Les informations sur les circonstances de ce crime, rendues publiques à ce jour, très partielles et de sources souvent contestables, ne permettent donc pas d’affirmer de manière tranchée l’existence d’une dimension effectivement raciste. Si cette dimension était avérée, cela ne ferait que confirmer nos avertissements répétés quant aux effets pervers du comportement d’une classe politique et d’une presse qui piègent et empoisonnent en permanence l’opinion publique par la banalisation d’un discours d’exclusion ethnique et religieux. Il doit être mis un terme à ce discours et aux pratiques qui le sous-tendent pour laisser place à un réel débat politique public sur les multiples aspects de la crise subie par l’ensemble du corps social.
Alors que la révolte de novembre avait replacé le débat concernant l’immigration postcoloniale sur le terrain du système de discriminations ethniques et raciales, ce crime crapuleux fournit l’occasion rêvée de le rabattre une fois de plus sur le registre d’un anti-racisme exclusivement moral fondé sur la lutte contre la « haine de l’Autre » et l’insécurité.
Pour l’heure, nous Indigènes de la République, ne pouvons que :
Dénoncer le traitement politico-médiatique de ce crime et alerter l’opinion sur les dangers d’une stratégie politicienne fondée sur l’exacerbation des différences communautaires, ethniques ou religieuses. A l’évidence, il s’agit d’installer cyniquement l’idée d’une soit-disant guerre de religions et d’une criminalisation portée par les jeunes des quartiers populaires et notamment ceux d’entre eux qui sont issus de l’immigration coloniale et postcoloniale.
Dénoncer les manœuvres visant à « communautariser » l’indignation par l’inégalité de traitement des différentes formes de racismes. Le traitement d’exception accordé au racisme anti-juifs risque de construire ces derniers en boucs émissaires potentiels et de creuser les oppositions entre les différentes composantes de la société française dont un des fondements reste la hiérarchisation ethnique et raciale. Nous l’avions déjà dénoncé dans l’Appel des indigènes de la république : « Comme aux heures glorieuses de la colonisation, on tente d’opposer les Berbères aux Arabes, les Juifs aux « Arabo-musulmans » et aux Noirs. »
Dénoncer la théâtralisation médiatique et l’instrumentalisation politique de ce crime au lendemain de la révolte des quartiers alors que le gouvernement s’apprête à faire voter la loi sur l’immigration « jetable » et celle sur l’égalité des chances destinées à aggraver la précarisation des jeunes et la stigmatisation des familles issues de l’immigration.
MIR, mars 2006