A plusieurs reprises, des gens ont demandé récemment, « Quelles implications aura la crise économique mondiale sur la politique US au Moyen-Orient, et les pays du Moyen-Orient s’appuieront-ils plus, ou moins, sur les USA alors que ceux-ci souffrent de leur propre crise économique ? » Ce ne sont pas des questions simples, mais voici, très brièvement, nos premières ébauches de réponses.
Commençons par parler de la politique américaine qui pourrait se dégager pour le Moyen-Orient dans les prochains mois. Un premier point qu’il faut régler c’est que la politique actuelle héritée de l’administration Bush est un désastre. Pratiquement toutes les nations vivant au Moyen-Orient – et ailleurs sur cette question – croient que la crise économique qui s’étend actuellement sur le monde a été largement provoquée par la version extrême du capitalisme aux Etats-Unis, avec son penchant massif vers les privatisations et la suppression des régulations qui auraient pu fournir quelque protections aux citoyens ordinaires. Au minimum, il existe un sentiment très répandu de Shadenfreude se réjouir de la souffrance d’autrui… penser que justice est faite… – ndt] sur la douleur qui est celle des Etats-Unis aujourd’hui et, à un niveau politique, il existe une forte aversion à l’égard des Etats-Unis pour des politiques qui sont considérées à juste titre comme venant du colonialisme US et israélien, et de la construction de l’Empire, et blâmées pour les malheurs et les inégalités économiques qui frappent maintenant les nations du monde entier.
Il existe deux grands scénarios possibles pour le développement de la politique américaine au Moyen-Orient dans l’année qui vient. Encore aujourd’hui, nul n’en sait assez sur le président Obama pour dire quel scénario ou quelle variante est le plus plausible. De plus en plus, cependant, il apparaît que s’agissant des Affaires étrangères, il ne changera pas beaucoup. Nous espérons nous tromper. Mais au moins sur la question centrale de la Palestine/Israël, Obama a clairement dit au début de sa campagne, bien avant l’élection, qu’il soutiendrait les éléments de droite du lobby israélien conduits par l’AIPAC. La question qui reste posée est de savoir quelle force aura ce soutien.
Selon le premier scénario, Obama cherchera à continuer sur la lancée, essayant de s’en tirer en modifiant aussi peu que possible la politique de Bush, mais en s’écartant nettement des excès les plus violents de la politique de Bush sur la torture. Obama veut l’extension de la guerre en Afghanistan et va poursuivre la guerre en Iraq plus longtemps qu’il ne l’a annoncé. Dans ce scénario, il essaiera de maintenir les discussions aussi longtemps que possible sur l’Iran et d’éviter la guerre. Il essaiera aussi de garder son appui au gouvernement civil du Pakistan, mais il ne devrait pas s’opposer réellement à un retour de la dictature militaire dans ce pays si le Pakistan continue de soutenir sa politique pour l’Afghanistan et l’Iran.
C’était le premier scénario. Bien que par son appui à l’Empire et au colonialisme, ce scénario soit peu recommandable, au moins Obama essayerait d’éviter une guerre de grande ampleur.
Le second scénario, beaucoup plus militariste, est de loin le pire, impliquant peut-être de nouvelles guerres, mais il indique que la politique d’Obama au Moyen-Orient pourrait bien basculer dans les mois restant à courir en 2009.
A l’heure actuelle, Obama se trouve face à des menaces économiques intérieures plus graves qu’il ne l’avait cru durant la majeure partie de sa campagne, et qui pourraient bien se réaliser très rapidement.
Mais il est confronté aussi à un complexe militaro-industriel qui fait pression aujourd’hui pour toujours plus de dépenses militaires et pour une politique étrangère plus agressive, entre autres choses pour aider à résoudre les difficultés économiques des Etats-Unis. En plus de cela, Obama est face à la perspective d’un gouvernement israélien avec Benjamin Netanyahu encore plus à droite que l’actuel, et qui sera soutenu par cette partie du lobby pro israélien que constitue l’AIPAC. Cette fraction du lobby est probablement l’allié le plus puissant du complexe militaro-industriel pour plus de guerres et plus d’agressivité dans la politique US au Moyen-Orient. Obama a montré qu’il soutenait le lobby tout au long de sa campagne et, plus récemment, il n’a rien fait pour s’opposer au succès du lobby quand celui-ci a descendu en flammes Charles Freeman, excellent candidat pour un poste de haut niveau dans les Renseignements US mais que le lobby accusait d’être anti-Israël. Etant donné qu’il y a une majorité d’électeurs US qui soutiennent habituellement Israël, sans beaucoup y réfléchir, le mouvement pour la justice et la paix qui est désorganisé aux Etats-Unis n’est pas très efficace pour s’opposer que ce soit au complexe militaro-industriel ou au lobby pro israélien de droite.
Obama a d’ores et déjà clairement démontré qu’il ne voulait pas être le dirigeant américain qui perdra l’Empire américain. D’une façon générale, la plupart des gouvernements européens et des gouvernements arabes, comme le gouvernement japonais, ne s’opposeront pas à lui. Les opinions publiques de ces pays, à l’inverse de leurs gouvernements, seront un peu plus fortes dans l’opposition à la politique de l’Empire US, mais il est douteux qu’elles soient en mesure d’accomplir des prouesses.
Ce qu’il faut donc conclure, c’est que si ce second scénario se révèle être le vrai, alors nous nous trouverons face à une période extrêmement dangereuse de l’histoire du monde. Il existe en effet des forces tant aux Etats-Unis qu’en Israël qui veulent le choc des civilisations et qui ne sont absolument pas opposées à de nouvelles guerres, et ces forces sont puissantes. Evidemment, la première nation à être touchée par la réalisation de ce scénario serait l’Iran.
A ce stade, il est impossible de savoir si Obama veut, ou peut, empêcher ces forces de dominer la future politique états-unienne dans tout le Moyen-Orient.
Bill et Kathleen Christison
SOURCE : [Info-Palestine.net