Hôpital Shalom, c’est ainsi qu’a été baptisée cette mission médicale montée en un temps record. A laquelle il faut ajouter les secours que l’hôpital Hadassa de Jérusalem, les principaux centres hospitaliers israéliens, mais aussi le Magen David Adom, (l’équivalent de la Croix Rouge), l’organisation Zaka et des dizaines d’autres associations caritatives, ont dépêchés sur place. Le tout coordonné depuis Port-au-Prince par Amos Radian, l’ambassadeur en République Dominicaine, lui-même. Bref le sort d’Haïti n’a semblé échapper à aucune des bonnes âmes que compte Israël et on peut parler à ce propos d’une véritable haïtimania qui, dés l’annonce du séisme, s’est emparée du pays. En résumé, Netanyahou, à peine connu la catastrophe, n’écoutant que son vaste cœur, a aussitôt chaussé les pataugas de Mère Thérésa et fait faire un saut de 10 000 kms, 20h de vol, à ses troupes d’élite « dans l’espoir de sauver ne serait ce qu’une seule vie ». Car comme se plait à le faire remarquer le grand rabbin de France dés que l’occasion lui est donnée, « qui sauve une vie, sauve toute l’humanité » .
Le président israélien, Shimon Peres, a lancé un vibrant « Vous êtes l’honneur du pays » bien mérité à l’adresse des sauveteurs israéliens » quant à Bill Clinton, lui-même, coordinateur spécial de l’ONU à Haïti, il déclare, on le devine la voix à embuée par l’émotion « cet Etat sait mettre son expérience acquise à la guerre, au service de la paix ». Tous les reporters occidentaux ont mis l’accent sur, d’une part, le professionnalisme de l’antenne médicale israélienne et d’autre part, sur son “acharnement” à vouloir sauver des vies humaines. La radio officielle haïtienne, du moins ce qu’il en reste, aurait, elle même vanté l’excellence des secours israéliens. Que tout cela est émouvant.
Comment expliquer une telle débauche de moyens ? Comment comprendre cet altruisme hors du commun manifesté par Israël ? A contrario de tous ses contempteurs, n’est ce pas là, la démonstration de l’humanisme foncier et hors du commun de cet Etat ?
Daniel Saada, le coordinateur et porte-parole de la mission humanitaire israélienne à Haïti, nous livre la clef de cette énigme. Sans rire, il déclare : « Israël ne peut pas rester indifférent face aux souffrances des populations civiles. Ce sont nos valeurs en tant qu’Etat juif qui nous ont conduits à agir tout au long de notre existence pour porter secours et tendre la main à chaque fois que cela a été nécessaire ».
Ce que l’on est prêt à croire sans peine même si les 1,5 millions barbares de l’autre côté du mur de Gaza ne partagent pas cette opinion. Et ce, il faut le souligner, en dépit des remarquables et généreux transferts de technologie : phosphore blanc, napalm, armes DIM. réalisés par Israël à leur profit en décembre 2009 lors de l’opération Plomb durci. Que voulez vous, l’Arabe est ingrat.
En effet, faut il avoir l’esprit quelque peu tordu pour donner crédit aux mal intentionnés de tout poil qui sans la moindre preuve crient au cynisme de cette opération, allant jusqu’à affirmer que ce généreux et spontané acte de solidarité internationale, ne ferait qu’exploiter en fait, la faiblesse du peuple haïtien pour prendre pied dans ce pays. Que de plus, il répondrait à un impératif beaucoup plus trivial: faire oublier de prétendus crimes de guerre commis par Tsahal à Gaza. Enfin certains ne vont-ils pas jusqu’à prétendre qu’à l’affut de l’actualité, les stratèges en communication israéliens guettaient depuis longtemps cette opportunité ? Histoire de redorer une image ternie par la désastreuse campagne médiatique de l’hiver dernier où les photos d’enfants déchiquetés le disputaient à celles des grands brûlés. Fadaises que tout cela !
Que dire des antisémites forcenés qui n’ont pas hésité à faire remarquer que si à l’aéroport Ben Gourion, une noria d’avions gros porteurs embarquaient vers Haïti, chaque jour, des tonnes de rations alimentaires, à quelques encablures de là, des enfants palestiniens continuaient à faire la queue devant les entrepôts de l’UNRWA, quasi vides depuis plus de 3 ans ?
Allant plus loin dans leurs allégations mensongères, les mêmes ne font ils pas observer que les télés du monde entier se sont extasiées devant la prouesse des sauveteurs au drapeau bleu et blanc, qui ont sorti des décombres une gamine à la peau noire, au moment même où à quelques kms de Sderot, des nourrissons arabes subissent des séquelles irréversibles, faute des soins adéquats confisqués par le blocus israélien ?
