Déjà amendées après les émeutes de 2005, les méthodes policières ont été à nouveau modifiées après l’épisode de Villiers-le-Bel, en novembre 2007, où de nombreux dysfonctionnements avaient été relevés. La répétition des émeutes – quatre qualifiées de ‘graves’ en douze mois en zone police, une en zone gendarmerie – et le degré accru des violences contre les forces de l’ordre, visées par des armes à feu, ont conduit le ministère de l’intérieur à revoir ses protocoles d’intervention.
Pour limiter les risques de diffusion des incidents, la police mobilise des moyens absolument considérables – qui traduisent son inquiétude quant au climat réel dans les cités sensibles. Plus de mille hommes à Villiers-le-Bel, 320 policiers dans un quartier de Romans-sur-Isère début octobre après la mort d’un jeune. Eric Le Douaron, directeur central de la sécurité publique (DCSP), explique que la police réprime désormais ces violences en se déplaçant par petits groupes, très mobiles, exactement comme les auteurs de violence. ‘La réaction doit être très rapide, souligne M. Le Douaron. Les premières heures sont primordiales pour les conséquences et la contagion.’
En ‘première ligne’, la DCSP place des CRS, éventuellement des escadrons de gendarmerie mobile, et les compagnies de sécurisation de la sécurité publique, nouvellement créées. La première a commencé à fonctionner début octobre en Seine-Saint-Denis, deux autres sont en cours d’installation à Marseille et Toulouse. En tout, neuf compagnies de sécurisation sont prévues d’ici à la fin de l’année 2009. Au cours des opérations, aux côtés de ces policiers en tenue, interviennent des effectifs en civil, principalement les brigades anticriminalité (BAC) chargées de procéder aux interpellations. Cette ‘combinaison entre effectifs traditionnels et effectifs en civil’ est jugée ‘primordiale’ par M. Le Douaron. Pour une centaine de policiers déployés sur une zone, un tiers sera en civil. A Romans, plusieurs équipes de brigades anticriminalité (BAC) avaient ainsi été appelées en renfort. Avec un résultat tangible : l’impossibilité, pour les jeunes, de se réunir et donc de former des groupes assez nombreux pour passer à l’acte.
L’équipement a évolué. Les policiers sont désormais équipés des Flash-Ball d’une portée de 40 mètres avec lunettes de visée. A Romans-sur-Isère, les policiers disposaient de fusils tirant des balles en caoutchouc. La sécurité publique utilise aussi des motos banalisées et des caméras embarquées sur les véhicules. Et chaque chef de patrouille sera équipé d’une caméra individuelle, de la taille d’un téléphone portable, agrafée sur la poitrine, pour filmer toutes les interventions. Sur le plan judiciaire, les enquêteurs disposent d’une arme jugée ‘très efficace’ : la possibilité de placer les émeutiers en garde à vue pendant 96 heures – comme pour les affaires de terrorisme.
Enfin, les ‘moyens aériens’ sont de plus en plus utilisés, notamment les hélicoptères ou de petits avions – en attendant les drones – munis de spots d’éclairage permettant d’éclairer les toits et les espaces publics. L’avion a été testé à Strasbourg pour la nuit du réveillon de la Saint-Sylvestre fin 2007. Des véhicules dotés de hauts mats d’éclairage vont aussi être mis en service.
Au cours du colloque, de nombreux responsables policiers européens ont salué le haut niveau de performance française en matière de maintien de l’ordre. Mais, en marge de la conférence européenne, plusieurs, parmi eux, se disaient nettement plus sceptiques sur la capacité de la France à prévenir les violences. ‘La police française envoie des Robocop en banlieue mais ne peut plus parler avec les habitants. Nous, on fait le choix d’envoyer des hommes pratiquement sans équipement pour avoir un dialogue’, soulignait ainsi le responsable policier d’un Etat voisin.
Luc Bronner et Isabelle Mandraud
Source : Le Monde, Article paru dans l’édition du 18.10.08