Et pourtant nos conditions d’études sont loin d’être idéales : travailler à côté, se loger, se soigner… est deux fois plus compliqué pour un étudiant indigène. Et si nous avons le malheur d’être femme, d’être voilée, on nous proposera de nous libérer plutôt que du travail, ou on nous traitera de « salope musulmane »…Au sein même de la fac, filles indigènes voilées et non voilées sont vu comme des pauvres filles musulmanes sous le joug d’arriérés musulmans .Nous en avons ras le bol du paternalisme de certains français de « souche », de féministes à la « Ni putes Ni soumises ». Nous, indigènes des facs, nous voulons de la dignité, l’heure de la colonisation est finie pour nos parents et nous refusons que l’idéologie coloniale continue à nous maintenir aujourd’hui encore dans les cités,au travail,à l’école,à la fac…dans une situation de domination.
Militer pour un étudiant indigène et sur une question indigène est souvent difficile et risqué. Quand une étudiante palestinienne se fait violemment agresser à Tolbiac, l’administration reste passive, aucune mesure n’est prise pour interdire l’accès de la fac à un multirécidiviste.
La Mutuelle Des Etudiants pour qui cet étudiant travaille ne l’a pas renvoyé. On peut donc casser du militant indigène à loisir sur les facs sans que personne ne soit choqué ou ne réagisse .A croire qu’un militant indigène à moins de valeur qu’un autre militant .Les pratiques de la fac sont loin d’être égalitaires, le haut lieu du savoir la Sorbonne interdit le prêt à sa grande bibliothèque aux étudiants de banlieue : rien ne le justifie, il s’agit encore une fois d’un traitement d’exception. Un indigène reste un indigène même à la fac. A quoi bon faire des études et se cultiver ? Les étudiants étrangers subissent un traitement particulièrement arrogant de la part de l’administration qui sélectionne les dossiers sur des critères arbitraires, ou ne les accepte même pas.
Les organisations de la fac ont tendance à nous envisager comme des bras, des cartes ou des indigènes de service. En aucun cas, la question qui nous concerne, la question raciale est prise en compte. Nous n’avons rien à faire d’une semaine contre le racisme à la fac, ce genre d’anti-racisme bon teint qui sert à dédouaner les gentils racistes. Le racisme c’est tous les jours que nous le vivons et c’est donc tout le temps, pied à pied que nous le combattons. Le mouvement contre le CPE n’a pas posé la question raciale. Certains indigènes grévistes se sont sentis utilisés comme de simples bras, arabes ou noirs de service. Le mouvement du CPE a pu considérer les émeutiers comme des sauvages sans cervelles qui n’avaient pas la « bonne manière » de lutter. Mais ce n’est pas au bon facho de gauche de nous apprendre à nous, indigènes, les bons moyens, les moyens « civilisés » de la protestation La révolte des quartiers indigènes allaient décrédibiliser un mouvement de jeunes universels qu’on ne pouvait quand même pas amalgamer aux communautaristes, sauvageons et racailles… Pourtant les indigènes connaissent le CPE tous les jours sur le marché du travail : on sait de quoi on parle et la révolte est légitime ! Les syndicats et partis croient souvent avoir le monopole des luttes, nous pointent tantôt du doigt, nous invisibilisent d’autres fois ou encore nous instrumentalisent comme le fait la droite. Comment envisager une solidarité entre les mouvements progressistes et indigènes dans de telles conditions ? La loi sur l’égalité des chances dans son ensemble parlait de nos parents, de nous, de nos quartiers indigènes et pourtant quand une partie d’entre nous se révolte contre l’injustice nous sommes des barbares. Et pourtant, être indigène dans ce pays ne signifie rien d’autre que d’être tout le temps écrasé, humilié, stigmatisé, médiabolisé…A partir de notre position dans la société, nous poserons les termes des débats, nous exprimerons les conditions que nous pensons préalables aux luttes…Nous ne voulons plus de paternalisme, plus de condescendance, plus de leçons d’organisation ! Cette fois c’est nous qui allons décider quelles luttes nous voulons mener et des moyens qui nous conviennent.
Collectif étudiants indigènes
(1er mai 2007)