Qui sont ces rabat-joies notoires qui s’offusquent du fait que si le zèle humanitaire des sauveteurs israéliens les poussaient paraît il à arrêter des gens dans les rues de Port au Prince pour leur demander où ils pouvaient encore trouver des ruines susceptibles de dissimuler des personnes à secourir, c’était pour mieux dissimuler une réalité. A savoir que tout près de Tel Aviv, des centaines de familles de Gaza vivent encore sous des tentes plantées sur les décombres de leurs maisons, interdites de reconstruction par ce même blocus qu’Israël impose sur les matériaux indispensables: fer, ciment et même verre ?
Bien évidemment, il ne peut s’agir encore que de purs mensonges quand un rapport récent d’Amnesty international, affirme que sur 1103 demandes de sortie urgentes faites aux Israéliens par des malades palestiniens de Gaza désirant gagner des hôpitaux à l’étranger, seules 220 d’entre eux auraient reçu le précieux sésame permettant leur sortie du ghetto. Celui ci ajoutant que 27 malades seraient décédés, l’an dernier, directement du fait de cet arbitraire israélien et depuis 3 ans, des centaines d’autres, indirectement. Que de plus le maigre matériel médical que l’armée israélienne laisse passer vers Gaza arriverait dans un état si piteux du fait des contrôles de sécurité quelque peu tatillons qu’il serait souvent inutilisable. Quant à l’eau. De plus en plus salinisée du fait des pompages intensifs réalisés pendant des années par les colons et aujourd’hui encore du fait des forages transversaux réalisés à partir du territoire israélien, celle ci, selon le même rapport, serait souvent impropre à la consommation. Occasionnant les troubles gastriques et dermatologiques que l’on sait.
D’ailleurs, est ce après avoir appris ce déficit en eau, que nos philanthropes d’Israéliens ont tenu à faire un autre geste humanitaire en direction des Palestiniens. En effet, la météo ayant cet hiver gratifié toute la région d’abondantes précipitations, les bassins de rétention israéliens situé près de la frontière avec Gaza, s’en trouvant gonflés de façon excessive, l’Etat sioniste a tenu à faire don à ses remuants voisins du trop plein accumulé. Il a fait ouvrir les vannes sans crier gare et l’énorme masse liquide a dévalé le bassin versant en direction des villages palestiniens de Johr al-Deek au sud-est de la ville de Gaza et de Nusirat dans la partie est du territoire où se trouve le camp de réfugiés du même nom. Inondant les ruelles, les gourbis et occasionnant de nombreux dégâts aux habitations de briques crues
Là encore, il faut être mal intentionné pour chercher noise aux techniciens hydrologues israéliens. Car, ce n’est là que le résultat d’une loi célèbre appelée loi de la pesanteur. Dans laquelle nous ne voyons pas comment Israël pourrait avoir la moindre responsabilité.
Evidemment les irréductibles de la critique s’étonneront encore du fait qu’Israël prétende aider Haïti à refaire son agriculture alors que depuis des années, en Palestine, des dizaines de milliers d’arbres furent détruits, des milliers d’hectares de terres furent confisqués et que la marine de guerre empêche les pécheurs palestiniens de s’éloigner à plus de 3 milles au large de Gaza. ( 6 km, c’est à dire rien pour un pêcheur ).
Concernant l’attitude d’Israël vis à vis d’Haïti, il est notoirement connu que dans l’histoire de l’expansionnisme occidental, fausse compassion et massacres ont toujours été étroitement associés. A la faveur d’une intervention aux prétentions humanitaires, il s’agit le plus souvent on s’en doute de conquérir de nouveaux territoires, d’assurer une domination, d’imposer des allégeances, en un mot d’asservir. C’est ainsi qu’en vertu de la même logique, depuis 1994 et l’envoi d’une mission humanitaire au Rwanda après le génocide, les forces armées israéliennes sont intervenus à neuf reprises lors de catastrophes ou de conflits – notamment en Turquie ou en Inde après des séismes, au Kenya après l’attentat contre l’ambassade américaine ou au Kosovo. A chaque fois il s’agissait de répondre aux besoins géopolitique du pays et organiser son redéploiement stratégique. L’opération d’Haïti s’inscrit dans le cadre de l’offensive israélienne en direction et de l’Amérique latine ( Israël est déjà bien implanté en Colombie ) et du monde africain. Opposer dans le malheur, Haïti à Gaza, le monde noir au monde arabe, relève de ce point de vue de cette même démarche. La doctrine est simple et est quasiment la même depuis toujours. En toute bonne guerre, elle consiste à ceinturer les pays arabes ou musulmans hostiles, à soutenir l’islam non arabe ou à armer les Etats ayant un contentieux avec ce même monde arabe.
