Obama en sorcier africain, un os en travers du nez, Obama en fourrure de singe, mangeant une banane… Dans les manifestations de ces derniers mois contre le président américain et sa réforme de la santé, les attaques racistes ont fait un retour en force. Dans les talk-shows à la télévision ou la radio, les plus exaltés se moquent presque ouvertement de la couleur du président. Ainsi Rush Limbaugh, le plus célèbre des porte-voix de l’ultra-droite, montait en épingle la semaine dernière des images filmées dans un bus, montrant un enfant blanc rossé par un noir. Son commentaire : «Voilà l’Amérique d’Obama, des enfants blancs maintenant battus dans les bus scolaires.» Pour Limbaugh, Obama est «un Noir qui cherche la bagarre». Pour Glenn Beck, un autre de ces enragés, animateur sur la chaîne de télévision Fox, Obama est «un type qui a une haine profonde pour les Blancs ou pour la culture blanche». «Je pense que ce type est un raciste», a lancé Glenn Beck cet été.
«Birthers». Même sur CNN, le conservateur de service Lou Dobbs s’est pris de passion cet été pour le certificat de naissance de Barack Obama, demandant que le président «montre le document» prouvant sa citoyenneté américaine. Cette question de la nationalité du Président inspire tout un mouvement, les «birthers», qui, envers et contre toute évidence, suggèrent qu’Obama ne serait pas vraiment américain, ni donc éligible comme président, car il serait né au Kenya (il est né à Hawaï, Etat américain).
La polémique a rebondi la semaine dernière quand Jimmy Carter a accusé de racisme les détracteurs d’Obama. « Je pense qu’une part écrasante de l’intense animosité qui s’est exprimée envers le président Obama tient au fait qu’il est noir, qu’il est afro-américain », a lancé l’ancien président démocrate. «Je vis dans le Sud, et j’ai vu le Sud faire beaucoup de chemin. Mais cette tendance raciste existe toujours et je pense qu’elle est remontée à la surface en raison d’un sentiment partagé par beaucoup de Blancs, pas seulement dans le Sud mais dans l’ensemble du pays, selon lequel les Afro-Américains ne sont pas qualifiés pour diriger ce grand pays.»
«Diversion pathétique». A l’heure où l’Amérique se veut «post-raciale», fière de son premier Président noir, la semonce de Carter a fait du bruit. Les Républicains crient à la manœuvre de diversion, soupçonnant les démocrates de vouloir ressouder les rangs derrière Obama, au moment où sa popularité s’effrite. Le président, noir lui aussi, du parti républicain, Michael Steele, dénonce «une diversion pathétique des démocrates pour détourner l’attention du très impopulaire projet gouvernemental de système de santé».
Fidèle à lui-même, et à son souci de rassembler au-delà des races, Barack Obama a fait mine de ne guère s’intéresser au sujet : «Je pense que les critiques ont plus à voir avec le fait que certains personnes veulent cyniquement me faire échouer dans ma politique», a assuré le Président dimanche, invitant les Américains à revenir à «plus de politesse et de courtoisie».
grand interdit. Même si Obama le nie -tout en en profitant pour remobiliser ses troupes-, il est clair qu’une partie de l’Amérique a encore un problème avec un Président noir. Le Southern Poverty Law Center (SPLC), qui traque les groupes extrémistes, observe un «retour des milices» qui s’étaient déjà manifestées dans les années 1990 sous le nom de mouvement «patriote». Avant même l’élection d’Obama, de 2000 à 2008, le SPLC a compté une augmentation de 54% du nombre de groupes racistes et extrémistes, passés de 602 à 926. L’installation d’Obama à la Maison blanche «a injecté un fort élément racial dans ces milieux d’extrême droite», souligne Larry Keller, du SPLC, qui a déjà recensé plusieurs meurtres et complots en partie inspirés par cette élection. En Floride, un homme rendu furieux par Obama a tué deux policiers. Près de Boston, un autre tourmenté par le «génocide» de la race blanche a tué deux Africains. Tous ces mouvements restent ultra-minoritaires bien sûr, le racisme fait même sans doute partie des grands interdits aux Etats-Unis. Mais «il ne manque qu’une étincelle, s’inquiète un policier cité par le SPLC. Ce n’est qu’une question de temps avant de voir des menaces et des violences.»
Lorraine Millot
SOURCE : Libération