécialiste des questions de nationalités, ce projet « ne change rien ». « Ce sont les préfectures qui prennent du temps pour envoyer les dossiers. La SDN n’y est pour rien », précise-t-il à Afrik.com.
De vives contestations
Cette réforme ne fait pas l’unanimité, notamment chez les syndicats CGT et CFDT. « On va rompre l’égalité de traitement en confiant aux préfets les décisions d’octroi ou de refus » », a déclaré, lundi, devant le ministre, Marc Bonnefis, le secrétaire CGT de la sous-direction à l’accès à la nationalité française. « Au lieu d’un endroit unique où on peut harmoniser pour une égalité de traitement, il va y avoir un éclatement en 101 lieux de décisions ».
Même discours au sein de France Terre d’Asile. L’association de défense des droits des étrangers se demande, dans un communiqué, si « les dossiers des candidats à la naturalisation seront traités en fonction du climat local, du moment politique ». « On ne va pas instruire les dossiers de la même manière à Strasbourg qu’à Lille. La décentralisation des procédures de nationalisation va inéluctablement amener à un droit différencié », souligne Pierre Henry, le directeur général de France Terre d’asile. Cette réforme qui s’inscrit dans un contexte de réduction des effectifs des fonctionnaires « nécessite des moyens budgétaires et humains qui sont pour l’heure hypothétiques ». Une étude réalisée par la SDN, à la demande du ministère de l’Immigration, démontrait que, dans la préfecture des Deux-Sèvres, le risque d’avoir un avis négatif s’élevait à 69 %, tandis que dans les Côtes-d’Armor il ne dépasse pas 15 %.
« Risque d’abus et favoritisme politique »
Cette hétérogénéité inquiète les détracteurs de cette réforme. « Un tel pouvoir régalien délégué aux préfets », explique à l’AFP Patrick Weil, « comporte naturellement un risque d’abus et de favoritisme politique ». L’an dernier, l’historien avait coordonné une pétition de chercheurs contre le transfert des procédures de naturalisations vers les préfectures. En juin dernier, la sénatrice des Français de l’étranger, Monique Cerisier- ben Guiga avait fait valoir, lors d’une conférence de presse, que « le droit de la nationalité est extrêmement complexe » et qu’ « il ne doit pas y avoir en France 95 manières différentes d’attribuer notre nationalité ».
Pour les opposants à cette réforme, ce transfert des compétences vers les préfectures cacherait un autre objectif : ralentir les naturalisations. Selon les chiffres du ministère de l’Immigration, la France a naturalisé près de 100 000 étrangers, soit 4,4 % de la population étrangère, contre 2,2 % en Espagne et 1,6 % en Allemagne. Un pourcentage qu’Eric Besson entend, sans doute, faire baisser.
Stéphanie Plasse
SOURCE : Afrik.com