Par ailleurs, la démarche d’Israël en direction de l’Afrique est quelque peu saugrenue pour qui veut bien se remémorer quelques faits d’histoire. Son soutien apporté en 1961 à la capture et à l’exécution de Patrice Lumumba, au Congo par Moïse Tshombé son allié ou bien l’aide politique, diplomatique, militaire fournie pendant toute son existence au régime d’Apartheid d’Afrique du sud, notamment pour qu’il échappe au boycott et qu’il se dote de l’arme nucléaire. Mais encore de la bienveillance manifestée pour les sales guerres coloniales menées par la dictature portugaise de Salazar en Angola, Guinée Bissau et Mozambique et puis du zèle avec lequel Israël a toujours protégé militairement tous les régimes les plus criminels du continent : Bokassa, Mobutu etc. Et que dire du soutien à la dictature haïtienne des Duvallier, père et fils de concert avec la CIA ? Enfin, pour finir, il suffit d’observer le mépris entretenu en Israël à l’endroit des Falashmoras, ces juifs éthiopiens qui dans les années 80, pour une (déjà) opération de marketing politique, avaient été arrachés à leurs hauts plateaux d’Afrique. Imaginer qu’ils sont traités pratiquement comme des Arabes n’est pas peu dire. A l’époque au , il s’agissait de faire oublier les 20 000 assassinats dont 2000 au moins rien que dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila que Tsahal venait de commettre au Liban, en 1982, lors de l’opération répondant au doux nom de Paix en Galilée.
Précisons qu’il est parfaitement compréhensible qu’en situation de détresse extrême, les populations secourues ne puissent faire la fine bouche en refusant une main tendue, aussi peu ragoutante soit elle. Cependant, nul mieux que nos frères des Caraïbes savent que le sionisme comme l’impérialisme, peu habitué aux états d’âme finira par présenter la note. Il est à craindre que le jour venu, l’addition qu’Israël réclamera au peuple haïtien, soit quelque peu salée. Comme la fois, un certain 29 novembre 1947 où, à New York, en marge du vote de l’assemblée générale des nations unies qui allait décider du sort de la Palestine, le gouvernement Haïtien d’alors qui s’apprêtait à s’abstenir ou à voter non au plan de partage, se vit contraint (tout comme le Libéria d’ailleurs) de voter oui, sous la menace officielle des Etats unis d’Amérique de le désintégrer immédiatement en lui coupant toute aide économique s’il n’approuvait pas la création de l’Etat d’Israël en lieu et place de la Palestine historique. C’était déjà là, sans doute, la manifestation des fameuses valeurs israéliennes chères à Daniel Saada.
Trêve de plaisanterie. Israël étant d’abord un colonialisme de peuplement, le peuple palestinien à ses yeux et quoi qu’il fasse, demeura en dépit de tous les Mahmoud Abbas, un peuple de trop. La seule initiative de paix acceptable qu’il puisse prendre, étant comme dans les Contes des Mille et une nuits, d’accepter de se dissoudre dans l’air, corps et âme.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire en filigrane ce qu’écrit l’opération israélienne à Haïti. En effet, il s’agit, au delà des cris de réjouissance et d’admiration de bien entendre le message subliminal à destination des Palestiniens.
« Vous, animaux de Gaza, sachez le, vous ne valez rien, vous valez encore moins que n’importe qui. Regardez ces nègres pour lesquels, vous vous en doutez, nous n’avons aucun amour. Et bien, nous accomplissons des milliers de kms jusqu’à Haïti pour vous dire une chose : combien nous vous haïssons. Vous qui êtes à Gaza, selon la jolie formule datant de 1983, de l’ancien chef d’Etat major, Raphaël Eytan, comme des cafards drogués dans une bouteille… non seulement toute cette aide vous passe au dessus du nez mais nous vous écraserons ».
Ce à quoi les dignes fils de Gaza répondent de façon tout autant subliminale.
« Il y a un an, nous aussi, toutes proportions gardées, avons retrouvé des corps et des rues méconnaissables. Sachez le, nous qui souffrons, sommes réellement solidaires de nos frères haïtiens. Cependant, ne vous étonnez pas si en bas les infâmes microbes que nous sommes, loin de rendre un culte à votre Dieu cargo, planant au dessus de nos têtes, méprisons votre aide mais aussi votre force brutale. Nous ne vous craignions pas. Aussi enfoncez vous bien dans le crâne, qu’en dépit de nos deuils, de la faim, de la soif, nous ne plierons pas. Plus que tout, nous aimons la liberté, c’est pourquoi nous ne céderons jamais. Sur nos plages, dans nos champs, dans nos villes, nous vous attendons de pied ferme et résisterons jusqu’au bout. Jamais vous ne nous dompterez »
Youssef Boussoumah, membre du Mouvement des Indigènes de la République