Beaucoup disaient leur colère devant le refus des médias de nommer les choses par leur nom et de montrer la réalité du carnage subi par les habitants de Ghaza. «On a beaucoup vu les angoisses des gens de Sderot, on n’a pas vu les hurlements de douleur des bébés «traités» au phosphore», notait un manifestant. Beaucoup, pour être informés correctement, se sont branchés sur la chaîne Al Jazira en anglais dont l’audience a été multipliée durant le martyre de Ghaza.
A l’évidence, la gestion de l’information, quand il s’agit d’Israël, n’obéit pas aux standards jugés universels. Le problème est que cela est devenu trop visible. L’émergence de nouveaux médias comme Al Jazira et surtout l’internet dévoile cette gestion très orientée de l’information. Cela n’a pas empêché pourtant les opinions publiques en Occident, malgré le travail assidu des «faiseurs d’opinions», de constater les grandes oeuvres sanglantes de la «seule démocratie» au Moyen-Orient. Un journaliste, de retour des Etats-Unis, raconte qu’il a surpris ses interlocuteurs en leur expliquant que Ghaza n’était pas un Etat, mais une sorte de réserve indienne encerclée de tous les côtés par l’armée des Etats-Unis. La mise en exergue des «roquettes du Hamas» sert à donner du crédit à ce mensonge factuel et à occulter le fait que l’on s’attaque à des populations civiles désarmées sous blocus.
Des avocats dans plusieurs pays occidentaux s’attellent d’ailleurs à constituer les éléments factuels pour engager des poursuites contre les militaires israéliens pour crime de guerre. A l’évidence, ce n’est pas sur les chaînes de télévision occidentales qu’ils se sont informés. Pour nous journalistes des médias du «tiers-monde» qui recevons régulièrement des étiquettes faciles d’absence de professionnalisme, voire d’être des journalistes du pouvoir, la gestion des médias occidentaux du carnage de Ghaza relève très clairement d’un parti pris. A la limite, il aurait été compréhensible s’il était clairement assumé. Ce n’est pas le cas, la propagande avance masquée. On peut trouver des journalistes qui trouvent normal et compréhensible qu’une occupation provoque une résistance, y compris armée, sauf pour les Palestiniens. Israël doit rester intouchable et comme beaucoup l’ont noté, les journalistes israéliens sont plus libres de parler d’Israël que leurs homologues occidentaux.
Le comble a été atteint par la BBC qui a refusé de passer un appel lancé par des organisations caritatives pour aider Ghaza. Venir en aide à un enfant mutilé de Ghaza, c’est faire de la politique et manquer au devoir de «neutralité». C’est tellement absurde que cela a provoqué une levée de boucliers et une manifestation devant la BBC. Le caractère militant du traitement de l’information par les grands médias occidentaux commence à susciter des oppositions de plus en plus vives dans une opinion de moins en moins encline, toutes les enquêtes le démontrent, à accorder sa confiance aux grands médias. La réunion d’hier a rassemblé bien plus de monde que ce qu’espéraient ses initiateurs.
M. Saâdoune, « Le Quotidien d’Oran », 1er février 2009