Intervention d’Augusta Epanya, coordinatrice de la Dynamique Unitaire Panafricaine et militante de l’UPC-Manidem (Union des Populations du Cameroun-Manifeste National pour l’instauration de la Démocratie) lors du meeting unitaire de l’Espace Malcolm X « Palestine, Panafricanisme : convergences anticoloniales » le dimanche 20 juillet 2025 à Paris. L’espace Malcolm X est un espace politique anticolonial autonome et souverain qui comprend le Parti des Indigènes de la République, Urgence Palestine, Perspectives musulmanes, LP-Umoja, la Brigade Panafricaine pour la Palestine- BPPA, et CAGE International.
«Nous ne serons jamais libres tant que nos frères palestiniens ne le seront pas»
Phrase mémorable de Nelson Mandela lors d’une interview. Cela traduit pleinement la place, l’importance qu’a eu le combat palestinien pour tous les africains qui ont arraché leur indépendance, ceux pour qui la solidarité internationale contre l’ennemi commun, l’impérialisme, ne se discute pas, ne se marchande pas, ceux qui avaient et ont le panafricanisme révolutionnaire chevillé aux corps, convaincus qu’aucune autre stratégie ne permettra à l’Afrique de redevenir maitresse de son destin, de ses richesses, de ne plus voir sa politique façonnée par des puissances impérialistes en fonction de leurs intérêts, les peuples africains continuant à croupir dans la pire des misères.
Au cours des cinquante dernières années, il y a eu d’importantes évolutions au niveau de la position africaine sur la question palestinienne. Tout d’abord portées par les mouvements de libération, mouvements révolutionnaires en lutte contre le colonialisme et pour l’indépendance, durant au moins deux décennies avec une solidarité internationale extrêmement présente, concrète, active, avec des prises de position courageuses y compris de la part de certains états progressistes : Algérie, Ghana, Mali, Guinée, Egypte… Parallèlement à cela, l’état israélien a mené une diplomatie de plus en plus agressive en direction du continent, en parvenant à établir des relations avec 44 pays. Selon le ministère israélien de la défense, les exportations de défense vers l’Afrique ont augmenté de 70% pour atteindre 6,5 milliards de dollars en 2016, soit une hausse de 800 millions de dollars par rapport à l’année précédente. Depuis le début du génocide à Gaza, l’Afrique du sud, la Namibie, le Zimbabwe ont exprimé leur soutien aux palestinien.nes. Le 14 octobre 2023, le président sud-africain a dénoncé les tentatives d’évacuation du peuple palestinien de la bande de Gaza et a déclaré que les palestien.nes vivent sous l’occupation d’un état d’apartheid. Le 29 décembre 2023, l’Afrique du sud a déposé une plainte contre Israël devant la Cour Internationale de Justice présentant des preuves du génocide israélien. La Namibie et le Zimbabwe ont également condamné Israël avec virulence. En revanche plusieurs pays africains tels que le Kenya, Ghana, Rwanda, Cameroun, RDC ont exprimé leur soutien inconditionnel à Israël. Le président kenyan William Ruto a publié une déclaration condamnant fermement les attaques du Hamas et exhortant la communauté internationale à prendre des mesures contre ces actes « terroristes ». Le Ghana, membre temporaire du conseil de sécurité de l’ONU a adopté une position similaire en s’abstenant de voter deux projets de résolution en faveur d’un cessez le feu à Gaza. De même les gouvernements de RDC, du Rwanda et du Cameroun ont prononcé des déclarations en faveur de l’occupation israélienne et ont condamné les actions de résistance palestinienne. Les considérations opportunistes, liées aux intérêts de ces pays notamment à travers les collaborations qu’ils entretiennent avec Israël dans des domaines tels que la sécurité, l’agriculture, les infrastructures, la technologie et l’armement, semblent les avoir guidés. Il est à noter que ces états sont particulièrement déconnectés de leurs peuples qu’ils répriment avec férocité. Plusieurs d’entre eux font assurer la sécurité présidentielle par Israël.
Entre ces deux pôles aux positions clairement marquées, il y a un groupe de pays qui cherchent à maintenir une position leur permettant de ménager leurs intérêts avec Israël et les pays arabes. Parmi ces pays, qui ont plaidé pour une solution à deux états sur la base des frontières d’avant juin 1967, il y a le Nigéria, la Tanzanie, l’Ouganda, la Guinée Bissau, l’Ethiopie.
Malgré ces divers positionnements de la part des états, le soutien populaire à la cause palestinienne reste vivace sur tout le continent, allant souvent à l’encontre des dirigeants. Ces mobilisations sont nourries par le sentiment anti-colonial et la montée de l’anti-impérialisme, la lutte contre la françafrique dans plusieurs régions du continent. La conscience d’avoir un ennemi commun est renforcée et alimente les luttes et la solidarité. En 2024, cette pression populaire a contraint l’Union Africaine à suspendre le statut d’observateur qu’Israël avait obtenu contre l’avis de nombreux peuples africains, accordé unilatéralement en 2021 par Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’UA. Cette situation a contraint Israël à mener une politique bilatérale plutôt discrète à l’égard des pays africains. De même qu’Israël est le bras armé pour la préservation des intérêts des États-Unis et des états européens au Moyen orient aux côtés des monarchies arabes du golfe, il y a des pays sur le continent qui jouent le même rôle tel que Kagamé au Rwanda, agent des politiques anglo-américaines et israéliennes notamment en Afrique centrale.
En termes de perspectives, il est essentiel de renforcer la lutte en faveur de la Palestine à travers des actions concrètes, des solidarités actives, élargir le boycott des produits israéliens, organiser des manifestations devant les ambassades des pays impérialistes, mettre la pression sur les états africains pour qu’ils rompent leurs relations avec Israël. Mais il nous faut également renforcer les liens, les solidarités avec les peuples africains en lutte, avec le panafricanisme de combat (souvent bien seuls et isolés face à des régimes sanguinaires soutenus par l’impérialisme, qui n’ont pas plus de considération pour eux que n’en avaient les colonialistes). Il est essentiel que les forces progressistes, révolutionnaires, de l’Afrique du nord, du Moyen-Orient dénoncent le sort qui est fait aux migrants dans tous leurs pays, ayant parfois passé des deals avec l’Europe pour faire barrage et servir de rempart moyennant quelques milliers d’euros, ainsi que toutes les formes de racisme dont sont victimes les négro-africains. Ces combats doivent être portés par tous.tes.
Il nous faut renouer avec ces belles traditions qui faisaient de l’Algérie la Mecque de la Révolution et qui accueillait les persécuté.es du colonialisme, de l’impérialisme, de l’Egypte une terre d’accueil pour les militants révolutionnaires pourchassés, les Black Panthers poursuivis, le Ghana qui donnait asile aux damnés de la terre, qui n’hésitait pas à nommer parmi ses principaux dirigeants des non nationaux, le critère n’étant pas l’appartenance nationale mais l’appartenance à la galaxie anti-impérialiste, anti-coloniale, anti-capitaliste. A défaut d’avoir des pouvoirs populaires qui renouent avec ces valeurs, les organisations qui s’inscrivent dans la volonté de construire un monde débarrassé de l’impérialisme, du colonialisme, du capitalisme doivent porter ces valeurs, les réactiver et sortir des assignations nationales.
En attendant, redoublons d’efforts pour faire de la cause palestinienne notre cause commune, il y a urgence. Arrêtons de demander un cesser le feu, imposons l’arrêt de la guerre, du soutien international, des financements imperialistes et autres accords commerciaux avec le pouvoir génocidaire d’Israël.
Augusta Epanya







