Ce rapport repose principalement sur les témoignages des familles, des comités de soutien et des avocats recueillis en France par des représentants d’Amnesty International lors d’une mission menée en septembre et octobre 2011, et souligne les répercussions pour les familles des victimes du fait de la lenteur et l’inadéquation des enquêtes. Tous les parents des victimes interrogés ont évoqué l’effet terrible que le décès, puis le sentiment de ne pas avoir accès à la vérité et à la justice, ont eu sur eux et sur leur capacité à faire leur deuil. Les cinq personnes décédées appartenaient à des minorités dites « visibles »: un Français d’origine sénégalaise et quatre ressortissants étrangers originaires du Mali, de la Tunisie, d’Algérie et du Maroc. Les parents des victimes ont déclaré à Amnesty International que leurs gouvernements respectifs ne leur ont apporté que peu ou pas de soutien dans leur quête de justice.
Cinq cas sont présentés dans le rapport :
Abou Bakari Tandia, un Malien de 38 ans, décédé suite à sa garde à vue en décembre 2004, à Courbevoie ;
Lamine Dieng, un Français d’origine sénégalaise âgé de 25 ans, décédé au cours de son interpellation en juin 2007, à Paris ;
Abdelhakim Ajimi, un Tunisien de 22 ans, décédé pendant son interpellation en mai 2008, à Grasse ;
Ali Ziri, un Algérien de 69 ans, décédé suite à son interpellation en juin 2009, à Argenteuil ;
Mohamed Boukrourou, un Marocain de 41 ans, décédé pendant son interpellation en novembre 2009, à Valentigney.
Amnesty International est profondément préoccupée car, à ce jour, les allégations dont fait état ce rapport ne semblent pas faire l’objet d’enquêtes adéquates et approfondies dans les meilleurs délais. La majorité des agents de la force publique impliqués n’ont pas été mis en examen et, à notre connaissance, sont toujours en fonction.
La France est tenue de respecter le droit à la vie, de le protéger et de veiller à ce que le recours à la torture et aux autres mauvais traitements soit absolument prohibé. Cette obligation comporte un élément essentiel : la nécessité de diligenter dans les meilleurs délais des enquêtes exhaustives, impartiales et indépendantes respectant le droit international relatif aux droits humains.
En outre, Amnesty International est consternée de constater que, même si l’âge, l’origine sociale et la nationalité des victimes de violations des droits humains commises par les agents de la force publique varient, les cas portés à sa connaissance concernent, dans leur grande majorité, des personnes appartenant à des minorités « visibles ». Amnesty International avait déjà relevé ce phénomène dans deux précédents rapports, l’un publié en 2005 et intitulé France. Pour une véritable justice (index AI : EUR 21/001/2005), l’autre publié en 2009 et intitulé France. Des policiers au-dessus des lois (index AI : EUR 21/003/2009).
Compte tenu de ce qui précède, Amnesty International vous demande instamment de prendre des mesures pour vous assurer que les enquêtes diligentées sur les cas de décès impliquant des agents de la force publique soient réellement menées dans les meilleurs délais et soient exhaustives, indépendantes et impartiales, en particulier pour Abou Bakari Tandia, Lamine Dieng, Abdelhakim Ajimi, Ali Ziri et Mohamed Boukrourou.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Nicola Duckworth
Directrice du Programme Europe et Asie centrale
Secrétariat international d’Amnesty International
Geneviève Garrigos
Présidente d’Amnesty International France
Ali Yemloul
Président d’Amnesty International Algérie
Mohamed Sogoba
Coordinateur Actions Urgentes d’Amnesty International Mali
Salah Abdellaoui
Directeur Executif d’Amnesty International Maroc
El hadj Abdoulaye Seck
Chargé de la mobilisation d’Amnesty International Sénégal
Sondés Garboug
Présidente d’Amnesty International Tunisie