A la suite du tollé provoqué par l’initiative gouvernementale, la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, avait confié au criminologue Alain Bauer, président du groupe, la mission de réfléchir à un équilibre « entre l’efficacité de la protection des personnes et la nécessité de la protection vigilante des libertés« .
Dans un projet de rapport du groupe pour le gouvernement, que s’est procuré l’AFP jeudi 4 décembre, une des conclusions propose de tester le fichage des suspects sur la base de leur couleur de peau et de leur origine ethnique. D’après M. Bauer, la question était de savoir quels étaient « les éléments les plus pertinents devant faciliter l’identification d’un individu suspecté d’avoir perpétré une infraction« . Selon le texte, les participants sont tombés d’accord pour dire qu’un dispositif combinant « l’appartenance vraie ou supposée à une origine ethno-raciale » et « la gamme chromatique » pourrait être une solution. Une majorité d’entre eux a prôné son « expérimentation (…) sur un département incluant zone rurale et zone urbaine » pendant une durée d’un an.
Le ministère de l’Intérieur a immédiatement démenti, dans un communiqué, que cette idée puisse être un jour adoptée. « Si cette proposition devait être faite, Michèle Alliot-Marie ne la retiendrait en aucun cas« , assure-t-on place Beauvau. Contacté par l’AFP, M. Bauer assure qu’elle « ne correspond a aucun élément du texte provisoire du rapport« . « La question qui a fait l’objet de débats concerne effectivement la manière de caractériser une personne, explique-t-il. Il a été constaté qu’aucune solution technique viable et consensuelle n’apparaissait, sauf pour la suppression du type ‘gitan’ qui ne correspond à aucun critère rationnel. »
DIX « TYPES » ETHNIQUES
Selon le document, la classification ethnique devait combiner dix « types » : méditerranéen-caucasien, africain-antillais, métis et autres, maghrébin, moyen-oriental, asiatique, indo-pakistanais, latino-américain, polynésien et mélanésien, soit une actualisation de ceux actuellement utilisés dans le fichier de police informatisé STIC (système de traitement des infractions constatées) – qui répertorie les auteurs et victimes de crimes -, à l’exception du type « gitan« , jugé innoportun. « Cette proposition, indique Alain Bauer dans l’introduction du rapport, montre la difficulté de mettre en place un outil utile pour les victimes, efficace pour les policiers, et qui ne heurte pas frontalement l’opinion publique dans l’idée qu’elle se fait de la lutte contre les discriminations. » Le ministère de l’Intérieur avait indiqué que les travaux du groupe de contrôle des fichiers devraient être rendus publics dans le courant du mois de décembre.
Le retrait du fichier Edvige, censé remplacer le fichier des anciens Renseignements généraux, a été officialisé jeudi 20 novembre, par un décret paru au Journal officiel. Une nouvelle mouture du fichier, baptisée Edvirsp (exploitation, documentation et valorisation de l’information relative à la sécurité publique), attend l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés avant d’être présentée au Conseil d’Etat. Edvirsp exclut désormais le recueil de données concernant la santé ou la vie sexuelle, ainsi que le fichage de personnalités exerçant un mandat ou jouant un rôle institutionnel, économique, social ou religieux « significatif« .
Source : LEMONDE.FR, 04.12.08