Dans ses trois cas, des Noirs, des Arabes et des musulmans ont manifesté leur volonté d’autonomie et de libération, et il leur fut répondu qu’ils faisaient fausse route, que leur action intempestive était irrationnelle ou encore qu’ils étaient manipulés par de dangereux intégristes musulmans. En un mot, que les indigènes devaient rester à l’écart de la politique – c’est-à-dire la citoyenneté – ou, au mieux, se placer sous le parapluie protecteur de la gauche. A travers cette critique de la gauche, qu’il appelle « la gauche » – avec des guillemets qui mettent en doute son caractère vraiment de gauche -, Laurent Lévy fait en vérité le procès du modèle républicain français. Etatiste et élitiste, la République réelle est également héritière d’une histoire coloniale qui détermine nombre de ses pratiques et des représentations qu’elle contribue à reproduire.
Plus que par les pistes d’analyses que suggère l’auteur, c’est surtout le récit détaillé des conflits suscités par l’affaire du voile et l’Appel des Indigènes qui donne son intérêt à ce livre. Dans la profusion des commentaires et des publications qui ont analysé ces événements, très peu ont en effet évoqué les divergences qui ont alors traversé les différents courants de la gauche et de la « gauche de la gauche », si l’on excepte les récits fantaisistes et mensongers de Caroline Fourest. Laurent Lévy comble ainsi un vide et il le fait bien. A lire, donc, sans tarder…
Laurent Lévy, « La gauche », les Noirs et les Arabes, éditions La fabrique, Janvier 2009, 200 pages, 13 euros.
Rencontres avec l’auteur: vendredi 5 février à 20h, à la librairie Envie de Lire (16 rue Gabriel Péri, 94200 Ivry-sur-Seine) et jeudi 25 février à 19h à la librairie Terre des livres (86 rue de Marseille, 69007 Lyon)