Le 28 octobre, lors d’une réunion publique à Clamart (Hauts-de-Seine), Martine Aubry avait d’ailleurs regretté qu’elle et ses camarades aient «été tentés d’abandonner (leurs) valeurs pour plaire» notamment sur l’immigration. «Nous avons, comme la droite, parlé de stocks et de flux, au lieu de parler d’hommes et de femmes, a-t-elle reconnu. N’acceptons pas de dire que ces hommes et ces femmes viennent manger la laine sur le dos des Français ou qu’ils creusent le trou de la sécurité sociale». Ces belles paroles posées, quels sont les projets des candidats socialistes à la direction du parti en la matière ? Revue de détail des six motions en lice pour le Congrès de Reims.
La plus lyrique et floue
La motion A conduite par Bertrand Delanoë.
Constat de départ: la France a besoin de l’immigration «pour relever le défi du vieillissement démographique ou répondre aux besoins de main d’œuvre de nos économies». Elle doit donc, en concertation avec les pays européens, «bâtir une politique d’immigration humaine et raisonnée ». Celle-ci se déclinera en «trois piliers». En premier lieu, si la «lutte contre les filières d’immigration clandestine doit être menée avec fermeté, nous ne voulons pas que la France vive à nouveau ces scènes si blessantes pour sa conscience et qui, sous l’impulsion de Réseau Éducation Sans Frontière (RESF), ont largement mobilisé de nombreuses familles : des enfants arrachés de leur cour d’école, sous les yeux de leurs camarades ; un grand-père arrêté, pour être expulsé, à la porte du collège où il attendait son petit-fils».
Deuxièmement: une véritable stratégie d’intégration avec la création d’«un contrat d’accueil, comportant un suivi et un soutien effectif des migrant», un accent mis sur «la maîtrise de la langue française», et le retour du «droit de vote des résidents étrangers aux élections locales», promis par Mitterrand et Sarkozy et jamais mis en oeuvre. Enfin, un «partenariat équitable et respectueux entre pays d’accueil et pays d’émigration».
La plus vague
La motion B de Géraud Guibert, responsable national PS à l’Ecologie, et conseiller municipal au Mans
Elle promet «une nouvelle politique de l’immigration au niveau européen» prenant «clairement en compte la nécessité d’une approche humaine passant par le maintien du contrôle des flux migratoires mais aussi par des régularisations sur des critères clairement établis, en particulier pour ceux qui disposent d’un travail».
La plus synthétique avec celle de Martine Aubry
La motion C emmenée par Benoît Hamon
Lui aussi part du constat «qu’à l’horizon 2050, l’Europe sera confrontée a un grave déficit démographique», que «pour empêcher une diminution de la population totale, il faudrait que l’UE accueille 47 millions d’immigrés» et que «pour maintenir l’effectif de la population active, le chiffre serait de 77 millions». Considérant donc que «l’immigration est une chance pour la France et l’Europe de demain», Benoît Hamon et ses camarades proposent «une nouvelle politique» passant «nécessairement par un plan initial de régularisation». «Il faut également proposer des visas de travail permettant des allers retours simplifiés avec le pays d’accueil », ajoutent-ils. Mais cette politique s’accompagnera d’une «lutte résolue contre le travail au noir».
L’autre plus synthétique avec celle de Benoît Hamon
La motion D de Martine Aubry
D’emblée, les militants sont prévenus: «Nous n’avons jamais pensé que les frontières de la France devaient être ouvertes à tout vent, que l’ensemble des sans papiers devaient être régularisés». Certes, mais ceci posé, que proposent les auteurs de cette motion? Une «politique d’immigration fondée sur un juste équilibre entre famille, travail et asile (plutôt que sur le tri des immigrés), sur des accords négociés de codéveloppement, sur une politique de visa pour les étudiants facilitant les allers retours, sur une politique de régularisation ouverte, fondée sur des critères clairs et explicites, reconnaissant ceux qui sont ici depuis longtemps et qui font la preuve de leur insertion».
La plus orientée sur l’économie et le travail
La motion E soutenue par Ségolène Royal
«Il ne s’agit en aucun cas de supprimer les frontières» préviennent Ségolène Royal et ses amis. Mais de «créer un système sécurisé d’aller et retour avec visa permanent», permettant de travailler temporairement en France et de retourner dans son pays. Autres points: «simplifier les procédures de recrutement pour répondre en temps réels aux besoins des entreprises», «subordonner les avantages dans les secteurs qui emploient beaucoup de salariés en situation irrégulière (hôtellerie-restaura tion, BTP, services à la personne) à un engagement de moralisation des pratiques et de lutte contre le dumping salarial», d’être «un pays attractif pour les jeunes étudiants étrangers, qui préfèrent souvent partir dans d’autres pays, où ils sont mieux reçus». De «régler au cas par cas la situation des travailleurs étrangers sans-papiers avec des critères clairs, tels que l’existence d’un contrat de travail et le paiement d’impôts».
La plus généreuse
La motion F présentée par Franck Pupunat, co-fondateur d’Utopia, groupe de réflexion fondé sur l’écologie, l’atermondialisme et l’anti-productivisme également présent chez les Verts
«Le droit à la migration est un droit fondamental» affirment ses auteurs. «La liberté de circulation et d’établissement» doivent donc être reconnus comme des droits fondamentaux. D’où une «régularisation de tous les sans-papiers actuellement sur le territoire français», la «dépénalisation du séjour irrégulier», «l’abandon des restrictions au regroupement familial», «la lutte contre les entreprises des pays d’accueil qui cherchent à exploiter l’immigration clandestine et contribuent en premier lieu à appeler ces immigrants», etc.
07 novembre 2008