Au contraire un déballage enflammé des propos lâchés par les soutiens du principal candidat adverse, auto-proclamé « modéré », Mir Hossein Moussavi.
Et nos as de la déontologie journalistique d’y aller de leurs commentaires éclairés, de leurs projections lumineuses : la participation massive ? Rien moins qu’un gage de la mobilisation des opposants face à l’obscurantisme quasi nucléaire des religieux obtus. Emporté par cet élan irrésistible, Moussavi lui-même n’hésita pas à revendiquer la victoire avant même le dépouillement des bulletins de vote.
Les « sondeurs » éberlués
Résultat des courses : Mahmoud Ahmadinejad en passe d’être élu à une écrasante majorité. Et au premier tour !
On entre là dans le domaine du fantasme qui voudrait se faire réalité. Nos journaleux, largement soutenus par « l’opinion » (je veux dire celle des sondeurs), avaient déjà commis la même erreur lors de la précédente édition iranienne de 2005, sondages et interviews à l’appui.
Au bout du compte : Mahmoud Ahmadinejad, élu largement avec plus de 60% des voix au second tour. A la « surprise générale », déjà.
Cette propension répétitive à vouloir obstinément dessiner les réalités rêvées, contre toute évidence ou raison, illustre l’impasse dans laquelle se retrouve aujourd’hui l’Empire occidental, si infatué de sa propre importance qu’il est incapable d’envisager d’autres vérités que les siennes.
De quelques motivations obscures derrière les intentions auto-proclamées
Ces rêves éveillés ne vont pas sans quelques motivations obscures beaucoup moins avouables. Celle du dominant et de sa pensée forcément unique face au reste du monde.
Nous reprochons à l’Iran et à ses satellites une volonté d’acquérir l’arme nucléaire, quand nos arsenaux regorgent d’armes similaires, et depuis longtemps, et que nous sommes les seuls à nous en être servis (Hiroshima, Nagasaki).
Nous dénonçons leur volonté hégémonique, quand c’est nous-mêmes qui pour l’heure, occupons leurs territoires (Afghanistan, Irak). Pour le salut de nos civils menacés par la nébuleuse « terroriste », nous massacrons les leurs…
Quand après les avoir économiquement rincés à la corde par nos embargos ou nos multinationales goulues, nous voyons les plus affamés d’entre eux débarquer en hordes sur nos territoires, nous exigeons d’eux une intégration qui n’est rien d’autre qu’une soumission assez servile à nos modes de pensée. Et à nos hiérarchies pré-établies dans lesquelles ils sont bien entendus confinés au plus bas de l’échelle.
Quand le flot de ces migrants se fait par trop insupportable, nous n’hésitons pas à envoyer croupir dans d’inavouables centres de rétention, ces mères voilées que nous nous targuons par ailleurs de vouloir émanciper. Dans nos délires, nous ne sommes pas à une contradiction près.
La réalité en boomerang contre les rêves des somnambules
Le problème des rêves, c’est qu’ils finissent toujours par un réveil. Retour en force d’une réalité d’autant plus douloureuse, que nous avions fini par croire nous-mêmes à nos propres fadaises.
Mince alors, ce Mahmoud Ahmadinejad, élu à 62,6% des voix ! Même celles des femmes « humiliées » ! Et du premier coup !
Nous avons beau nous frotter les yeux, il est trop tard. La réalité est bien là, mouchante à souhait pour nos fantasmes. Pas du tout conforme à nos prétentions étriquées.
Et nous, somnambules impénitents, en équilibre hasardeux sur le bord d’une fenêtre au-dessus du vide, qu’allons-nous faire ? Nous réveiller et prendre en considération avec humilité les vraies réalités ? Ou essayer de nous rendormir illico presto, une fois de plus, dans notre intenable position auto-satisfaite, au risque de tomber ?
Le Yéti
SOURCE : Rue89