Maintenant, figurez-vous, il est vrai que des biens ont été détruits. Mais considérons cela sous un autre angle. Dans ces communautés noires, l’économie de la communauté n’est pas entre les mains de l’homme Noir. L’homme Noir n’est pas son propre propriétaire. Les bâtiments dans lesquels il vit appartiennent à d’autres. Les magasins de la communauté sont tenus par d’autres. Tout, dans la communauté est hors de son contrôle. Il n’a rien à dire en la matière, il ne peut rien faire si ce n’est y vivre et payer le loyer le plus élevé en échange de l’habitation la plus médiocre, (applaudissements) payer les prix les plus élevés pour se nourrir, pour la plus mauvaise nourriture. Il est victime de cela, victime de l’exploitation économique, de l’exploitation politique et de tout autre type.
Aujourd’hui, il est si frustré, tellement sous la pression de cette énergie explosive qui l’habite, qu’il voudrait attraper celui qui l’exploite. Mais celui qui l’exploite n’habite pas dans son voisinage. Il est seulement le propriétaire de sa maison. Il est seulement le propriétaire de son magasin. Il est seulement le propriétaire du voisinage. Si bien que lorsque l’homme Noir explose, celui qu’il voudrait attraper n’est pas là. Alors, il détruit ses biens. Ce n’est pas un voleur. Il n’essaie pas de voler vos meubles ou votre nourriture de médiocre qualité. Il veut vous attraper, mais vous n’êtes pas là. (Applaudissements)
Au lieu que les sociologues n’analysent le vrai problème, tel qu’il est, n’essaient de le comprendre, tel qu’il est, ils utilisent la presse pour faire croire que ces gens sont des voleurs, des truands. Non ! ce sont des victimes du vol organisé, des propriétaires organisés qui ne sont rien d’autre, que des voleurs, des marchands qui ne sont rien d’autre que des voleurs, des politiciens qui siègent au gouvernement et qui ne sont rien d’autre que des voleurs complices des propriétaires et des marchands. (Applaudissements)
Mais, une fois de plus, la presse est habituée à faire de la victime le criminel et du criminel la victime… c’est de l’imagerie. Et tout comme cette imagerie est employée à l’échelon local, vous pourrez la comprendre mieux grâce à cet exemple pris au plan international : le meilleur exemple, et le plus récent témoignant de mes paroles se trouve dans la situation du Congo. Écoutez ce qui s’est passé : nous nous sommes trouvés dans une situation où des avions lançaient des bombes sur des villages africains. Un village africain n’a aucune défense contre les bombes ; un village africain ne constitue pas une menace suffisante pour être bombardé ! Les avions lançaient pourtant des bombes sur les villages africains. Et lorsque les bombes frappent, elles ne font pas la distinction entre les amis et les ennemis, elles ne font pas la différence entre les hommes et les femmes. Lorsque les bombes sont lancées sur les villages africains du Congo, elles sont lancées sur des femmes noires, sur des enfants noirs, sur des bébés noirs. Les êtres humains se retrouvent déchiquetés… Je n’ai entendu aucun cri de protestation, aucune compassion à l’égard de ces milliers de Noirs abattus par les avions. (Applaudissements)
Et pourquoi n’y eut-il pas de cris de protestation ? Pourquoi ne nous sommes nous pas sentis concernés ? Parce que une fois de plus, très habilement, la presse fait des victimes les criminels et des criminels, les victimes. (Applaudissements).
Malcolm X